[Entretien] Nicolas Breton : L’assurance vie au secours du patrimoine historique
Le patrimoine historique se fragilise de plus en plus en raison de la vétusté des sites mais aussi du désengagement de l’Etat par rapport à son financement en vendant ses biens, en diminuant crédits et aides attribuées aux Monuments Historiques et en transférant la propriété aux collectivités ou à des établissements publics administratifs.
Pour sa sauvegarde, le patrimoine à besoin d’un financement continu, nouveau, d’autant que la place de l’Etat dans son financement est menacé.
Aujourd’hui, le financement participatif à travers les dons, sont des moyens économiques pourraient augmenter le budget allouer au patrimoine historique. Mais face à cette possibilité, Nicolas Breton, Expert assurance vie, a dans son ouvrage intitulé : « L’assurance vie du patrimoine historique - Le financement du patrimoine historique par l’assurance vie, le 12 juin 2020 », démontré que l’assurance vie peut jouer un rôle palliatif au financement du patrimoine.
Dés lors plusieurs questions de posent : Quels sont les leviers juridiques qui permettent de transférer une partie des fonds présents sur les assurances vies vers le patrimoine historique ? Entretien.
Panorapost : Un peu partout, la branche assurance vie a résisté à la crise du coronavirus. Qu'est-ce qui peut expliquer ce fait ?
Nicolas Breton. Dans votre question concernant l’une des actualités majeures de l’assurance vie que je commente dans mon ouvrage, vous évoquez la « résistance de l’assurance vie ». Mais pour répondre à votre question, il convient de revenir quelques pas en arrière pour comprendre pour quelles raisons, le contrat d’assurance vie est le placement préféré des Français.
Si nous prenons le cas Français. L’épargne par l’assurance vie est un acte moderne, l’Église Catholique ayant interdit la spéculation sur la vie humaine tout au long de l’époque médiévale et des temps modernes. La première compagnie d’assurance sur la vie qui est créée et qui a vocation à commercialiser des assurances sur la vie, date de 1787, et il faudra attendre la seconde moitié du XXème siècle pour que l’assurance se démocratise dans toutes les couches de la société.
Plusieurs raisons expliquent le soutien des peuples pour ce contrat récent.
La première raison est sa souplesse. Il s’adapte à plusieurs projets, la préparation d’un achat immobilier, de la retraite, d’un voyage, etc. Ainsi, il s’adresse à toutes les couches de la société et à tous les âges de la société. Ses finalités évoluent avec le souscripteur sans qu’il n’est besoin de modifier son contrat.
Le second atout est sa fiscalité, hors succession. Dans certains pays comme la France, les successions, c’est à dire la transmission des patrimoines d’une génération à une autre est imposée par l’État pour redistribuer une partie de la richesse des plus aisées, vers ceux qui n’ont pas de patrimoine. L’assurance vie échappe à ses règles fiscales contraignantes, puisqu’elle possède sa propre fiscalité, plus douce.
La troisième raison est l’absence de concurrence existante pour défier l’assurance vie. Les taux du livret A sont proches de 0 %, les PEA (Plans Epargnes Actions) s’adressent à des personnes ayant des connaissances dans le monde de la finance, de l’économie et de l’entreprise, et les autres contrats bancaires ne possèdent ni la souplesse, ni la fiscalité de l’assurance vie.
Toutes ces raisons expliquent la popularité du contrat d’assurance vie avant la crise, à tel point que le nombre de souscriptions nouvelles étaient déjà en hausse avant la crise de la Covid 19.
Maintenant, vous posez comme postulat que « l’assurance vie a résisté à la crise ».
Effectivement, le droit des assurances vie qui permet de normer le contrat d’assurance vie est un droit qui pose de plus en plus de contraintes aux intermédiaires de la profession depuis plusieurs années, tant dans les devoirs de conseils et d’informations qu’en matière de gestion du contrat. L’exemple le plus éclatant est celui de l’encadré dans les contrats d’assurance vie, qui résume les clauses de ce contrat. Le juge n’hésite pas à condamner les compagnies. De son côté, le législateur rehausse les contraintes qui pèsent sur l’intermédiaire en assurance, sur ses compétences ou sa probité. Enfin l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) rattachée à la Banque de France, publie des recommandations pour rappeler le droit des assurances vie aux différentes compagnies et sanctionne lourdement le défaut de conseil ou l’absence de gestion des contrats en déshérences par ces mêmes compagnies (loi Eckert). Après la crise 2008, avec la directive MiF, le législateur est venu renforcer les obligations économiques de stabilité de ces mêmes compagnies en exigeant d’elles qu’elles constituent plus de réserves financières en vue d’absorber un choc aussi puissant que la crise des surprimes de 2008.
Ainsi le socle juridique qui encadre les compagnies d’assurance et la pratique des assurances par ces compagnies est solide. Même si certaines voix s’élèvent pour dénoncer le manque de transparence des compagnies ou sur une demande de solvabilité toujours plus grande.
Effectivement pendant la crise du Covid, dans les pays riches de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique),des mesures protectrices des salariés, des compétences des salariés, et des situations financières des entreprises ont été mises en place pour permettre à leurs économies de repartir à la hausse, en pleine vitesse, une fois la crise pandémique terminée. Ces mesures ont permis aux salariés de continuer à percevoir un salaire alors même que l’économie était à l’arrêt et que le confinement était voté. Ces personnes ont donc reçu des fonds sans avoir la possibilité de les dépenser puisque les entreprises ne fonctionnaient pas. L’une des répercussions positives des mesures prises par ces gouvernement, pour éviter la paupérisation de leurs sociétés à entraîné la constitution d’une épargne qui faute d’autres produits financiers intéressants, s’est logée naturellement dans les contrats d’assurance vie. Ainsi, les volumes totaux des capitaux présents sur les contrats d’assurance vie (l’encours) ont augmenté entre les mois de mars et mai. Puis, avec les annonces de dé confinement, ces mêmes encours ont diminué les peuples dépensants une partie (faible) de leurs épargnes acquises. Par voie de conséquence, le contrat d’assurance vie a été un contrat qui a dopé ses chiffres pendant la crise de la Covid 19.
Mais pour autant, peut-on réellement dire que le contrat d’assurance vie a résisté à cette crise ? Je n’en suis pas certain. Si le socle juridique, la longévité et l’accroissement de son attractivité ne sont pas à remettre en cause, et nous avons expliqué leurs fondements, il convient de s’interroger sur le pan économique du contrat d’assurance vie.
En effet, rappelons que ces capitaux nouveaux vont être investis dans l’économie via les deux options économiques de l’assurance vie, les unités de compte et le fonds euros.
A titre de rappel, les fonds euros sont des unités de compte qui bénéficient de ce que l’on appelle l’effet cliquet.
Les intérêts de l’année n, sont sauvegardés automatiquement et transférés dans les capitaux présents sur le contrat. Les intérêts de l’année n + 1 sont calculés sur le montant des capitaux (capitaux et intérêts générés) de l’année n.
Le fonds euros bénéficie également d’une stabilité et d’une longévité qui est due à la constitution de son enveloppe économique, basée sur les dettes des Etats très peu risquées comme l’Allemagne.
Toutefois, depuis la crise de 2008 le rôle de la BCE (Banque Centrale Européenne) n’a cessé de se développer et de dépasser son cadre originel dans le but de préserver l’unité de l’Union Européenne.
Malgré cette politique volontariste de la BCE qui n’hésite pas à effectuer des rachats de dettes des Etats pour éviter un risque systémique financier, la question qui peut se poser est la question de la rentabilité des dettes des Etats achetés par les ressortissants sous forme de fonds euros. La France affiche par exemple une baisse de son Produit Intérieur Brut de 5,9 % au premier trimestre 2020 et 13,8 % au second trimestre 2020. Ce choc de la productivité annonce t-il la fin des fonds euros prophétisés par nombres d’économistes mais jamais réalisé ? Nul ne le sait.
Les unités de compte plus classiques, sont basées sur les dettes (obligations) et sur les parts des entreprises (actions) soumises à l’économie réelle. D’autres produits financiers viennent compléter ces deux grandes catégories de produits financiers, comme les SCPI (sociétés civiles de placements immobiliers), basées également sur les chiffres de l’économie réelle.
Les analystes Français des faillites d’entreprises enregistrent des taux record de faillites d’entreprises dues aux mesures de protections sanitaires (comme le confinement ou la fermeture temporaire ou totale de certains lieux comme les bars), à la fébrilité de leurs affaires avant l’apparition de la Covid 19 et accentuée avec cette apparition.
Or, ainsi que nous venons de le voir, les unités de compte qui permettent de générer les intérêts du contrat d’assurance vie, dépendent de l’économie réelle.
D’ailleurs, cette instabilité financière se matérialise par un cours de la bourse qui a baissé de près de 40 % dans certains domaines d’activité. Mais il apparaît que la bourse ne se comporte pas de la même manière dans l’ensemble des secteurs économiques. Certains secteurs enregistrent des baisses plus mesurées. Tous les secteurs ne sont pas soumis aux mêmes problématiques, et cela se traduit par une diversité dans la chute boursière. Cette diversité se traduit dans les chiffres des unités de compte qui baissent différemment selon leurs compositions.
Mais, si les économistes se réfèrent aux crises économiques antérieures pour espérer prédire l’avenir, ils constatent eux mêmes les limites de l’exercice. La crise de 1929 a été provoquée par une hausse exponentielle de l’inflation. La politique de la BCE est de lutter contre l’inflation. La crise de 2008 provient des prêts accordés à des particuliers alors que les organismes financiers savaient leurs impossibilités de remboursement, puis proposés financièrement à d’autres particuliers via les assurances vie. Or, les grandes loid de solvabilités européennes ont permis de s’assurer que ce schéma qui a conduit à une quasi chute de la Grèce, ne se reproduise pas.
Pour compléter un panorama économique assez inquiétant lié au Covid 19, nous pouvons noter que les porteurs de risque ne sont pas épargnés par la crise sanitaire. Certaines fusionnent, d’autres évoquent de grands plans de licenciement. Rappelons qu’une compagnie d’assurance vie peut faire faillite, l’exemple qui reste dans les mémoires est celui de la compagnie Europavie, dans les années 1990.
Je me spécialise actuellement dans le financement du patrimoine historique. C’est l’objet principal de ma recherche qui a débuté en 2017 sur la protection du patrimoine historique par l’assurance. La question que je me pose personnellement après avoir répondu à la question de l’éventuelle résistance de l’assurance vie face à la crise de la covid 19, est la question suivante, comment repenser mon travail suite aux conséquences de la crise de la covid 19 ?
Au sein de mon ouvrage j’explique différents mécanismes qui permettent de financer le patrimoine historique par l’assurance vie. L’un d’entre eux est la création d’une unité de compte patrimoine historique.
Nous avons abordé le pan économique de l’assurance vie et les diversités de baisse des unités de compte.
A mon sens, la renaissance intellectuelle se trouve sur ce point.
Il existe plusieurs instruments financiers, scpi, opci, actions, groupements de bois et forêts, etc.
Quels sont les instruments financiers qui résistent le mieux à la crise sanitaire et économique ? Pour quelles raisons ? Comment se comportera le fonds euros dans les années à venir ?
Une fois la crise terminée, il faudra en tirer les leçons pour la construction de cette unité de compte.
Mais pour le moment, nous ne sommes pas à la fin de cette crise sanitaire et nous sommes encore confrontés à la crise économique.
Résumé, l’assurance vie est un produit solide, souple, historique, bien implanté dans le paysage économique. Son socle juridique et institutionnel est stable, c’est ce qui permet à l’assurance vie d’exister. Ses nombreux atouts sont plébiscités par les Français. Les mesures économiques inédites des gouvernements pour maintenir l’activité économique de leurs pays, comme le chômage partiel, ont permis/ont contraint les particuliers à pouvoir épargner sur le long cours. L’absence de concurrence des produits financiers les ont incité à choisir l’assurance vie pour épargner. Ainsi, certains commentateurs observent une forme de résistance de l’assurance vie. C’est oublier que l’assurance vie est un produit financier basé sur l’économie réelle qui souffre de la crise sanitaire de la Covid 19 et de l’avant crise économique qui se profile avec les fermetures d’usines en cascade. Rajoutons que le gouvernement s’est laissé l’opportunité de geler les arbitrages ou les transferts des Français avec la loi Sapin II. En tenant compte de l’ensemble de ces informations, l’assurance vie résiste t elle à la crise ? Actuellement oui. Mais demain ? Quels impacts aura cette crise sur le monde des unités de compte, dont nous pourrions tirer profit pour créer une unité de compte par le patrimoine historique et pour le patrimoine historique qui instaure une relation juridique et économique fructueuse pour le souscripteur et le patrimoine historique ?
Dans votre ouvrage vous prônez le financement du patrimoine historique par l'assurance vie . Qu'est-ce qui pourrait motiver les souscripteurs à un tel engagement ? Et pourquoi pas un PPP. Quels sont les leviers économiques et financiers qui permettent de transférer des fonds vers le patrimoine historique ? Quels peuvent être les mécanismes juridiques et fiscaux du contrat d'assurance vie et transfert de fonds du patrimoine historique vers l'assurance vie.
J’ai organisé mon ouvrage autour de trois axes fondamentaux, le premier est celui qui résume les bases juridiques et fiscales de l’assurance vie. Le second expose les bases de l’enveloppe économique de l’assurance vie. Le troisième énumère les mécanismes qui permettent de financer le patrimoine historique par l’assurance vie. De cette manière, le lecteur instruit de la science juridique des assurances vie pourra se faire sa propre opinion sur mes propositions. La philosophie de mon ouvrage étant de mettre à la disposition de toutes les personnes, expertes de l’assurance vie ou non, des propositions qui me paraissent évidentes et d’être en capacité de les discuter.
Le terme « prôner » a pour synonyme le terme « vanter ». Ainsi, je ne prône pas dogmatiquement le fait que l’assurance vie possède un rôle prépondérant à jouer dans le financement du patrimoine historique, je le démontre et j’invite le lecteur à réfléchir avec moi sur ce sujet et à se poser des questions.
Je préfère avoir une démarche intellectuelle qui démontre et qui discute les faits, plutôt qu’une démarche démagogique qui niera à autrui le droit d’exposer ses idées.
D’ailleurs à plusieurs reprises dans mon ouvrage, j’insiste sur le fait que l’assurance vie peut jouer un rôle dans le financement du patrimoine historique. Mais j’affirme que d’autres méthodes (hors de l’assurance vie) existent.
Mais alors, est ce que les trois réelles questions ne sont pas les suivantes :
- Quelle est la place réelle de l’assurance vie dans le financement du patrimoine historique par rapport aux autres modes existants ?
- Quelles sont les méthodes
de financement par l’assurance vie que je propose ?
- Qu’est ce qui motivera les souscripteurs à plébisciter ce mode de financement ?
Il existe différentes méthodes de financement du patrimoine historique, que nous diviserons en quatre groupes de méthode. La première division qui existe est celle entre les solutions passées et les solutions futures. La seconde division qui existe est celle entre les solutions publiques et les solutions privées. Ainsi, ma réflexion s’articulera autour des solutions privées anciennes, privées modernes, publiques anciennes, et publiques modernes. La question des partenariats publics/privés sera posée.
Lorsque j’évoque les termes de solutions publiques, je pense aux solutions qui proviennent de personnes publiques ou de leurs services, comme l’État, les collectivités territoriales, etc.
Lorsque j’évoque l’opposition entre les méthodes anciennes et modernes, je m’inspire de la controverse littéraire qui a existé au XVIIème siècle sur la littérature Française. Les anciens tenants une ligne de respect des codes normalisés par les auteurs de l’antiquité. Les modernes tenants une ligne de « disruption » par rapport à ces auteurs d’une autre civilisation.
Parmi les solutions publiques anciennes nous pouvons citer les subventions publiques.
Les subventions publiques peuvent se subdiviser en deux catégories distinctes, d’une part les crédits alloués directement aux Monuments Historiques dans le but de réaliser des travaux, comme Madame Bachelot, ministre de la culture Française vient de le décider dans le cadre de la restauration du château d’Angers (domaine national).
D’autre part les défiscalisations autorisées suite à la réalisation de travaux sur les Monuments Historiques. Néanmoins, à la lecture des textes contenus dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques, on s’aperçoit que l’État décrète des impératifs de plus en plus prééminents pour permettre cette défiscalisation, comme la réalisation de certains travaux (second œuvre) au profit de grands travaux (gros œuvres), tout en posant des conditions aux conditions (si les travaux de gros œuvres permettent la restauration intégrale du bien alors ils peuvent permettre une défiscalisation certaine). Tout en complexifiant le mécanisme, avec des défiscalisations totales ou partielles. En somme, cette défiscalisation se caricature elle même faute de ligne fiscale claire.
Les solutions privées anciennes existent, citons les deux solutions fondamentales, le mécénat et le legs. Le legs se fait via la voie testamentaire. Il concerne majoritairement des particuliers qui avant leur décès, décident d’aider financièrement le patrimoine historique. En France, au moment du décès, le patrimoine du défunt est divisé en deux, la réserve héréditaire et la quote part disponible. Personne ne peut diminuer la réserve héréditaire. Mais chacun peut librement allouer la partie correspondante à la quotité disponible.
Le mécénat concerne lui, à la fois les particuliers et à la fois les professionnels. Ces derniers peuvent défiscaliser une partie de leurs dons. Le mécénat le plus connu en matière de préservation du patrimoine historique est celui du philanthrope Rockefeller dans les années 1920, qui a permis de sauvegarder le château de Versailles alors en ruine.
Depuis les différentes réformes fiscales visant à diminuer les impôts exceptionnels sur la fortune, il a été constaté une chute drastique du nombre de don et donc de mécénat.
Parmi les solutions publiques nouvelles nous pouvons citer le loto du patrimoine lancé par l’animateur Stéphane Bern. Le loto du patrimoine permet de récolter des fonds très importants qui permettront de financer le patrimoine historique tout en conditionnant l’utilisation de ces fonds. Les Français souscrivent à cette initiative qui à l’origine avait été créée pour les « gueules cassées » de la première guerre mondiale, parce que cette initiative défend le patrimoine historique, et parce qu’ils possèdent une espérance de gain.
Parmi les solutions privées nouvelles, nous pouvons citer (également) le mécénat qui à réussi à se réinventer avec des opérations atypiques mais réussies, comme les opérations de financement des bancs ou des arbres du château de Versailles.
Parallèlement à ces méthodes, de nombreuses initiatives privées voient le jour. Le financement participatif est celui qui permet de récolter rapidement des fonds, pour des projets expliqués, tout en recevant des contreparties. Cette opération win-win est très prometteuse et permet de financer des travaux de réhabilitation de monuments qui n’auraient pu être réalisés sans le financement participatif.
D’autres initiatives voient le jour, comme la création d’évènements exceptionnels (ex : Noël au château de Vaux le Vicompte), l’organisation de jeux de situations (ex : les escape game), la location d’espace privatif (pour les entreprises ou les particuliers).
Concernant les partenariats publics privés (où PPP), ce sont des solutions pertinentes qui sont déjà mises en place via des délégations de service public ou via la location d’espace par baux emphytéotiques. Ils permettent à des investisseurs privés d’occuper une partie de l’espace pour proposer des services nouveaux aux visiteurs, en contrepartie de la participation de ces mêmes entreprises à des travaux de restauration.
Toutes ces solutions de financement du patrimoine historique (publiques ou privées, anciennes ou modernes) existent et sont analysées dans mon ouvrage avec l’étude des budgets de certains châteaux publics. On constate d’ailleurs avec l’analyse de ces budgets, que les châteaux publics sont sous perfusions des subventions publiques pour plus de 80 % de leurs recettes. Seuls les domaines publics ayant une volonté de s’émanciper de cette subvention publique, et possédant des espaces verts pour relancer l’attractivité de leurs domaines, parviennent à diminuer leurs dépendances aux subventions publiques.
Ces méthodes de financement ne vont pas à l’encontre du financement du patrimoine historique par l’assurance vie. Au contraire, les méthodes issues de l’assurance vie que je propose viennent compléter ces autres méthodes existantes, tout en apportant une vision différente du financement du patrimoine historique à la croisée des méthodes privées anciennes, privées modernes, publiques anciennes et publiques modernes. A mon sens, c’est ce qui donne à l’assurance vie une place singulière dans le financement du patrimoine historique par l’assurance vie parce que les solutions que je propose avec l’assurance vie sont des solutions à la fois de court terme et de long terme.
Ces initiatives modernes dont fait partie l’assurance vie ne sont pas apparues suite à la crise économique de 2008 ou suite à la crise sanitaire de la Covid 19, elles sont apparues dans un contexte nouveau de désengagement progressif de l’État des questions patrimoniales pour se concentrer sur les nouveaux enjeux qui naissent de la question écologique ou de la guerre commerciale entre les Etats Unis et la Chine. Les preuves de ce désengagement progressif des questions patrimoniales de l’État sont nombreuses, la baisse progressive des dotations des Monuments Historiques, un durcissement des règles pour défiscaliser des travaux sur Monuments Historiques, un désengagement dans la mise en place des méthodes de prévention contre les incendies, etc. D’ailleurs peut être que la baisse de la vigilance dans la prévention a conduit à un contexte défavorable pour la sauvegarde des Cathédrales de la France gérée par l’État et à leurs incendies ?
Dans ce contexte économique peu favorable, il nous appartient de nous emparer de la question du financement du patrimoine historique et de proposer des solutions nouvelles.
Voici les 5 propositions de mon ouvrage :
- a) La rédaction d’une clause bénéficiaire conditionnée qui permet de flécher une partie minime des capitaux présents sur le contrat d’assurance sur la vie vers le patrimoine historique à condition qu’ils soient investis dans la réalisation de travaux de restauration, tout en préservant une grande partie du capital pour les bénéficiaires classiques.
- b) le partage des intérêts entre le souscripteur du contrat d’assurance vie et le patrimoine historique, tout en préservant le souscripteur en cas de baisse trop importante des intérêts du contrat, et tout en privilégiant le souscripteur dans le partage.
- c) Le transfert des reliquats des arbitrages réalisés.
- d) La création d’une unité de compte patrimoine historique, basée sur le patrimoine historique, pour le patrimoine historique.
- e) Je reprends et j’explique une méthode créée par la mutuelle CARAC spécialisée dans l’épargne des personnels militaires qui divise en deux le montant de chaque versement, la première partie est affectée au contrat comme pour chaque versement et la seconde partie est reversée à une association sous forme de don en contrepartie d’une défiscalisation.
Les souscripteurs vont adhérer à ces propositions pour plusieurs raisons.
D’une part, il y à un attachement des peuples à la préservation de leurs patrimoines anciens. La France est un pays en pointe. Les autres pays s’inspirent de ses méthodes. Il existe un attachement des Français, ce peuple de paysan, à leurs terres, à leurs châteaux, à leurs lieux religieux. Cet attachement est visible d’un point de vue juridique avec l’existence d’un nombre incroyable d’association de sauvegarde du patrimoine. Cet attachement est visible également d’un point de vue économique. La région Occitanie a démontré que l’investissement dans le patrimoine historique est un investissement payant car il génère de nombreux emplois à la clef,, emplois non délocalisables. Ces emplois sont divers. Ce sont des emplois de service, de mise en avant du patrimoine par les nouvelles technologies, etc. S’il fallait une preuve de plus de cet attachement, le nombre de billets de loto du patrimoine en serait un exemple concret (2,5 millions de tickets en 2018). Les peuples savent s’engager sur des projets d’intérêts nationaux transparents.
D’autre part, il convient de présenter les contreparties que nous souhaitons mettre en place pour favoriser cette adhésion des peuples à nos cinq solutions. Les contreparties fiscales avec le don sont des moteurs puissants, dans les pays fortement imposés. La possibilité d’organiser des visites privées insolites avec champagnes, concerts et souvenirs matériels sont des contreparties matérielles et inoubliables.
Résumé : Le contrat d’assurance vie est un contrat qui possède de nombreux atouts et de nombreuses pistes pour financer le patrimoine historique. Nous en avons dessiné cinq, à mettre en place. Cette méthode révolutionnaire puisque jamais utilisée auparavant, est une méthode qui à sa place dans le financement du patrimoine historique. D’autres solutions existes comme les partenariats publics privés, le financement participatif, le mécénat, etc. Chaque solution à sa place dans un contexte économique peu favorable de désengagement de l’État Chacun des acteurs, souscripteurs, assureurs et patrimoine historique doit voir son intérêt dans l’opération proposée, ainsi nous avons proposé de nombreuses comparties.
Le patrimoine est par essence culturel. Y a-t-il un risque de privatiser un pan de la souveraineté du pays ? A termes, quels seront les impacts d'une telle décision ?
Le patrimoine appartient-il par essence au domaine culturel ? Je pense que des années 1830 (création des Monuments Historiques) jusque dans les années 1990, le patrimoine appartenait à une sphère élitiste culture. Aujourd’hui, il existe une démocratisation du patrimoine, puisque des grues, des usines, des vélos sont protégés au titre des Monuments Historiques. L’apparition du terme patrimoine industriel concrétise cette réalité. Les autorités internationales comme l’UNESCO (l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) prennent cet infléchissement puisqu’elles protègent les anciens bassins miniers du Nord de la France.
Que faut il entendre par patrimoine ? C’est une des difficultés que j’ai pu rencontrer dans la rédaction de mon livre puisqu’aucune définition juridique vient définir ce qui appartient au patrimoine et ce qui n’appartient pas au patrimoine. Pour dépasser cette difficulté, je me suis basé sur la législation des Monuments Historiques qui dresse une liste des biens qui sont reconnus officiellement comme des « super-patrimoine ».
Ensuite, le patrimoine de la France participe t-il à la souveraineté de la France ? C’est une question en soit dont je ne suis pas un expert. Mais peut être puis je apporter quelques éléments. Le patrimoine historique est générateur de croissance économique nous l’avons évoqué. Cette croissance participe à la souveraineté de la France. Le patrimoine historique constitue également un parc immobilier et mobilier de grandes valeurs que peu de pays possèdent et qui sont à inscrire à l’actif des Français à l’instar des autres infrastructures routières, portuaires, etc. Ces infrastructures participent à la souveraineté de la France. Mais pour autant un Etat souverain est un Etat qui gouverne son peuple sur un territoire géographique limité avec une autorité légitime. Il exerce sur ses sujets des contraintes. Le patrimoine est une matière d’affirmer une souveraineté plus que de la matérialiser selon moi. Un pays sans patrimoine est un pays souverain s’il peut contrôler sa population.
A mon sens, la question qui peut se poser de manière plus prédominante est celle de la financiarisation du patrimoine historique d’un pays. Cette financiarisation est un corollaire de la privatisation. Rappelons que l’ensemble du patrimoine Français n’a jamais appartenu à une personne publique, que ce soit l’État ou les collectivités territoriales. Le patrimoine historique appartient à des propriétaires publics comme l’État pour le château de Chambord par exemple, à des collectivités pour les églises par exemple, et à des particuliers pour le château du Clos Lucé par exemple. Parmi les biens protégés au titre des Monuments Historiques, il y a par exemple autant de biens privés que de biens publics. On assiste même à une privatisation accrue des domaines de l’État sans pour autant avoir une perte de souveraineté. La privatisation du patrimoine historique existe, a existé et existera
Le risque de cette financiarisation du patrimoine est de faire entrer des capitaux étrangers en France, uniquement pour spéculer ou placer des fonds en sécurité. Ainsi, il existe un certains nombre de châteaux privés Français qui appartiennent à des princes qui ne sont jamais venus visiter leurs résidences et qui les laissent dépérirent pour certains. Le patrimoine se dégrade. Un long combat commence alors pour les collectivités pour exproprier ses propriétaires privés spéculateurs. Une autre partie de cette clientèle internationale privée achète du patrimoine Français et le délocalise dans son pays d’origine…Mais une dernière partie essaye et tente avec les association locale de les restaurer.
La création d’une unité de compte fondée sur le patrimoine historique existe déjà. Nous pouvons citer les unités de compte sur les manuscrits, sur les Monuments Historiques, sur le vin, etc. L’ensemble de ces unités de compte a été listé sur la liste noire de l’AMF (l’Autorité des Marchés Financiers). La rentabilité promise est nulle voire négative à cause des frais de conservation des biens (dans le cas des manuscrits par exemple) qui contrebalance le peu d’intérêts générés quand il y à des intérêts générés, à cause des plus values éventuelles en matière de revente de ces biens dans le cas des SCPI Malraux, et à cause de la possible prise de valeur de ces biens qui ne se produit pas et de l’authenticité douteuse dans le cas des unités de compte basé sur les tableaux.
Les risques de ces unités de compte sont donc les risques d’authenticité, de perte de valeur, de plus values dans un cadre purement fiscal, de volatilité des prix, de liquidité,…. Il convient donc de prendre l’ensemble de ces échecs et de proposer une solution novatrice, qui sert à la fois le patrimoine et qui sert à la fois le souscripteur, dans une relation win-win. Au travail maintenant !
Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue