(Billet 57) – « Silmiya » ici, « guérilla ! » là-bas… le grand remplacement

(Billet 57) – « Silmiya » ici, « guérilla ! » là-bas… le grand remplacement

Quand les peuples s’énervent, c’est habituellement dans le Sud qu’on castagne, mais c’est dans le Nord qu’il y a Castaner, le ministre de l’Intérieur français dont le nom est tout un programme. L’Algérie résonne aux riants « silmiya, silmiya » (pacifique), pendant qu’en France tonnent les sinistres « guérilla, guérilla ». Plusieurs millions de manifestants en Algérie, quelques blessés et les rues nettoyées après les marches… 8.000 manifestants à Paris, et les Champs-Elysées (tristement) en feu et en lambeaux.

Aujourd’hui, dans notre Méditerranée occidentale, les peuples râlent contre leurs institutions qu’ils jugent amorales. Mais bizarrement, cela se passe plutôt bien ici, dans une humeur de BD, sans LBD. Dans notre Sud modérément développé, les peuples raillent leurs pouvoirs qui déraillent.

En Europe, la violence n’est pas seulement dans la rue, mais aussi dans les chancelleries où les Hulk verts de rage, de peur et de colère fleurissent, prospèrent, et surtout prolifèrent. Entre les mots poétiques de M. Macron à l’égard des gilets jaunes, le propos rugueux de M. Rajoy contre les Catalans, et le pétage de plomb de M. Salvini contre à peu près tout ce qui bouge, on découvre une brutalité et une violence peu coutumières. C’est moche, c’est laid, et il y en...

a pour tout le monde.

Certes oui, il est naturel qu’un Etat fasse régner l’ordre sur son sol, mais on peut s’étonner du manque total de compassion pour les éborgnés et les amputés en France, pour les noyés près de l’Italie, pour les Catalans non violents. Verdoyante France, chatoyante Espagne, flamboyante Italie, pourquoi ces coups de nerfs qui se transforment en coups de sang ? Un chiffre pour illustrer : en 2017, en France, la police a tué 14 personnes… selon la police. On peut certes casser les casseurs, mais quand même pas les fracasser.

Pire, là-bas, ce sont désormais les peuples qui réclament la violence pour avoir, disent-ils, la paix…  et au sud, les populations assènent d’admirables leçons de civisme et de pacifisme. « Silmiya, silmiya », crient les Marocains devant leur peu important parlement, « silmiya, silmiya », lancent les Algériens à la face leur impotent président… avec comme seuls dégâts humains trois entorses et deux foulures, dont une bénigne.

Au sud, ce sont les pouvoirs politiques qui sont désormais traqués, et au nord, les peuples sont aujourd’hui matraqués. Il faut revoir certains enseignements de la sociologie politique moderne. Oui, nous assistons à un grand remplacement… mais de la violence, pas de la population.

Aziz Boucetta