(Billet 45) – Entreprises, n’oubliez pas (déjà) le boycott !

(Billet 45) – Entreprises, n’oubliez pas (déjà) le boycott !

Pour qu’elle avance, une nation a besoin de tous… Cela ressemble à une évidence, mais même les évidences sont bonnes à rappeler, parfois... Dans un pays, il y a un Etat, puis il y a les autres, et parmi ces autres, certains seraient inspirés de mettre la main à la poche, d’une façon désintéressée et constructive… surtout quand ils gagnent des milliards.

Et des milliards, nos entreprises en gagnent, et en gagnent même beaucoup. Grand bien leur fasse, elles sont là pour cela, mais elles pourraient faire aussi du bien, rien qu’un peu, autour d’elles. Ainsi, dans l’attente des résultats de 2018 des sociétés cotées à la Bourse de Casablanca, revenons sur ceux de 2017 : 32 milliards de DH de bénéfices après impôts, contre 26 milliards en 2016, et sur les 32 milliards de 2017, 22 milliards distribués en dividendes !

Que fait-on, habituellement, avec un bénéfice ? On restructure, on (ré)investit, ou on met l’argent dans la poche. Et après ? Après, c‘est fini… Ou alors on décide d’apporter sa pierre à l’édifice social, en s’inscrivant résolument dans la logique RSE. Certes, ces entreprises paient les impôts, massivement, et ce faisant, elles sont en règle avec l’Etat et la loi … Pas avec la société et la morale. La RSE, ou elle est sonnante et trébuchante, ou c’est de la poésie…

Ainsi...

de la Banque Populaire qui recrute à tour de bras des dizaines d’élèves ingénieurs des écoles marocaines, par exemple… ou du Groupe OCP qui a reconfiguré la jeunesse à Laâyoune, Dakhla ou encore Khouribga, avec ses centres de « skills » et son école high-tech 1337, etc… ou encore les Eaux minérales d’Oulmès, et d’autres encore. A l’inverse, nombre d’entreprises étrangères, principalement françaises – dont on taira les noms par charité musulmane – crachent du cash, et le transfèrent sereinement à leurs maisons-mères, parfois même en toute légalité...

Pourquoi toutes ces sociétés ne créeraient-elles pas un Fonds, alimenté d’un petit 10% des dividendes distribués, soit 2,6 milliards, au prorata ? Un peu d’éducation, un chouiya de santé, une prise en charge des 1.000 bacheliers les plus méritants et les moins argentés… ce n’est pas monstrueux, mais ça ferait tellement de bien… et comme le disait Andrew Carnegie, « un homme qui meurt riche a raté sa vie ».

Le capitalisme, c’est le capital et le capital peut être hideux ou riant. Contribuer au développement social du royaume, et le faire savoir, réconcilierait ce capital avec la population qui, elle l’a montré en 2018, nourrit un fort ressentiment (singulièrement progressif) à l’égard des riches. Il appartient à ces derniers de montrer que capital et sociétal forment une rime pas si pauvre qu’elle paraît…

Aziz Boucetta