(Billet 499) – Et si on tournait la page des prisonniers ?...

(Billet 499) – Et si on tournait la page des prisonniers ?...

Le Maroc traverse une période difficile de son histoire avec des défis à n’en plus finir. Nous sommes certes logés à la même enseigne que nombre de pays dans le monde, pour ne pas dire tous, avec les conséquences prévues et redoutées de la crise sanitaire, économique… mais le royaume est à la veille d’élections générales et en attente de la publication d’un rapport très attendu sur le nouveau modèle de développement. Pour cela, il serait préférable d’établir une union nationale…

… mais pas pour le gouvernement et les institutions représentatives, cela étant une autre histoire. L’unité nationale envisagée ici est celle de la société qui a été bousculée ces dernières années par un ensemble de faits. Des troubles urbains ici et là, une classe politique un peu dépassée, une nouvelle donne géopolitique régionale et, bien évidemment, la crise qui s’installe confortablement.

La société, pour affronter ces défis et ces contraintes, doit être apaisée. Et pour cela, elle a besoin de tous ses enfants, jusques-y compris ceux qui sont en prison. Il est peut-être temps de penser à rendre leur liberté à ces prisonniers et de les rendre à leurs familles. Les détenus du Rif ou les journalistes, les activistes ou les rappeurs, ils sont nombreux à avoir été jugés et condamnés, définitivement ou en première instance…

Aujourd’hui, alors que nous nous apprêtons, tous, à une course pour la reprise et la croissance, de préférence inclusive, la page doit être tournée, sans retourner les couteaux dans les plaies… Qu’il s’agisse de questions de mœurs ou de sédition, de délits financiers ou de propos exprimés, il est important pour la réussite de ce modèle et le lancement réel du développement de ce pays qu’il n’y ait plus de...

boursouflures.

Il est important de ranger ses rancœurs et ses ressentiments, et qu’un nouveau départ soit pensé pour ne pas partir du mauvais pied. Ces gens ont passé du temps, beaucoup de temps, en prison. Qu’ils soient libérés implique également une indulgence, sinon un pardon, des parties civiles, de toutes les parties civiles. Certains les pensent coupables, d’autres non, mais tout cela doit rester derrière nous.

Grâce royale par l’acte, amnistie parlementaire par la loi, ou décision judiciaire par la Cour suprême qui rouvrirait (ou accélérerait) les dossiers pour une éventuelle relaxe… les procédés ou procédures pour libérer ces gens sont multiples. Il ne manque que la volonté, puis la décision. Il est vrai qu’un tel acte de grâce ou d’amnistie pourrait désobliger, voire désappointer, les victimes, mais tel est le prix d’une paix sociale. Et, dans cette logique, et pour rappel, le roi Mohammed VI avait accordé en avril 2020 sa grâce à plus de 5.500 prisonniers sur les plus de 80.000 détenus dans les prisons marocaines. Et ils sont près de 40% de cet effectif à être incarcérés sous le régime de la préventive.

Une des phrases les plus récurrentes et les plus entendues ces dernières décennies est que « la patrie est clémente et miséricordieuse ». En ces temps troubles et troublés où l’union nationale et l’unanimité sociale sont primordiales pour réussir l’étape qui s’ouvre à nous, la « patrie » gagnerait immensément à manifester sa clémence et sa miséricorde. Elle a pardonné hier aux séparatistes ci-devant égarés et elle a pardonné aussi, et même dédommagé, d’anciens putschistes. La société n’a pas d’ennemis, elle a simplement des amis qui se sont « éloignés »…

Il serait tellement beau que la patrie libère ces prisonniers, sous une forme ou une autre.

Aziz Boucetta