[Entretien] Khadija Moussayer: Comment bien vivre son confinement ?

[Entretien] Khadija Moussayer: Comment bien vivre son confinement ?

Le confinement prolongé, primordial pour lutter contre la propagation du coronavirus, impose à notre mode de vie habituel des contraintes aux conséquences parfois néfastes sur notre santé physique et mentale : activité physique réduite, sommeil perturbé, angoisses de contracter la maladie, tentation de se réfugier dans la nourriture ou devant les écrans… Face à tous ces facteurs, Dr Khadija Moussayer, Gériatre, spécialiste en Médecine interne expose ici la posologie pour bien vivre son confinement.

Pour la présidente de l'association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), le confinement induit « une perte de la masse musculaire et une plus grande fatigabilité musculaire », sans compter les autres dysfonctionnements quelquefois  psychologiques. Entretien.

 

Panorapost. Le confinement est-il facteur de développement de nouvelles maladies ?

Dr Khadija Moussayer. Du fait du stress, on est exposé en premier lieu à l'anxiété source d’irritabilité, de risques de violences et même de dépression en cas  de  fragilité mentale.

Par ailleurs, notre rythme quotidien habituel est structuré par notre activité professionnelle qui nous impose des horaires de lever et de  coucher, qui nous permet une exposition à la lumière de jour, etc ; cette rupture peut perturber notre horloge biologique et nuire à la qualité de notre sommeil, voire provoquer des insomnies, aggravée de surcroit par une augmentation du temps passé devant les écrans.

De plus, le confinement augmente la sédentarité, ce qui, selon l'OMS, double les risques de maladies cardiovasculaires, de diabète, d'obésité et augmente ceux de cancer du colon, d'hypertension artérielle, d'ostéoporose, de troubles lipidiques, de dépression et d'anxiété, renforce ainsi toutes les causes de mortalité. Cette sédentarité a en effet un impact direct sur nos muscles en induisant une perte de la masse musculaire et une plus grande fatigabilité musculaire. Cette perte a même été mesurée par l’Académie nationale de médecine française : elle est de 3,5 % à 5 jours d’inactivité musculaire, de 8 % à 14 jours, de 0,4 %/j sur 3-4 semaines.   Si cette situation est réversible sans difficulté pour les personnes jeunes, elle a des conséquences majeures chez les personnes âgées, à l’origine de chutes et de fractures avec un risque de perte d'autonomie.

Le confinement expose à un risque nutritionnel qui se surajoute à la réduction de l’activité physique. Consommer plus d’aliments sucrés et grignoter davantage provoquent des prises de poids. Une réduction  de 10 000 pas/jour à 1 500 pas pendant 14 jours, chez des adultes indemnes de toute pathologie, augmente de 7% le volume du tissu graisseux abdominal profond.

 

Quelles sont les maladies connues jusqu'ici et qui peuvent être accentuées par le


confinement ?

Dans cette période de confinement, le risque de délaisser les soins chroniques est énorme, ce qui présente des conséquences néfastes sur l’équilibre de la maladie sous jacente.

Par ailleurs, l’inactivité musculaire, conjointement au stockage d’énergie sous forme de graisse, engendrent une diminution de la sensibilité à l’insuline et précipitent alors  parfois les personnes dans le diabète.

N’oublions pas que les personnes qui souffrent d’une pathologie chronique telle l’insuffisance rénale, cardiaque, l’hypertension artérielle, une maladie respiratoire, ou  un surpoids  sont les plus vulnérables face au coronavirus. 

Y a t-il des dispositions à prendre pour éviter le développement de certaines maladies dues au confinement ?

Pour limiter les effets de l’anxiété, il est recommandé  d'essayer de garder le rythme d'une vie normale, avec des horaires fixes de repas, de consacrer du temps pour des activités ludiques et récréatives et de suivre un emploi du temps établi de la journée, et cela afin surtout de ne pas monopoliser son temps libre à l’écoute d’informations, toujours anxiogènes par nature, sur l’épidémie

Pour parer aux conséquences de la sédentarité, il est conseillé de se lever toutes les 30 minutes au minimum pour marcher quelques mètres et de faire des exercices de souplesse et de renforcement musculaire : même dans un espace restreint, c’est un bon moyen de maintenir la masse musculaire. Cette activité physique a également un impact positif sur le sommeil et sur le moral en général.

Pour limiter les effets du confinement sur l’équilibre nutritionnel, on peut recommander de respecter des horaires de repas fixes, de cuisiner des produits bruts, de manger des légumes, des fruits et des légumineuses et de réduire un peu les quantités consommées. En effet, pendant un premier temps, estimé entre 5 et 8 jours de confinement, nous conservons le même niveau de consommation énergétique et un stockage du surplus énergétique sous forme de graisse va  en découler. Passé la première semaine, une régulation se produit généralement  avec une perte de l’appétit qui se cale à peu près sur la dépense en énergie.

Pour faire face aux troubles de sommeil engendrés par le confinement, il est recommandé  de garder un rythme précis, avec un horaire de lever et une durée de sommeil suffisante mais pas excessive (entre 7 et 8 heures), et d'être attentif à une  exposition à la lumière qui permet la production de la mélatonine (hormone du sommeil) par le cerveau.  Il est préconisé enfin  de ne pas rester éveillé au lit, de modérer sa consommation d'excitants et de se déconnecter des écrans une à deux heures avant le coucher !

Propos recueillis par Mouhamet Ndiongue