(Billet 160) – Règlements de comptes à OK Morale

(Billet 160) – Règlements de comptes à OK Morale

Il arrive souvent qu’un fait divers devienne un fait de société, puis un mouvement social, avant de basculer, ou de faire basculer, toute une société. Vers le bien, ou vers le rien. L’affaire Hajar Raïssouni et de ses trois codétenus est ce fait divers. Il est devenu fait de société et, s’il continue, s’amplifiera en mouvement social. Fera-t-il basculer la société et le droit vers plus de raison ou, à son issue, nous retrouvera-t-on simplement à la case départ, tenaillés entre la loi et le non droit, tiraillés par la foi et mitraillés de mauvaise foi ?

Depuis dix jours maintenant, les réseaux sociaux bouillonnent autour de cette affaire, et pour cause… Il s’agit ni plus ni moins du droit d’aimer sans craindre la maréchaussée et les chausse-trappes ! Quel est cet Etat, cette autorité, aussi puissante soit-elle, qui peut se permettre de brider l’amour, et de réussir dans son entreprise ? Dans leurs contestations, les uns s’en prennent aux articles liberticides du Code pénal, et les autres accusent l’Etat et ses organes d‘avoir fomenté un « coup » contre Mme Raïssouni, avec les trois autres prévenus comme dommages collatéraux. A supposer que ces gens aient raison, est-il plus utile de continuer à ressasser les antiennes habituelles ou de lutter contre les lois liberticides et anti-égalitaires et faire avancer les choses ?

Et pourtant, avec un peu d’organisation et beaucoup de raison et de retenue, le combat pour mettre le droit hors-la-foi afin d’éviter l’accumulation des hors-la-loi est plutôt aisé. La constitution est résolument libérale et moderne. Les Marocains ont des droits et ces droits sont protégés. Mais dans la pratique juridique et pénale, ces droits sont bafoués.

Les...

Marocains n’ont pas le droit de boire des boissons alcoolisées, ce que beaucoup font, illicitement… Ils n’ont pas le droit de s’aimer avant leurs épousailles, et tout le monde le fait, illégitimement… et les femmes, constitutionnellement égales de leurs congénères masculins, ne le sont absolument pas dans les faits par le biais de la loi (héritage, témoignage…).

A partir de là, et comme le relève très justement la députée PJD Amina Maalainine, il faut rapprocher les points de vue des modernistes et des conservateurs, des farouches anti-makhzen et des militants plus zen, dans le calme et la sérénité. Et dans l’objectif suprême de concilier la Loi et la Morale. L’élue PJD, ex-pasionaria de la Cause et de la Glose et aujourd’hui bien plus rationnelle, a eu le temps de réfléchir aux libertés individuelles après le bad buzz dont elle fut l’héroïne malgré elle en raison de sa tenue à Paris. Elle en appelle aux inconditionnels du PJD et aux leaders des autres partis à relever les défis posés par notre société et les attentes de ses membres, afin de bâtir, enfin, une nation réconciliée avec elle-même.

Il serait donc utile de ne pas se tromper de combat et de diagnostic, en adoptant une position plus constructive que les « J’accuse » zélés, sans preuves et sans perspectives autres que crisper les esprits et tendre les débats, au préjudice des ébats. En accusant l’Etat de régler ses comptes avec ses opposants islamistes, ses opposants laïques ne font pas autre chose en réglant les leurs avec lui, le tout sur le compte et au détriment de la morale, et surtout du bien-être de tous.

Aziz Boucetta