(Billet 124) – La dignité oubliée des Casablancais

(Billet 124) – La dignité oubliée des Casablancais

C’est la grande ville du pays, et c’en est même la capitale dite économique. Plus de 4 millions d’âmes y vivent, y travaillent, produisent et s’y reproduisent, s’y amusent quand ils peuvent et s’y transportent comme ils peuvent. Casablanca a ceci de particulier qu’elle présente tous les aspects d’une ville moderne et que, en même temps, elle affiche les affres du plus affreux sous-développement. Moins bien lotie que plusieurs autres cités du royaume, malgré les grands travaux qui l’agitent.

Casablanca, la ville blanche de plus en plus grise dispose de grandes artères, de nombreuses trémies, d’un tunnel et d’un pont de longueurs intéressantes sans être bouleversantes. Casablanca abrite un centre d’affaires de renommée internationale et même d’une mosquée qui figure parmi les plus grandes au monde. Et si elle compte de moins en moins de bibliothèques et de librairies, la ville aligne de plus en plus de malls et de lieux de plaisir(s). Il faut bien que le bon peuple soigne sa mise et il faut bien aussi que les corps exultent…

Mais Casablanca, malgré plusieurs discours royaux et actions populaires, peine à trouver des élus loyaux et des responsables exemplaires. Elle reste une ville où on a mis une cagoule à la dignité du citoyen. Il n’y a, pour s‘en convaincre, qu’à regarder ces épaves qui sillonnent depuis des années nos avenues, qui tiennent par la poussière plus que par la peinture, et qu’on appelle abusivement bus. Souvent craquelants et toujours brinquebalants, ils se meuvent dans un bruit de ferraille à fendre le cœur de Donald Trump et dégagent des nuages de...

fumée âcre à rendre jaloux Castaner.

Autre fleuron local, les taxis rouge sang ou blancs comme un linceul… A la gare, les gens sont pris d’assaut par des individus aux mines patibulaires, conduisant des taxis moins bien portants que ceux de la Marne, et qui échangent le chaland contre son gré, mais au gré de leurs trajets. Et pour les taxis blancs, chaque passager arrivé à destination est un miraculé, ou re born. Et pour les citoyens qui, d’aventure, ne garent pas très correctement – mais rapidement – leurs véhicules, il y aura toujours une dépanneuse antédiluvienne qui viendra la leur subtiliser à une vitesse de pickpocket.

Quant à la collecte des ordures, en amont et en aval, ses responsables seraient un jour passibles des Assises… Des camions à la saleté repoussante sillonnent les rues de la ville, en plein jour, laissant derrière eux une traînée de jus nauséeux et dégageant leurs remugles nauséabonds … Une fois chargés, ils vident leurs bennes dans une décharge que plus personne ne veut plus prendre en charge, à quelques mètres d’habitations où vivent des gens que les hommes ont oublié.

Casablanca toute belle ici, poubelle là… Casablanca, dirigée par un maire PJD aussi furtif qu’un F117… Casablanca, ville survendue par des élus surjoués… Casablanca parsemée de boutiques et de centres commerciaux mais aux lieux de culture clairsemés… Casablanca, jadis blanche et joyeuse, aujourd’hui grise et (en grande partie) hideuse. Croisons les doigts, et peut-être même le fer, pour se sortir de cette situation, au risque de revenir vers le Moyen-âge, ou plutôt de le rester !

Aziz Boucetta