(Billet 200) – Ce silence assourdissant… étourdissant

(Billet 200) – Ce silence assourdissant… étourdissant

Si la politique est une passion, un passe-temps ou, pire, une lucrative profession pour celles et ceux qui la pratiquent, elle est de plus en plus un amusement et un spectacle pour ceux et celles qui la suivent, voire la subissent. Et avec l’émergence et l’explosion des réseaux sociaux, cela est d’autant plus vrai et davantage marqué.

Le politique a, depuis plusieurs décennies, pris en effet l’allure d’un spectacle. Il est loin le temps où les dirigeants sillonnaient leurs contrées et parlaient aux gens, directement et parfois même sincèrement. Aujourd’hui, ils investissent les réseaux, sans même se déplacer, et parviennent à toucher plus de monde. Un micro de poche, une caméra portable, et on vous sert un discours jetable sur le web, jetable tout court.

Dans les années 80, 90 et même au début des années 2000, ni internet ni réseaux ni rien, mais les politiques avaient du panache et n’hésitaient pas, quand il le fallait, à user de la cravache. La créativité politique allait bon train, du « hizbicule » de Mhamed Boucetta à la « méthodologie démocratique » d’Abderrahmane el Youssoufi, en passant par l’innovation politique et anti-absolutiste de la « Koutla ». Au parlement, et même au gouvernement, les profils des personnels étaient prestigieux, avec des parcours relevés et des discours enlevés.

Puis, plus rien… ou pas grand-chose… Des politiques qui parlent pour ne rien dire ou, pire, qui ne disent rien en parlant. Le silence, le vide, le néant… Que l’on apprécie ou non l’ancien chef du gouvernement que fut Abdelilah Benkirane, il faut reconnaître qu’en son temps, il y avait encore de la politique spectacle....

Du bruit et du vacarme, du tumulte, des joutes, des non-dits, « des crocodiles et des démons », des sermons, des grands mots et des petites phrases lancées avec entrain pour meubler le train-train habituel…

Or, à l’instar de Dame Nature, la politique a horreur du vide. Oh, il y a bien Mohamed Benchaâboune qui mouille la chemise pour expliquer « sa » loi de Finances, mais cela n’intéresse pas le grand public qui, lui, n’entend rien, ne voit rien, mais n’en pense pas moins. Le peuple, pourtant, aime qu’on lui parle, même de tout et de rien. Comme du temps de Rome, il réclame « panem et circenses », du pain et des jeux. Si pour le pain, c’est plus ou moins réglé, les jeux de l’ère moderne forment le spectacle politique… des gens qui s’en vont, d’autres qui s’en viennent, des responsables qui discutent et se disputent, des dirigeants virés, d’autres promus, dans une sensation générale de dynamisme.

On a parlé de Commission de développement, de nominations… de mouvement, quoi… et il est vrai que le besoin s’en fait aujourd’hui ressentir dans une atmosphère pesante d’attente et d’attentisme, dans un Maroc qui peine à avancer, avec une société qui trépigne et aimerait (enfin) s’élancer, mais avec une classe dirigeante très compassée, voire cabossée. Et assurément déclassée. Les partis politiques sont supposés encadrer la population ; aujourd’hui, à défaut, ils ne l’amusent même plus…

Le monde bout, de bout en bout, et les dirigeants sont boutés, les uns après les autres, même arc-boutés à leurs fonctions. Se taire et faire le dos rond n’est guère une solution.

Aziz Boucetta