(Billet 438) – Redouter le virus ou douter du vaccin, il faut choisir…

(Billet 438) – Redouter le virus ou douter du vaccin, il faut choisir…

Les choses se rapprochent, le vaccin pointe le bout de sa seringue, et les esprits entament leur surchauffe… Accepter ou non le vaccin, telle est la question qui revient sur toutes les lèvres. Est-il sûr, est-il efficace, est-il éprouvé, son efficacité est-elle prouvée ?... et beaucoup d’autres « est-il » plus ou moins utiles à savoir. Mais la décision semble avoir été prise, et les vaccins devraient commencer normalement, si tout se passe bien, à nous piquer dans quelques semaines…

Aujourd’hui, les grands laboratoires pharmaceutiques se livrent à une étrange course à l’efficacité chiffrée, dans une surenchère qui aurait été risible si ses enjeux n’avaient été graves… le 9 novembre, Pfizer et BioNTech déclarent un large 90% d’efficacité pour leur vaccin, mais voilà que Moderna arrive à grande vitesse et dépasse ses deux concurrents en annonçant un très précis 94,5%, puis que, piqués au vif et résolument offensifs, Pfizer et BioNTech amorcent une accélération, revoient leurs données et secouent leurs patients pour triomphalement proclamer un bruyant 95%... Que fera Moderna ? Elle n’a plus que 5 points avant d’atteindre la perfection…

Pour leur part, les laboratoires chinois, qui s’étaient mis au travail depuis plus longtemps que les autres, vu que le virus a pointé sa couronne chez eux en premier, ne disent rien, testent à tour de bras, vaccinent à l’envi, et avancent… Le Maroc est dans la boucle des pays qui ont décidé de contracter avec eux, depuis l’été, pour proposer labos, scientifiques et patients pour la phase III des essais.

Alors, faut-il douter de ce vaccin ? Un nombre croissant d’individus angoissés vous répondront oui, en vous regardant fixement dans les yeux, tête penchée vers vous, oubliant même la nécessaire distance physique à maintenir pour éviter les postillons de colère. Mais imaginons un instant que rien n’ait été fait ou dit… que le Maroc ait décidé d’attendre que des millions de gens soient vaccinés dans le monde… que le gouvernement se soit plongé dans sa torpeur habituelle… Imaginons les cris d’indignation du type « notre gouvernement n’a rien fait », « nous sommes toujours les derniers », « nous ne comptons pas »… Face aux refuzniks, qui ont...

le droit de refuser le vaccin au nom de leur intégrité physique, on trouve l’autre catégorie de personnes qui croient les scientifiques, sans douter de leur parole ni redouter leurs différents protocoles.

Que devrait faire donc l’Etat ? Comment pourrait-il procéder ? Il est en charge de la sécurité des citoyens et vu que le virus menace de plus en plus et tue davantage, frappant les corps et encore plus les esprits, il doit prendre des décisions. Et l’Etat, par la voix de son chef, a pris sa décision… et un risque.

Car en effet la situation est inédite, et peut-être même unique dans les annales politiques contemporaines, et même anciennes. On imagine déjà les longues files d’attente devant les bureaux de vaccination… des dizaines, des centaines, des milliers de personnes attendant de tendre le bras dénudé à quelqu’un qui inocule les vaccins à la chaîne. Il est important, voire primordial, que les gens soient convaincus.

Selon une étude sociologique, publiée voici quelques semaines par la revue britannique Royal Society Open Science, jusqu'à un tiers de la population de certains pays est susceptible de croire à de fausses informations et à des théories complotistes sur le Covid-19, qui ont pour effet d'augmenter la méfiance envers la vaccination. Si on transpose ce résultat chez nous, ce sont des millions de personnes qui refuseront l’injection, pour diverses raisons supplémentaires, fatalité, croyances ou même ignorance.

La communication tarde, et même quand elle est enclenchée, elle se répand moins vite, bien moins rapidement que la rumeur, le complotisme, le scepticisme… Et pourtant, des scientifiques éminents, marocains, ont expliqué les tenants et les aboutissants d’un vaccin. Mais d’autres scientifiques restent sceptiques et insinuent le doute.

Le mieux est de les faire se rencontrer, publiquement, pour confronter leurs idées et leurs arguments, dans les médias publics et les réseaux sociaux, car à vouloir vacciner des gens sans les convaincre du bien-fondé de la chose, on prend le risque de laisser quelques centaines de milliers de personnes clamer leurs doutes et proclamer leur refus.

Et plusieurs centaines de milliers de personnes qui expriment un droit, c’est très difficile à forcer…

Aziz Boucetta