(Billet 131) – Le magistère de l’Intérieur

(Billet 131) – Le magistère de l’Intérieur

Pourquoi parler de mini-stère quand, comme à l’Intérieur, on est face à une maxi-star ? Il fut un temps où ce département était qualifié de « mère de tous les ministères », et dont le titulaire était le père de ses pairs au gouvernement. C’était, il est vrai, à une époque où la loi et la foi n’étaient pas à l’endroit, et où l’Intérieur n’était ni riant ni rieur, affichant l’onctuosité d’un pape et maniant la pratique de Torquemada. Il en va autrement aujourd’hui...

Les autres ministres, à l’image de leur chef M. Elotmani, sont conciliants alors même que le ministère de l’Intérieur est résilient ; il sort plus fort de toutes les joutes, ne ressent ni n’exprime jamais de doute, de Rabat à Imin’tanoute. Il est certes en cela aidé par son histoire, qui se résume ainsi : du temps de l’effrayant Driss Basri, le ministère, souvent indigeste, se chargeait de tout et du reste, et de nos jours, le même ministère reste chargé de tout. Ne cherchez pas la différence, il n’y en a pas, sauf dans la forme et la conduite un peu moins uniforme…

Sans remonter à loin l’horloge du temps, et pour se limiter à 2019, le dialogue social se solda par un résultat sévère pour le chef du gouvernement qui eut alors l’excellente idée d’appeler à la rescousse le ministre de l’Intérieur. Dialogue rouvert, tapis rouge déroulé et heureuse issue sur tapis vert. Les syndicalistes locaux ont ceci de particulier que, bougons et revêches avec tout le monde, ils arborent prudemment leur plus beau rictus à la survenue du loyal – et bien nommé – M. Abdel-ouafi. 

Puis ce fut le tour...

des étudiants en médecine... Les publics disputent aux privés des droits que, maladroitement et vainement, les ministres Amzazi et Doukkali tentent de leur maintenir, tandis que les privés veulent priver les publics de leur monopole… bref, une foire d’empoigne. Le gouvernement est asphyxié et c’est alors que surgit encore le ministère de l’Intérieur avec des solutions ciselées main et des couplets patriotiques sans lendemains. Et tout le monde est heureux. Mais oui.

Comment fait-il pour engranger tant de succès, ce ministère qui intériorise beaucoup ? Très simple, il est tout à tour passé d’une curieuse et virile perception de l’autorité, jadis au 20ème siècle, au nouveau concept de l’autorité il y a 20 ans, à une nouvelle conception de l’autorité aujourd’hui. Avant, l’Intérieur s’imposait au Premier ministre et aujourd’hui, le chef du gouvernement se repose sur ce ministère.

Et pourtant… si, naguère, un seul ministre était la figure tutélaire, depuis 20 ans, c’est une noria de ministres éphémères : le très élégant Mr Midaoui puis le discret Jettou, ensuite feu Sahel avant le 1er de la classe Benmoussa, le juge déjugé Cherkaoui, l’insignifiant Laenser et le maussade Hassad, pour finir avec le technocrate et très discipliné Laftit. Les ministres changent et le ministère reste, sûr de son magistère. Avec le temps, les cadres sont devenus plus instruits, parfois érudits, rarement éructants, souvent même avenants…

Le Maroc a importé, puis su reprendre à son compte le concept européen, et très français, de ministère de l’Intérieur, chargé parfois des cultes, mais cultivant son jardin. Dans notre réalité, ce ministère est devenu transversal, chaque ministre et sous-ministre ou presque acceptant, voire réclamant, d’en être le vassal.

Aziz Boucetta