Zoom n° 44 : le néolibéralisme, moteur de croissance de la Covid-19
La pandémie de la Covid-19 n'est pas une catastrophe naturelle. Au contraire, selon plusieurs thèses la crise est d'origine humaine. Plus encore: elle est l'expression d'un échec politique flagrant dans plusieurs pays. La Covid-19 montre de manière drastique que la pandémie ne s'arrête pas aux frontières nationales, mais a une dimension mondiale. Même après la crise Ebola, qui a fait rage dans trois pays d'Afrique entre 2014 et 2016, il est devenu clair que les structures existantes de lutte contre les crises sanitaires mondiales révèlent des déficits majeurs et des faiblesses flagrantes dans la coopération internationale.
Le virus Ebola a longtemps été ignoré tant qu'il n'était endémique qu'en Afrique. Quelque chose de similaire peut être dite à propos de la Covid-19. Là aussi, l’OMS a longtemps considéré le coronavirus comme un problème interne à la Chine, mais évité une ingérence dans les affaires internes de la Chine, le tout dans un contexte géopolitique très tendu où le régime chinois est en pleine guerre commerciale avec les Etats-Unis. En conséquence, les mesures de protection telles que prodiguées par l'OMS dans le cadre du «Règlement sanitaire international» à la suite de l'épidémie de SRAS en 2005 n'ont pas pu entrer en vigueur.
Au tout début de la crise, à l’absence d’une stratégie sanitaire coordonnée au niveau international, les gouvernements ont agi de manière individuelle avec des mesures drastiques pour endiguer au maximum la propagation du virus dans leur pays. Ce qui n’a pas empêché, le virus à se disséminer dans tous les pays de la planète.
Depuis le début de la pandémie, il n'y a aucune stratégie crédible faite par les gouvernements pour endiguer la contagion. Pour seules alternatives, le confinement général avec restriction des libertés a été imposé pour conjurer le fléau. Plus tard gestes barrières, port de masque… sont ajoutés à la panoplie d’instructions pour la « guerre », jusqu’ici sans fin.
La Covid-19 a crée un blocage multisectoriel et les conséquences économiques, sociales, culturelles et surtout politiques pourraient déboucher sur un cataclysme dont le monde aurait
du mal à se relever.
Pourtant, la crise sanitaire est aggravée par un système politique néolibéral qui a fini de pousser le système de santé mondial tout comme l’éducation à une privatisation. Et malgré le plan social décrété un peu partout pour atténuer les impactes socio-économiques du coronavirus, la crise social et là réelle et risque de perdurer.
Aujourd’hui, le monde est sous la chape des politiques ultralibérales devenues la règle malgré les avertissements de plusieurs personnalités dont le philosophe Edgar Morin, qui estime que la crise actuelle doit permettre « de sortir du néo-libéralisme à tous les niveaux ».
Dans une chronique au journal Le Monde, Philippe Escande fait le « procès du libéralisme ». Dans son texte, il explique que capitalisme actuel, sous les habits du néolibéralisme, que Joseph Stiglitz a baptisé « fondamentalisme du marché », vit ses dernières heures. Témoin, la colère populaire qui monte dans le monde entier et la pression populiste qui en est sa traduction politique.
Le système néolibéral a permis d’imposer des politiques d'austérité à la suite de la crise de la dette et de la crise financière mondiale qui ont conduit les États (tant au sud qu'au nord) à difficilement investir dans les infrastructures sociales. En réfutant le principe de l'État-providence et la redistribution financée par l'impôt, les modèles politiques néolibéraux contrecarrent un programme de santé durable, visant en particulier à renforcer les personnes structurellement défavorisées. Ainsi, Les politiques d'austérité des dernières décennies ont également conduit à une situation catastrophique en Europe dans laquelle, en plein boom de la pandémie, les médecins, en raison d'un manque de personnel et de matériels, doivent décider dans le pire des cas qui est autorisé à vivre et qui doit mourir.
Il est devenu clair que des systèmes de santé nationaux inadéquats, pas seulement dans le cas d'épidémies aiguës, ont des effets catastrophiques. Le système sanitaire, plus qu’une gestion de maladie, est une mesure décisive de la manière dont nous réussissons à organiser la participation sociale et à atténuer les inégalités socio-économiques.
Mouhamet Ndiongue