La pandémie a pénalisé de manière disproportionnée les plus pauvres et vulnérables en 2021. Le Groupe de la Banque mondiale illustre à travers cet article sur la gravité de l’impact de la COVID alors qu’elle entre dans sa troisième année.
Banque mondiale: Retour sur l’année 2021, "le pandémie des inégalités"
Des inégalités de la reprise économique à celles de l’accès aux vaccins, en passant par l’aggravation des pertes de revenus et le creusement des écarts d’apprentissage, la COVID-19 a pénalisé de manière disproportionnée les populations pauvres et vulnérables en 2021. Elle inflige de graves reculs au développement et porte un coup dur aux efforts visant à mettre fin à l’extrême pauvreté et à réduire les inégalités. En raison de la pandémie, l’extrême pauvreté a augmenté en 2020 pour la première fois en plus de 20 ans et environ 100 millions (a) de personnes supplémentaires vivent avec moins de 1,90 dollar par jour. À travers cette série de graphiques, nous vous proposons un tour d’horizon des études du Groupe de la Banque mondiale qui illustrent la gravité de l’impact de la pandémie alors qu’elle entre désormais dans sa troisième année. Cela nous offrira l'occasion de revenir sur la réactivité et l'innovation dont la Banque mondiale a fait preuve en réponse à la crise.
Inégalité d'accès aux vaccins
Le moyen le plus rapide de mettre fin à la pandémie est de vacciner le monde entier. Or, à peine 7 % des habitants des pays à faible revenu ont reçu une dose de vaccin, contre plus de 75 % dans les pays à revenu élevé. Il est par conséquent indispensable d’assurer un accès large et équitable à des vaccins efficaces et sûrs contre la COVID-19 pour sauver des vies, mais aussi renforcer la reprise économique mondiale.
Plus de 64 pays bénéficient de financements de la Banque mondiale pour l'achat et le déploiement de vaccins anti-COVID, pour un montant total de 6,3 milliards de dollars. La Banque a assuré à ce jour l'achat de près de 300 millions (a) de doses destinées à des pays en développement. Elle collabore également avec le mécanisme COVAX et avec l’Union africaine, dans le cadre du Fonds pour l’acquisition de vaccins en Afrique (AVAT), lequel permettra aux pays d’acheter et de déployer des vaccins au profit de 400 millions de personnes. Le Groupe de la Banque mondiale a également conjugué ses efforts avec ceux du FMI, de l'OMC et de l'OMS pour former le Groupe de travail des dirigeants multilatéraux sur la COVID-19. Le but de cette initiative est de renforcer la coordination entre les institutions multilatérales, les gouvernements et le secteur privé afin de permettre aux pays en développement d'accéder plus rapidement aux vaccins COVID-19 ainsi qu'à d'autres outils sanitaires essentiels, en tirant parti des solutions financières et commerciales multilatérales. En outre, les financements de la Banque mondiale aident aussi les pays à acheter des équipements de protection individuelle, des produits thérapeutiques, des outils de diagnostic et de l’oxygène.
Le Groupe de la Banque mondiale aide au total plus de 100 pays à faire face à l’urgence sanitaire, à renforcer les systèmes de santé et la préparation aux pandémies, à protéger les personnes pauvres et vulnérables, à soutenir les entreprises, à créer des emplois et à amorcer une reprise verte, résiliente et inclusive.
Les pays sont-ils prêts à déployer des campagnes de vaccination ?
Bien que l’accès aux vaccins soit essentiel pour sauver des vies, les pays ont également besoin des infrastructures nécessaires pour assurer la bonne distribution et administration des vaccins. Plus que toute autre crise sanitaire auparavant, la pandémie a fait ressortir les faiblesses d’un grand nombre de systèmes de santé, qui sont maintenant confrontés au double défi de répondre à l’épidémie et de maintenir des services essentiels et vitaux. Elle est venue montrer également que des systèmes de santé solides sont le fondement de la préparation aux pandémies. La Banque aide les pays à investir dans une meilleure préparation en se dotant de systèmes de santé résilients capables de détecter, identifier, traiter et casser les chaînes de transmission de virus mortels.
La Banque, en collaboration avec ses partenaires, a évalué la capacité des États à distribuer des vaccins anti-COVID en toute sécurité dans plus de 140 pays. Alors que les campagnes vaccinales ont débuté, ces évaluations fournissent des informations extrêmement utiles sur l’état de préparation des pays. Elles révèlent que la plupart des pays s’attachent à renforcer des maillons fondamentaux de la chaîne d’administration des vaccins, essentiels pour respecter les calendriers de vaccination et immuniser leurs populations. Et, malgré des lacunes, la majorité des pays sont suffisamment prêts dans un certain nombre de domaines cruciaux.
Une reprise mondiale inégale
De même que pour l’accès aux vaccins, la reprise économique s’annonce inégale entre pays à revenu élevé et pays à revenu faible et intermédiaire.Selon les Perspectives économiques mondiales publiées en juin, la croissance de l’économie devrait atteindre 5,6 % en 2021, affichant ainsi un rebond post-récession d’une ampleur sans précédent en 80 ans. Mais cette reprise sera inégale : avec des projections qui tablent sur une croissance de 2,9 %, les pays à faible revenu devraient connaître cette année leur plus faible performance depuis 20 ans (année 2020 non comprise). La prochaine édition des Perspectives économiques mondiales sera publiée en janvier.
Pertes de revenus pour les 40 % les plus pauvres
L’inégalité de la reprise est manifeste en termes de pertes de revenus, comme le souligne ce récent billet.
En effet, alors que tous les groupes de revenu ont subi des pertes pendant la pandémie, ce sont les 20 % les plus pauvres qui sont le plus durement touchés. En 2021, leurs revenus ont encore baissé tandis que les plus riches ont commencé à rattraper leurs pertes initiales. De fait, les 40 % les plus pauvres n'ont toujours pas récupéré leurs pertes de revenu. En raison de ce déclin, environ 100 millions de personnes supplémentaires vivent dans l’extrême pauvreté.
En outre, comme on pouvait s’y attendre, les hommes et les femmes ont traversé la crise de manière très différente. Une analyse des données produites par la Banque et d’autres partenaires montre que les femmes en ont subi des conséquences plus lourdes sur l'emploi, le revenu et la sécurité.
Le commerce, un moteur de la reprise mondiale
Le fait que la hausse de l’extrême pauvreté ait coïncidé avec une période de perturbations commerciales ne doit rien au hasard. Comme l’histoire le montre, il existe un lien étroit entre les échanges et la réduction de la pauvreté : les pays à revenu faible et intermédiaire ont vu leur part dans les exportations quasiment doubler entre 1990 et 2017, alors que l’on observe sur la même période une baisse de l’extrême pauvreté.
Le commerce joue également un rôle crucial dans la reprise économique, comme en témoigne un récent rapport de la Banque mondiale (a). Après les fortes perturbations causées par la pandémie sur les échanges mondiaux, le commerce connaît un net rebond, qui contribue au redémarrage de l'économie. Le commerce international est un moteur de la reprise économique post-COVID : il contribue à une demande d’exportations soutenue et permet de disposer de produits et services intermédiaires importés. Les pays les moins avancés, dont les capacités de relance budgétaire sont limitées, sont particulièrement tributaires du redressement des échanges pour tirer la croissance économique. Alors que la pandémie a mis en lumière la nécessité de préserver les flux transfrontaliers de marchandises, le Groupe de la Banque mondiale soutient les réformes menées par les pays afin de limiter l’impact de la pandémie et de favoriser la reprise économique.
Montée des niveaux d’endettement sur fond de pandémie
Pendant la pandémie, le fardeau de la dette s'est fortement alourdi dans les économies émergentes et en développement. La situation est critique dans les pays à faible revenu, dont la moitié étaient déjà surendettés ou au bord du surendettement avant même l'arrivée de la COVID-19. Comme le rappellent les Perspectives économiques mondiales de juin 2021, on assistait depuis 2010 à une hausse des niveaux d’endettement dans le monde sans précédent par sa rapidité,
son ampleur et son caractère généralisé.
Aussi, dans leurs efforts pour se relever de la crise après avoir consacré toute leur énergie à la lutte contre la pandémie, les dirigeants des pays émergents et en développement devront s’attacher à ne pas mettre fin trop vite aux mesures de soutien budgétaire et à augmenter l'efficacité des dépenses publiques, le tout en tenant compte de la nécessité de veiller à la viabilité de la dette.
Les effets du fardeau de la dette se feront sentir longtemps après le reflux du virus : la hausse du coût du service de la dette va ralentir l'élan de la reprise et entraver les efforts dirigés vers d’autres défis du développement, à l’instar du changement climatique.
La communication de données sur la dette : un exercice complexe
En matière de dette, la réalité n'est pas toujours celle que l’on voit, si l’on en croit les conclusions du rapport consacré à la transparence de la dette dans les pays en développement (a). Et pour cause, la communication des données sur la dette est un exercice complexe.
La surveillance de la dette mondiale repose sur tout un ensemble de bases de données disparates qui s'appuient sur des normes et des définitions variées. Ces incohérences dans les bases de données locales et internationales conduisent à des écarts importants, les variations dans les décomptes publiés de la dette pouvant représenter jusqu’à 30 % du PIB pour les pays à faible revenu.
Comme l’a noté le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, dans l’avant-propos du rapport (a), « parvenir à une plus grande transparence de la dette est une étape essentielle dans la trajectoire de développement d’un pays, dans la mesure où cela favorise de nouveaux investissements de qualité, contribue à endiguer la corruption et améliore la reddition de comptes ».
Une montée sans précédent de la pauvreté des apprentissages
Les effets dévastateurs de la COVID-19 sur les populations pauvres et vulnérables sont particulièrement manifestes dans le champ de l'éducation. La pandémie a gravement perturbé la vie des jeunes enfants, des étudiants et de la jeunesse en général, et a encore exacerbé les inégalités dans l'éducation. En raison de la fermeture prolongée des écoles et de la médiocrité des acquis scolaires, la proportion d’enfants incapables de lire un texte simple pourrait atteindre 70 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire, selon des estimations récentes de la Banque mondiale.
Cette situation aura des conséquences durables sur les revenus futurs, la baisse de la pauvreté et la réduction des inégalités. Selon les dernières estimations, cette génération d'élèves risque désormais de perdre 17 000 milliards de dollars de revenus tout au long de la vie. En réponse à l'aggravation de la crise de l'éducation, la Banque a rapidement intensifié son aide aux pays en développement et soutient des projets bénéficiant à plus de 432 millions d'élèves et 26 millions d'enseignants, soit un tiers de la population étudiante et près d'un quart de la communauté enseignante dans ses pays clients.
Une flambée des prix de l’énergie qui entraîne à la hausse ceux des autres produits de base
Sur le front des prix des produits de base, la situation n’est pas favorable non plus. Selon la dernière édition du Commodity Markets Outlook, les prix de l’énergie devraient en moyenne s'établir en 2021 à un niveau supérieur de plus de 80 % à celui enregistré l’année dernière.
Étant donné que l’énergie est une matière première essentielle pour la production alimentaire et le chauffage, cette flambée des prix risque d'avoir des répercussions en aval. La hausse des cours de l’énergie a déjà eu une incidence sur les prix des engrais, entraînant par ricochet une augmentation du coût de la production alimentaire.
Au second semestre de 2021, les prix des matières premières alimentaires ont commencé à se stabiliser (a) à la faveur de perspectives positives sur le front de l’offre mondiale, tout en restant supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie. On assiste en outre à une montée de l’inflation des prix alimentaires intérieurs dans la plupart des pays, avec pour effet de rendre l'achat d'aliments sains encore plus difficile pour les pauvres. Une situation qui risque d’aggraver l’insécurité alimentaire dans les pays en développement.
L’urgence de la crise climatique
Si la COVID-19 a provoqué des dommages immédiats pour les populations pauvres et vulnérables, elle ne doit pas faire oublier les défis du changement climatique et l’action urgente qu’ils exigent.
S’il n’est pas maîtrisé, le changement climatique pourrait entraîner jusqu’à 132 millions d’individus dans la pauvreté à l’horizon 2030, selon les estimations de la Banque mondiale, sachant en outre que la majeure partie des habitants les plus pauvres du monde vivront dans des régions en proie à la fragilité, aux conflits et aux violences. Alors que la pauvreté va déjà de pair avec la vulnérabilité à des risques liés au climat comme les inondations et les maladies à transmission vectorielle, le changement climatique représente un obstacle majeur à la réduction de l’extrême pauvreté.
Des migrants climatiques toujours plus nombreux d’ici 2050
En plus de contribuer à une augmentation de l’extrême pauvreté, le changement climatique peut devenir une cause majeure de migration interne. D’ici à 2050, 216 millions de personnes pourraient être contraintes de migrer à l’intérieur de leur pays en raison du changement climatique, alerte le dernier rapport Groundswell.
Il est toutefois encore possible de réduire considérablement l’ampleur des migrations climatiques internes et de mieux gérer ces flux grâce à une action mondiale coordonnée en vue de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et de soutenir un développement vert, résilient et inclusif.
Face à ces défis urgents, le Groupe de la Banque mondiale a rendu public son nouveau Plan d’action sur le changement climatique 2021-2025, qui prévoit une hausse sans précédent de ses financements pour le climat en faveur des pays en développement, dans le but de soutenir la réduction des émissions de carbone, de renforcer l’adaptation et d’aligner ses flux de financements sur les objectifs de l’accord de Paris. Avec ce nouveau plan, le Groupe de la Banque mondiale entend élargir son action, pour non plus seulement investir dans des projets « verts » mais aider les pays à intégrer pleinement leurs objectifs en matière de climat et de développement.
Plus grand bailleur de fonds multilatéral pour les investissements climatiques dans les pays en développement, le Groupe de la Banque mondiale a apporté plus de 109 milliards de dollars de financements pour le climat entre 2016 et 2021, dont un montant record de 26 milliards pour le seul exercice 2021. La Banque mondiale a également fortement accru la part de ses financements climatiques consacrée à l’adaptation pour la porter de 40 % en 2016 à 52 % en 2020. Nous accompagnons nos pays clients afin qu'ils soient en mesure d’entamer leur transition bas carbone et résiliente et qu’ils puissent ainsi bâtir des économies climato-intelligentes.
Conclusion
Alors que l’année 2021 s'achève, il apparaît clairement que la pandémie de COVID-19 a de vastes répercussions qui touchent tous les domaines de développement. Les populations pauvres et personnes vulnérables sont celles qui paient le plus lourd tribut à une crise qui inflige un grave revers aux efforts déployés pour mettre fin à la pauvreté et stimuler une prospérité partagée. Tout n’est pas sombre pour autant. Cette année aura aussi connu des développements positifs : l'économie mondiale a renoué avec la croissance, le commerce de marchandises a rapidement rebondi, les prix alimentaires ont commencé à se stabiliser et les envois de fonds ont enregistré un redémarrage vigoureux. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, notamment face aux risques d'apparition de nouveaux variants et aux inégalités d'accès aux vaccins.
Au moment où un certain nombre de pays commencent à s'engager sur la voie de la reprise, c’est l’occasion pour eux de parvenir à une croissance économique durable sans dégrader l’environnement ni aggraver les inégalités. Le Groupe de la Banque mondiale aide les pays à jeter les bases d’une reprise verte, résiliente et inclusive en soutenant la croissance et la stabilité économique, en tirant parti de la révolution numérique, en promouvant un développement plus durable et respectueux de l’environnement et en investissant dans les populations.