(Billet 148) – Grand chambardement : La peur et labeur

(Billet 148) – Grand chambardement : La peur et labeur

Gérer un pays est un travail à plein temps, et diriger son administration aussi. Cela nécessite des compétences, de la constance, de la conscience et beaucoup de présence ; cela requiert aussi une certaine audace dans la réflexion et surtout le courage d’exposer le fruit de cette audace. C’est en substance le message délivré par le roi Mohammed VI dans son discours du trône.

Ce qui fait le malheur de ce pays est que son administration, bien que civile, fonctionne sur le mode militaire. Les fonctionnaires, aussi hauts soient-ils, cultivent la mentalité du godillot, chaque échelon ayant une peur panique, toxique, de celui du dessus, qui le domine et donc l’écrase, dans un savant amalgame d’Ubu et de Kafka. On est redevable au haut, et donc on galvaude le bas… mais le bas a cette bien mauvaise habitude qu’au-delà d’un certain niveau, il se rebelle, bougonne, ronchonne, parfois même déconne. Le roi l’a constaté et compris, et entend y remédier.

Aujourd’hui, au Maroc, il faut des talents, mais pas seulement… un talent en est véritablement un lorsqu’il s’affirme, et qu’il est donc armé d’audace, en quelque sorte un mélange entre MM. Elotmani et Benkirane… Il est nécessaire pour un responsable, cru 2019, de ressentir une certaine peur certes, mais la peur de rater les objectifs, la peur de la loi, et rien d‘autre que cela. La peur est salutaire quand elle sert le labeur.

Mais voir nos responsables au gouvernement ou dans la haute fonction publique suer de peur face à rien, balbutier des...

réponses hasardeuses quand on leur pose une question, gémir des explications s’ils sont en faute… voir les plus audacieux d’entre eux, dans des moments de témérité inouïe, oser à peine quelques « off » aux médias, toutes lumières éteintes et toutes fenêtres fermées… Cela confirme cette peur viscérale qui tenaille nos responsables, dont notre actuel gouvernement et notre haute fonction publique sont densément peuplés. Quant aux partis politiques, ils sont devenus champions ès-applaudissements, équilibristes de haute voltige et spécialistes de basses manœuvres.

Dans son discours, le roi Mohammed VI n’a pas trop évoqué les politiques et les partis, sauf par défaut et en les prenant en porte-à-faux. Il a brossé un tableau de ce que devrait être le Maroc des années à venir : globalement, de l’intelligence dans les projets et de la pertinence couplée à une forte dose de vaillance pour celles et ceux qui les porteront et les mettront en œuvre. On soulignera la large adhésion de la société – excepté bien évidemment les éternels sceptiques et autres sempiternels perfectionnistes – face à cet appel royal franc et massif à la technocratie nationale, qui appellera l’action, puis l’évaluation.

Les gens compétents doivent donc se mobiliser, qu’ils viennent du public ou du privé, pour apporter du sang neuf, dans le gouvernement et la technostructure, lesquels seraient bien inspirés de ne plus entraver une action commune pour le bien collectif. Le « la » est donné par le roi, le compte à rebours est enclenché, l’attente a démarré pour voir ce grand chambardement royalement annoncé !

Aziz Boucetta