(Billet 266) – Il ne faut pas parler de séisme à Agadir !

(Billet 266) – Il ne faut pas parler de séisme à Agadir !

8Séisme immobilier à al Hoceima… puis séisme gouvernemental, puis encore re-séisme mais social celui-là à al Hoceima… et ensuite un autre séisme, aujourd’hui à Taghazoute… Au Maroc, le paisible cours des choses est de temps à autre bousculé par un séisme qui emporte quelques séides, mais rien de plus, le Maroc n’étant pas une terre de tremblements de terre (aux exceptions meurtrières et dramatiques d’Agadir et… d’al Hoceima !).

Chez nous, les tremblements de terre géophysiques sont en général de faible magnitude, et les tremblements de terre politiques aussi… du moins dans le passé, et sans préjuger du futur, très instable pour la classe politique en raison du réchauffement démocratique... Depuis que le roi Mohammed VI avait utilisé ce terme en 2017, tout le monde se plaît et s’est plu à le reprendre, ignorant volontairement ou non son véritable sens. Quand, en 2017 donc, quatre ministres et autant d’anciens responsables avaient été sèchement révoqués, on avait encore parlé de séisme, alors qu’il ne s’agissait en fait que de la sanction de responsables ayant failli.

Idem pour le scandale Madinat Badis à al Hoceima ou malfaçons, retards et atermoiements avaient coûté leur poste aux hauts responsables de la CDG et de la CGI, finalement condamnés à de lourdes peines de prison, très lourdes au regard de leur responsabilité directe dans un mur lézardé et des finitions bazardées.

Aujourd’hui, c’est au tour de Taghazoute Bay de connaître un « séisme », le terme étant inélégant et mal choisi pour la région d’Agadir car on ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu, mais la presse qualifie ainsi la mauvaise humeur royale lors d’une visite...

sur le chantier. Des ordres de démolition ont alors été promptement émis et prestement exécutés, nuitamment, un weekend, sur ordre fébrile d’autorités locales en surchauffe.

Mais réfléchissons chouiya… Lorsque des infractions immobilières sont commises, elles doivent en principe être pointées par lesdites autorités locales, constatées sur le terrain, bloquées au besoin, régularisées si possible. A notre connaissance, prouvée, le Maroc n’est nullement une terra nullius ! Les communes et leurs armadas de contrôleurs doivent agir dans les temps, les préfectures et leurs escouades de techniciens doivent sévir à temps, les agences urbaines et leurs cohortes de spécialistes doivent réagir autant… sans que tout ce monde attende une royale inspection !

Dans cette affaire de Taghazoute, plusieurs médias se bousculent déjà les claviers… « Nouveau séisme à Agadir », « colère royale à Taghazoute », « la CDG encore visée » … Sauf que dans cette histoire, la CDG n’est pour rien, ou presque. Pourquoi l’épingler alors ? Parce qu’on ne prête qu’aux riches et que la CDG est très riche ! Pour les autres promoteurs, ils ont effectivement commis des irrégularités en construisant. Or la construction est une création de richesses ; pourquoi alors démolir des constructions si elles sont aux normes mais ne respectent pas les formes, alors même qu’on peut taxer les contrevenants, plis ou moins fortement, après avoir régularisé ce qu'il y a lieu ?

On sait, depuis les Romains, que les peuples ont besoin de pain et de jeux, de distractions et de scènes du cirque où on immole, exécute, lacère, massacre… Mais cela, c’était du temps des Romains. Nous gagnerions aujourd’hui à savoir raison garder et richesses sauvegarder, sans n’avoir systématiquement besoin de brocarder.

Aziz Boucetta