Zakaria Garti : "La question de notre intégrité territoriale est une ligne rouge pour Maan"
Maan, fondé en mars 2019 par un groupe de jeunes et moins jeunes militants, est un mouvement d'action et de réflexion politique, économique et sociétale. Animé par des personnes disposant d'un solide bagae intellectuel et politique, Maan prend position sur les grandes questions d'actualité nationale, et aussi internationale. A la suite de l'accord conclu entre le Maroc et les Etats-Unis au sujet du Sahara et d'Israël, Maan avait publié sa position portant sur le rejet de la normalisation avec l'Etat hébreu, une position qui avait créé la polémique. Zakaria Garti (photo ci-dessous), membre cofondateur de Maan, répond aux questions de PanoraPost et précise la position de Maan sur le Sahara et sur la Palestine.
Quelle est la position du Mouvement Maan concernant l’accord passé avec les Etats-Unis portant sur la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara, en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël ?
Nous avons entendu plusieurs déclarations du ministre des Affaires Etrangères et ce dernier dit (à maintes reprises) que la décision américaine n’est pas liée à l’accord avec Israël. De facto, la question ne se pose pas.
Concernant la reconnaissance par Washington, de la marocanité du Sahara, c’est un évènement majeur, probablement, la plus importante victoire diplomatique du Maroc ces dix dernières années. Le mouvement Maan a accueilli cette nouvelle avec une grande émotion et apprécie sans retenue cette évolution positive et importante, s’inscrivant dans la continuité de la percée diplomatique couronnant des années de grands efforts et de sacrifices et consacrant la proposition marocaine de règlement de ce conflit créé de toutes pièces.
Nous réitérons aussi que notre Mouvement considère que notre cause nationale est une question de justice tout autant que la cause palestinienne, à laquelle les Marocains sont attachés depuis les nombreuses décennies de lutte et de défense des droits des Palestiniens sur leurs terres ancestrales et sur la ville sainte d’Al Qods.
Quand vous affirmez votre volonté de rejeter toute normalisation avec Israël, en raison de ses actes envers les Palestiniens, seriez-vous prêts à sacrifier par la même occasion la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Américains, si la question vous était posée ?
La question de la marocanité du Sahara et de notre intégrité territoriale est une ligne rouge pour Maan, c’est non négociable. De
plus, un Maroc faible ou affaibli n’est pas en mesure de soutenir la cause palestinienne ni toute autre cause juste.
Quant à la position de Maan sur la normalisation, elle traduit les réserves de ses membres qui, de leur condition de citoyens qui ne sont pas aux affaires, s'interrogent sur les implications d'une telle décision sur la cause palestinienne vis-à-vis de laquelle les Marocains se considèrent historiquement engagés.
Ne pensez-vous pas qu’une normalisation des relations entre Rabat et Tel Aviv romprait avec 70 années d’échecs des négociations en situation de guerre, sachant que le relations existaient déjà auparavant et qu’aucune avancée n’a été faite pour la question palestinienne en état de guerre avec Israël ?
Je ne pense pas qu’une normalisation entre Rabat et Tel Aviv puisse relancer le processus de paix dans le Moyen Orient. Inutile de rappeler que plusieurs pays arabes (Egypte, Jordanie et d’autres) ont normalisé les relations avec Israël sans que cela ait eu un impact majeur sur la question palestinienne. Ce processus est à l’arrêt depuis presque deux décennies. Les pays arabes avaient été à l’origine de l’Initiative de Paix Arabe lors du Sommet de la Ligue Arabe de 2002 (s’appuyant sur les résolutions du sommet de Fès en 1982), en proposant des relations normalisées avec Israël dans le cadre d’une paix globale comprenant l’ensemble des pays arabes. En échange, Israël devrait accepter la création d'un État palestinien sur les territoires occupés en 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale. Cette initiative restera sans suite et le gouvernement d’Ariel Sharon refusera même de la discuter.
Aujourd’hui, il serait d’autant plus difficile de parler de relance de processus de paix que le gouvernement israélien est dirigé par un Benyamin Netanyahou, hostile à la paix, en déficit de légitimité et affaibli par de nombreuses affaires. Ce déficit de légitimité, Netanyahou le partage également avec de nombreux dirigeants palestiniens. Ces derniers n’ayant pas reçu l’onction démocratique du peuple palestinien (extension de la présidence de Mahmoud Abass depuis 2009), ne sont pas en mesure de conduire des négociations en son nom. La démocratie est indéniablement un facteur et un facilitateur de paix entre les peuples et les nations. Les Palestiniens ont hélas un double combat à mener : celui de la démocratie et celui encore plus compliqué de la création d’un État indépendant.
Propos recueillis par Aziz Boucetta.