(Billet 540) – Une date, peut-être, pour les élections…
Les lois organiques sont passées, les listes électorales en passe d’être validées, les états-majors de partis en ordre de bataille… Tout est prêt pour ces élections, ou presque. Il ne manque plus qu’une date et, éventuellement, des électeurs. En 2016, le grand jour était connu dix mois à l’avance. Aujourd’hui, nous sommes à cinq mois de l’ouverture solennelle du parlement et nous ne savons toujours rien.
Il est vrai qu’en 2016, il n’y avait pas les problèmes d’aujourd’hui. Nous ne vivions pas claquemurés dans nos espaces, confinés, stressés, dans l’attente et l’incertitude de lendemains qui ne chantent absolument pas. Raison de plus, pourrions-nous dire… Mais le gouvernement a ses raisons que le commun des mortels ignore, et c’est bien dommage car tout tourne autour de ce commun des mortels, ne serait-ce que l’inciter à aller voter.
Dans l’intervalle, entre le Covid et Joud, les joutes partisanes se crispent et se durcissent. Les partis d’opposition affûtent leurs armes, mutualisent leurs angoisses et s’attaquent aux deux grands partis de la majorité que sont le PJD et le RNI. Des luttes politiciennes, dira-t-on, mais des luttes quand même, de nature à éloigner et rebuter l’électorat encore bien plus qu’il ne l’est déjà.
Pourquoi le gouvernement ne décide-t-il pas de la date des trois élections ? On sait déjà qu’elles devront se tenir dans la dernière décade de septembre, peut-être le 1er octobre. En effet, l’été est trop proche et début septembre, les gens sont occupés par des choses autrement plus importantes que le choix entre des personnes qui se ressemblent à peu près toutes. Il y a la reprise après les vacances (pour celles et ceux qui ont encore un emploi),
puis la rentrée des classes pour les progénitures…
En réalité, on procède comme si on voulait éloigner les gens de ces élections. Après un an et demi de pandémie, des mois d’angoisse, des écoles qui ouvrent à moitié avant de fermer à moitié, les entreprises qui licencient ou attendent de licencier, les attentes des vaccins, puis d’une éventuelle reprise de l’épidémie… les gens se posent bien des questions dont les réponses s’éloignent comme des mirages tenaces.
Fixer une date pour le scrutin permettrait aux électeurs potentiels d’inscrire quelque part dans leur esprit qu’en octobre, ils iront aux urnes… enfin, pour celles et ceux qui voudront y aller, qui croient encore en quelque chose. Mais dans l’attente, que voyons-nous ? Beaucoup de discours sur les élections, sans visibilité aucune sur lesdites élections.
Dans l’attente, les politiques avancent les yeux bandés, les oreilles attentives aux rumeurs et la bouche grande ouverte, s’énervant les uns contre les autres, s’invectivant copieusement pour n’importe quel sujet… Une foire d’empoigne en lieu et place d’une campagne électorale qui débat et qui échange.
Les ministres technocrates travaillent comme s’il n’y avait pas d’élections prévues et les autres se tâtent, ne sachant plus quoi faire ni où donner de la tête. Attendre le modèle de développement ou élaborer un programme qui sera révisé après la publication de ce modèle ? Nul ne sait et de plus en plus de gens s’en moquent…la majorité éclate, la minorité s’éclate mais les deux camps s’écartent des attentes d’électeurs qui n’en attendent plus rien.
Bref, en quelques mots comme en mille, le Maroc s’apprête à tenir des élections qui pourraient être parmi les plus difficiles qu’il ait connues, depuis son indépendance.
Aziz Boucetta