(Billet 418) – Des parlementaires… à terre

(Billet 418) – Des parlementaires… à terre

Faut-il ou non servir des retraites aux parlementaires ? Le sujet revient récurremment, opportunément, confusément, à chaque discussion d’une loi de finances ou à la veille de la préparation d’une élection. Nous sommes dans les deux cas, et le débat revient encore : la retraite des parlementaires. Mais en réalité, cette question qui a pris de l’embonpoint est plus large, et pose la question de la légalité et de la légitimité de nos élus.

Un élu parlementaire touche environ 35.000 DH au titre de son indemnité mensuelle ; on peut y ajouter des bonus en fonction des responsabilités assumées et autres joyeusetés. Quand cet élu termine son mandat, il percevait jusqu’en 2017 une retraite équivalant à 1.000 DH par année passée au parlement. Globalement, si l’on en croit la loi de Finances 2020, le personnel coûte à l’Etat la somme de 640 millions de DH, dont les parlementaires reçoivent la moitié.

Mais là n’est pas le problème, le Maroc peut assurer cela si tant est que les députés et conseillers assument leurs fonctions.

Le problème est dans la contrepartie, dans le travail abattu par ces parlementaires, dont le rôle, en principe est de légiférer et de contrôler l’action du gouvernement. Si le travail était fait, et il ne l’est pas, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais comme il existe un décalage entre le coût des parlementaires et leur action, alors il faut s’occuper de leur jardin interne.

D’abord, que font-ils, nos élus, en matière de production législative ? Pas grand-chose, semblerait-il, car dans notre pays, c’est le gouvernement qui prend le plus souvent l’initiative de présenter des projets de lois, les Chambres se contentant d’endosser héroïquement et en silence leur rôle de chambres d’enregistrement. Le gouvernement gouverne et les députés se contentent de parlementer, mollement.

Fort bien, mais dans plusieurs grandes démocraties occidentales, c’est aussi le gouvernement qui prend le plus souvent l’initiative des lois, sauf que dans ces pays-là, les parlements remplissent leur fonction de contrôle. A ce propos, souvenons-nous de cette triste journée de...

juillet 2020, quand le président de la Cour des Comptes Driss Jettou était venu douloureusement gémir que « la Cour produit entre 40 et 50 rapports annuellement. Je considère que ces rapports sont très importants et essentiels pour le Maroc et son économie. Personne ne travaille sur ces rapports et les problématiques qu’ils dévoilent, ni au Parlement ni au sein de votre honorable commission. Personne n’y prête attention ». Donc, pas plus d’examen rigoureux des finances que de contrôle vigoureux sur la mauvaise gouvernance.

Donc, pas d’initiative législative, et pas de contrôle. Mais sont-ils présents, assidus, au moins, nos élus parlementaires ? Même pas (sauf pour une petite partie d'entre eux), et il suffit pour s’en assurer d’aller sur le site de l’une ou l’autre des deux chambres pour visualiser la chose. Il est rare en effet, exceptionnel même, de voir un projet de loi voté et adopté par plus de 100 ou 120 députés, soit le quart de nos élus. On avait parlé d’une liste publique des députés absents, mais on en avait seulement parlé…

Si les députés étaient rémunérés sur la base de leur présence en commissions et en plénière… s’ils étaient payés en fonction de leurs propositions de lois… s’ils étaient primés en se fondant sur leurs missions de contrôle… s’ils étaient sanctionnés, par prélèvement sur leurs indemnités ou en les soumettant hardiment à l’amende pour non-respect de leurs engagements électoraux, comme cela se fait sous des cieux parlementairement civilisés… s’ils étaient moins nombreux au lieu de militer farouchement pour l’augmentation de leur effectifs inactifs et oisifs… on pourrait alors leur verser leurs indemnités, et même les augmenter, et aussi leur assurer leurs retraites. S’ils faisaient leur travail, le Maroc y gagnerait en crédibilité, en démocratie et en argent qui serait moins détourné, qui serait mieux employé…

Mais tant que les choses continuent au même rythme et selon la même logique, alors tout dirham dépensé restera un dirham gaspillé, et les gens pourront continuer d’houspiller ces tristes sires pour leurs tristes ressorts.

Aziz Boucetta