[Entretien]: « l’endettement maximal est atteint pour beaucoup d’entreprises», M. Tazi

[Entretien]: « l’endettement maximal est atteint pour beaucoup d’entreprises», M. Tazi

Le Projet de Loi de Finances 2021 devrait instaurer les bases d'une économie plus résiliente et compétitive et redonner confiance aux chefs d’entreprises, a souligné le 9 septembre 2020 la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), lors de sa rentrée 2020/2021.

Pour autant d’autres équations restent à résoudre pour le patronat surtout comment assurer une bonne reprise des activités économiques malgré la hausse des contaminations au Covid-19? Comment maîtriser la soutenabilité de l'endettement des entreprises? Et surtout comment continuer à soutienir les entreprises en difficulté?

Dans cet entretien, Mehdi Tazi, vice-président général de la CGEM, apporte plusieurs éléments de réponse notamment le casse-tête relance économique/mesures sanitaires. Entretien.

 

Panorapost. Est-ce que les 22,4 MMDH de crédits accordés à 15.183 entreprises seront suffisants pour amoindrir les lourdes conséquences d'une crise annoncée ? Quel autre mécanisme de financement pourrait diminuer l'impact de la crise pour les entreprises ? 

Mehdi Tazi. Damane Relance a profité à environ 15.000 entreprises, pour un total de 22,4 milliards de DH. Il faut rajouter à cela les 17,5 milliards de DH distribués à 48.000 entreprises dans le cadre de Damane Oxygène, soit en tout environ 40 milliards de DH distribués à date aux entreprises en difficulté pour les aider à surmonter cette période. L’État a projeté un montant total de crédits octroyés de 75 milliards de DH sur les 120 milliards de DH annoncés par Sa Majesté que Dieu l’Assiste à l’occasion de la Fête du Trône. Il reste donc, selon les projections, une enveloppe d’environs 35 milliards de DH qui devraient être distribués aux entreprises en difficulté dans les mois à venir.

Ces produits ont indéniablement permis d’amoindrir les conséquences de cette crise en permettant aux entreprises d’honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs employés et de leurs fournisseurs - et ce dans des proportions importantes. 

Est-ce suffisant ? non - parce que que l’endettement est inadapté aux entreprises sous-capitalisées ou surendettées. Celles-ci pourront bientôt financer leur besoin de trésorerie par un apport en fonds propres. C’est le rôle du Fonds d’Investissement Stratégique annoncé par SM le Roi, et qui sera doté de 45 milliards de DH.

La quasi-totalité des mesures prises en faveur des entreprises sont des prêts. Est-ce pertinent de pousser les entreprises à l'endettement d'autant que la visibilité sur l'avenir de l'économie est quasi nulle ? 

Les mesures mises en place pendant les premiers mois de la crise ne sont pas toutes des prêts. Une partie l’est - les crédits Damane Oxygène et Damane Relance, les moratoires sur les charges fiscales, bancaires et...

sociales. Mais les autres mesures ne le sont pas à savoir l'indemnisation du personnel mis à l’arrêt, la préférence nationale, le maintien d’une commande publique élevée, etc.

A la question de savoir s’il a été pertinent de pousser les entreprises à l’endettement. Je pense que oui. Dans quelle situation seraient ces entreprises s’il n’y avait pas eu de mécanisme de financement (certes par de l’endettement) simple et rapide ? combien d’entres elles auraient mis la clé sous la porte et combien d’emplois auraient été détruits ?

L’ensemble de ces mesures ont été efficaces dans un contexte d’urgence en constituant une première bouffée d’oxygène pour ces entreprises. Aujourd’hui, la situation est différente, parce que la crise perdure et parce que l’endettement maximal est atteint pour beaucoup. D’où la pertinence du Fonds d’Investissement Stratégique.

La relance annoncée risque-t-elle d'être grippée par le prolongement de certaines mesures de restrictions ?

La santé de nos concitoyens doit rester notre priorité. Par conséquent, au vu de l’évolution de la situation sanitaire, certaines mesures de restriction s’avèrent nécessaires pour nous préserver.

Maintenant, toutes les restrictions imposées pour des raisons sanitaires ont bien entendu des conséquences économiques. Pour limiter au maximum le recours aux restrictions, nous devons respecter davantage les mesures barrière et contrôler davantage leur application partout et à tout moment.

Avec la hausse des cas qui ne faiblit pas notamment à Casablanca, quelle stratégie compte adopter la CGEM pour renforcer les mesures de lutte contre la pandémie ?

La CGEM poursuit son travail de mobilisation et de sensibilisation de ses entreprises membres et non membres à l’importance du respect rigoureux des mesures sanitaires et préventives, mais également à l’adoption de l’application Wiqaytna pour faciliter la détection précoce des cas positifs. Le traitement rapide de ces cas aiderait, entre autres, à éviter d’éventuelles suspensions d’activité.

Dans ce cadre, et en complément à ses guides de reprise d’activité publiés en avril dernier, la Confédération a mis à la disposition des entreprises toutes tailles et tous secteurs confondus un Plan Sanitaire. Ce guide didactique prend en considération les dernières évolutions de la pandémie et a pour objectif de soutenir les entreprises dans toutes les étapes de mise en œuvre des mesures sanitaires, de la désinfection du transport du personnel au respect de la distanciation des postes de travail.

Par ailleurs, la CGEM signera prochainement une convention de partenariat avec IMANOR pour la promotion du label TAHCEINE auprès des entreprises. Ce label permettra de garantir une activité dans des conditions sanitaires alliant santé et sécurité de toutes les parties prenantes.

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue