Les hommes meurent deux fois plus que les femmes du Covid-19, par Dr Moussayer

Les hommes meurent deux fois plus que les femmes du Covid-19, par Dr Moussayer

Alors que les hommes représentent la majorité des cas de COVID-19 dans certains pays mais une minorité  dans d'autres, ils constituent systématiquement la majorité des décès.  Au total, les hommes ont  50 % de chance de plus de mourir que les femmes du coronavirus d'après une analyse menée dans 35 pays par Global Health 50/50 , un organisme indépendant de recherche relevant de l’ « University College »de Londres. Les causes en sont à la fois biologiques et comportementales

1/ Une meilleure réponse du système immunitaire féminin

Ce constat  n'est pas nouveau en médecine. Les femmes ont des réponses immunitaires plus fortes et meurent moins de maladies infectieuses. En général, le corps des femmes repousse les envahisseurs bactériens et viraux plus rapidement que les hommes, et les vaccins fonctionnent également mieux pour les femmes que pour les hommes.

Les hormones féminines, les œstrogènes, amplifient en effet le système immunitaire, tandis que les androgènes (comme la testostérone) et la progestérone ont tendance à le  réfréner. Les chromosomes sexuels jouent également un rôle. Le chromosome  féminin, X, possède plus de gènes associés à la fonction immunitaire  et, comme les femmes ont deux chromosomes X alors que les hommes n'en ont qu'un, ces gènes sont plus nombreux  à stimuler  la défense de l’organisme (même si normalement, un seul X reste complètement actif tandis que l’autre moins ou peu actif est qualifié de  dormant). Les protéines détectant des virus tels que le Covid-19 sont en particulier codées sur le chromosome X d’où une réponse immunitaire plus rapide.

Des études, chinoise en particulier, montrent par ailleurs  que le coronavirus infecte l’organisme en se liant à une protéine à la surface de nos cellules dénommée ACE2 (c’est plus précisément « l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 » qui joue un rôle primordial dans la régulation  de la tension artérielle). Or, ces protéines ont tendance à être plus élevés chez les hommes (surtout avec l’âge) que chez les femmes, ainsi que chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires et de diabète. Ces protéines sont nombreuses dans la cavité nasale, qui constitue de ce fait le point d’entrée principale de la pathologie, et disséminées dans tout l’organisme, ce qui explique notamment que, dans les cas graves, on ait à faire face à une défaillance multi-organique (poumons, cœur, vaisseaux sanguins, reins,


système nerveux…).

Pour se résumer, le sexe masculin, plutôt âgée et/ou diabétique, hypertendu et obèse, est le facteur de risque principal pour une forme grave de la maladie.

2/ Des comportements à risque chez les hommes

Outre les aspects biologiques, les comportements plus « à risque » des hommes. ont un impact  sur les infections telles que les coronavirus. Ces excès sont bien connus : tabac, alcool, drogue…

Des études passées mettent aussi en avant une tendance « plus décontractée » chez les hommes  les poussant à moins respecter les comportements de prévention et les mesures d’hygiène recommandés par les autorités sanitaires.

3/ Le revers d’un système immunitaire plus agressif chez la femme : le fardeau des maladies auto-immunes

On se doit de signaler enfin pour conclure que cette  réponse immunitaire  plus efficace chez les femmes face au coronavirus a une contrepartie négative méconnue souvent au  Maroc.  Elle se traduit en effet  chez certaine par une hyperactivité pathologique  où les cellules spécialisées (les globules blancs) et des substances, les anticorps, censées normalement protéger nos organes se trompent d’ennemi et se mettent à attaquer nos propres organes et cellules. Ces anticorps devenus nos ennemis s’appellent alors « auto-anticorps ». C’est en quelque sorte une auto-destruction de l’organisme qui  concerne les femmes dans près  de 75 % des cas au Maroc.

Au total, la proportion de femmes atteintes pour un seul homme est  ainsi dans la maladie de Basedow (Hyperthyroïdie) de 7 femmes/1homme, le lupus de 9f/1h, le Gougerot de 9f/1h, la polyarthrite de 2,5 f/1h, la sclérose en plaques de 2f/1h…

Ces pathologies constituent un grave problème de santé publique du fait de leur poids économique et humain : la 3ème cause de morbidité  dans le monde après les maladies cardiovasculaires et les cancers, elles touchent en effet environ 10 % de la population mondiale et occupent le troisième poste du budget de la santé dans la plupart pays développés.

L’épidémie de coronavirus ne doit pas nous faire oublier à cette occasion ce fardeau féminin que constituent les maladies auto-immunes : une femme sur six est ou en sera atteinte au cours de sa vie !

Dr Moussayer Khadija

Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie

Présidente de l’Alliance Maladies Rares Maroc (AMRM), Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)

Vice-présidente du Groupe de l’Auto-Immunité Marocain (GEAIM), Vice-présidente de l’association marocaine des malades d’angioedème (AMMAO)