(Billet 296) – La relation CGEM-GPBM contaminée à son tour !!

(Billet 296) – La relation CGEM-GPBM contaminée à son tour !!

Maroc, mars 2020… Des millions de personnes sont confinées, des politiques sont déclinées, avant d’être peaufinées, puis affinées. Le gouvernement est sur le pont, gouvernail au poing, les soignants soignent, les enseignants enseignent, les communicateurs tentent de communiquer… Tout le monde essaie de faire son job correctement et les nerfs des uns et des autres sont à cran.

Le Covid-19 est un virus mortifère, et pas seulement pour les humains car de plus en plus d’entreprises meurent, ou sont moribondes. Or, dans le challenge actuel qui est celui du Maroc – et des autres pays aussi – l’urgence absolue est de sauver les personnes physiques… mais aussi les personnes morales. Le confinement, c’est bien, et retrouver un tissu économique en marche après la sortie est une gageure...

Et il faut le dire, pour ceux qui ne l’auront pas encore constaté, tout le monde patauge un peu car tout le monde doit apprendre en quelques minutes, pour prendre des décisions en quelques heures ou jours des décisions impensables, insensées, voici juste quelques semaines. Et rien n’énerve plus un honnête homme que de devoir arrêter des positions dans une situation totalement inédite.

Chakib Alj a été élu fin janvier à la tête de la CGEM. Inconnu du grand public, il se retrouve aujourd’hui à la tête d’une confédération à laquelle l’Etat a conféré le statut de représentant du secteur privé. Après un début timide, il se trouve dans l’œil du cyclone viral, interpellé, sollicité, harcelé, tiraillé par des entreprises qui font tout pour se maintenir et garantir les salaires de leur personnel. Depuis Abderrahim Lahjouji qui avait eu à ferrailler contre le redoutable Driss Basri en 1995, la CGEM a vogué sur un long fleuve tranquille, mais aujourd’hui, Chakib Alj doit se montrer en même temps un président novice, mais un président de guerre. Il s’y emploie bien, transmettant au GPBM le fonds inquiétant et la forme énervée des messages reçus de ses membres.

Le GPBM est une vieille dame sereine...

comme seuls savent l’être des banquiers, et dirigée par un homme, Othman Benjelloun, dont l’âge et la fortune n’ont entamé ni l’appartenance nationale ni l’engagement patriotique. Il fut, rappelons-le, le premier à injecter un milliard de DH dans le fonds Covid-19, quelques heures seulement après sa création. On peut admettre que sa personne n’admette pas qu’on lui parle sur un autre ton que celui de la très british courtoisie qui est sienne.

Or, l’affaire est simple : les entreprises paniquent, et elles en font part à la CGEM, laquelle adresse un courrier interne chouiya énervé au GPBM. Le courrier fuite, l’affaire s’ébruite, et le GPBM n’apprécie pas la forme, et riposte tout de suite, avec véhémence, avec patriotisme, rouge de colère et vert de rage. Othman Benjelloun et son vice-président Mohamed Kettani ont étrillé Chakib Alj pour son petit coup d’étrier.

Ce qu’il faut retenir de cette brouille, c’est qu’à rebours de tous les clichés, il n’y a plus d’embrouilles entre gens du capital qui jadis pouvaient prendre des postures pour dissimuler certaines impostures... mais les banques n’aiment pas être tancées, voilà tout… Aujourd’hui, le chef de la CGEM a transmis aux banques, ton compris, les récriminations de ses membres envers elles. Que MM. Benjelloun et Kettani rejettent ce ton est compréhensible, si tant est que des actions soient menées dans le fond et la foulée. C’est chose faite, et en ces temps de sécheresse, cet orage de printemps ne donnera pas de pluie toxique entre banquiers et patrons, ou du moins l’espère-t-on..

Redisons-le, dans cette affaire, tout le monde s’énerve contre tout le monde, dans l’objectif commun qui est l’intérêt général. Les codes sont balayés, les convenances pulvérisées, et les nerfs à rude épreuve, mais il faut vite éteindre ces petites étincelles pour se consacrer à l'incendie qui nous menace… Seules comptent l’action et la célérité à laquelle elles sont menées, et la généralisation qui en sera établie. Cette leçon vaut bien un virus, sans doute…

Aziz Boucetta