(Billet 443) – Si c’est Abdellatif Jouahri qui le (re)dit… avec cette véhémence !!...

(Billet 443) – Si c’est Abdellatif Jouahri qui le (re)dit… avec cette véhémence !!...

Une nation vit en principe sur des valeurs et agit en fonction de lois, mais en principe seulement, car les Etats ont leur façon de fonctionner, qui n’est pas toujours inscrite dans la morale convenue. Mais une nation a toujours ses garde-fous, ses institutions de contrôle, ses personnages anciens, expérimentés et (désormais) désintéressés. Au Maroc, nous avons ces institutions, dont les patrons disent les choses… il faut les écouter. Las…

Il faut le dire et le répéter… quand le président de la Cour des Comptes Driss Jettou, ancien premier ministre, ancien chef de l’Intérieur et membre de la Commission pour le modèle de développement, dit que les rapports de la Cour ne sont lus par personne, et qu’il dise cela au parlement, et que les parlementaires se contentent de bâiller aux corneilles, c’est grave !

De quoi parlent ces rapports ? De la mauvaise gestion, des gabegies constatées ici et là, ailleurs, partout, tout le temps, du manque de prévoyance, de l’indélicatesse de certains responsables, des partis qui n’ont pas de comptabilité en règle… Bref, de la mauvaise gouvernance. Nous pourrions préciser, de la gouvernance rance.

Sur ces entrefaites, arrive le wali de Bank al-Maghrib qui, du haut de la tribune de la Chambre des représentants assène aux députés que « tout est imbriqué, et si vous ne résolvez pas le problème de la gouvernance dans sa globalité », rien ne sera fait, rien ne marchera… rien. Plus grave encore, bien plus grave, plus sérieux et plus profond : « Si vous ne résolvez pas le problème de l’équation politique », rien ne pourra être réalisé, s’emporte M. Jouahri avec sa fougue habituelle.

Et c’est là que les choses deviennent intéressantes, voire même stressantes. Qu’est-ce que « l’équation politique » ? Les équilibres du pouvoir ? La perception du pouvoir ? Le rôle des institutions, prises individuellement puis dans leurs relations mutuelles ? La constitution n’aurait-elle donc pas tout réglé ?

Revenir sur l’équation politique renvoie au fameux mot de Hassan II prononcé en 1965, quand il était question de...

régler la situation politique de l’époque, où la monarchie était (et est toujours) une composante du champ politique sans qu’elle ne fût (et ne l’est toujours pas), une variable du même champ. Les partis politiques étaient alors une composante et une variable de l’équation politique, et aujourd’hui, ils sont… ce qu’ils sont !

Il reste la gouvernance, dont parle M. Jouahri. Et avant même de résoudre le cas des partis et de l’opération démocratique qu’ils incarnent (ou sont supposés le faire), le wali de Bank al-Maghrib a parlé de gouvernance, et quelle que soit l’équipe aux commandes gouvernementales, la gouvernance pose problème. Des partis sans âme ni programme, des élites politiques guidées par l’ego, une indigence de l’initiative… finalement, en guise de gouvernance, et avec toutes ces compétences que nous avons pourtant sous nos cieux, le Maroc ne trouve que la négligence, ne rencontre que l’indifférence et souvent, subit la condescendance.

C’est de cela, sans doute, que parle M. Jouahri, et c’est aussi cela qu’évoque M. Jettou, face à des élus qui n’ont aujourd’hui d’yeux et de pensées que pour les futures élections, les candidatures et les investitures, les lois électorales et la répartition future des sièges.

On peut continuer de critiquer la constitution, et elle est critiquable, comme on peut poursuivre sur cette voie fermée consistant à faire confiance à nos partis, mais la pandémie est là, la crise économique et sociale qui lui est consubstantielle est là aussi, et menace de durer quelques années… pendant que le modèle de développement en est à sa dernière ligne droite.

Si la Commission Benmoussa a la classe et l’audace de parler aussi de la constitution et des différents constituants de notre classe politique, cela serait une heureuse conclusion, et éviterait à l’avenir à des gens comme Abdellatif Jouahri et Driss Jettou de crier sans être entendus par ceux auxquels ils s’adressent, de poser des questions, asséner des affirmations, évoquer des équations qui dont des conjectures.

Aziz Boucetta