(Billet 360) – Trois mois après... que reste-t-il de l’ « esprit » de mars 2020 ?

(Billet 360) – Trois mois après... que reste-t-il de l’ « esprit » de mars 2020 ?

Trois mois et demi de peur et de torpeur, une épidémie mondiale, un confinement de la moitié humains, des morts par centaines, puis par milliers, puis par dizaines, et centaines de milliers. Au Maroc, le show a commencé le 20 mars, quand le ministre de l’Intérieur a intimé l’ordre aux Marocains de rester chez eux… sinistrose générale mais symbiose nationale. Qu’en reste-t-il, trois mois après ?

Tout avait donc très bien commencé, ce 20 mars. Les cas de contamination se comptaient à l’unité, augmentaient peu, les morts étaient aussi peu nombreux, et les gens, vaguement inquiets, se sentaient malgré l’adversité rassurés. On a repoussé les échéances de crédit, on a lancé des produits bancaires pour l’entreprise, on a cherché, identifié et dédommagé les gens de Ramed, et ensuite ceux de l’informel.

Les fake news abondaient, souvent sans mauvaises pensées, et les communiqués pleuvaient, de la Santé, de l’Intérieur, de la diplomatie, des Finances… la sensibilisation des populations battait son plein, et même le virus en restait coi. Le monde nous regardait avec stupéfaction, et même un chouiya d’admiration. La Maison Maroc était bien tenue. Tout était bien, presque beau. Puis le temps est passé, et l’espoir initial s’est tassé.

Le temps accomplit donc son œuvre, érodant les meilleures résolutions, émoussant les plus belles dispositions. Plus les gens demandaient et moins les informations arrivaient, ou en ordre dispersé, ou insuffisantes, ou hésitantes, ou aussi péremptoires que contradictoires… Au ministère de la Santé, le travail était certainement bien fait, mais les egos commencèrent à s’entrechoquer. Qui passe à la télé ? Qui assure le rendez-vous quotidien avec les populations ? Que dire à la télé ? Quels chiffres annoncer, quels détails ?  Réponses en dents de Ssi Aït Taleb, Ssi Lyoubi…

Le ministère des Affaires étrangères s’est transformé en comptable taiseux, égrenant les statistiques des dizaines de milliers de Marocains bloqués à l’étranger et décortiquant les 50 euros qu’il versait à quelques milliers. Aux cris de douleur...

de ces gens – dont une grande partie est toujours dispersée dans le monde –, un grand mutisme répondait. On ne saura jamais, et on ne sait toujours pas, quelle est la stratégie déployée pour leur retour. Ils reviennent par pont aérien, indélicatement qualifié de « vols humanitaires », selon une logique que seul le peu empathique M. Bourita connaît.

On avait aussi dit qu’il fallait sauver l’entreprise, et que le fisc, la CNSS et les banques allaient la soulager. Le fisc fit son job, la CNSS honora ses engagements, mais les banques, un temps humaines, sont devenues hautaines et leurs décisions incertaines… à quelques exceptions près. Quant aux entreprises, des dizaines de milliers d’entre elles ont multiplié les fausses déclarations, les faux arrêts de travail, les fausses excuses et les faux-semblants…

Le gouvernement, pour sa part, après une admirable mobilisation initiale, a montré des signes d’essoufflement semaine après semaine, révélant des talents mais aussi des lacunes. M. Elotmani ne semble pas être informé de tout mais essaie de montrer qu’il l’est. Des ministres, comme MM. Laftit, Amzazi, ou Benchaaboun, plutôt discrets par vent calme, ont montré de réelles capacités de réaction et de direction par temps orageux, agissant aux faits, réagissant aux actes, prenant des risques et s’exposant par des décisions difficiles. C’est l’inverse pour d’autres, comme MM. Aït Taleb et Bourita, matamores en temps de paix, faisant les morts par temps de guerre. On glissera sur les indélicatesses de certains membres du gouvernement, professions libérales soient-ils ou entrepreneurs, mais on y reviendra.

Durant cette période de printemps confiné, le Maroc s’est découvert des possibles insoupçonnés, qui se sont lentement estompés avec le temps, depuis mars… car la société suffoque, l’économie se bloque et la politique débloque. Une grande réorientation s’impose. Le Maroc, les Marocains attendent le très attendu discours du Trône sur l’état de la nation et sur les grandes décisions qui ne manqueront pas d’y être annoncées.

Aziz Boucetta