(Billet 31) - Quelqu'un a-t-il annoncé à Bouteflika qu'il est candidat ?

(Billet 31) - Quelqu'un a-t-il annoncé à Bouteflika qu'il est candidat ?

On ne change pas une équipe qui gagne, dit-on… Nos amis algériens ont peaufiné le concept : chez eux, on ne change pas d’équipe, tout court. Pourquoi, au demeurant, remplacer quelqu’un de très expérimenté, à l’image du président Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, ministre des Affaires étrangères en… 1963. Là-bas, le renouvellement des élites cède au ruissellement des zélotes. Mais bon, tant que ça marche… et même si ça ne marche pas.

Le très taquin premier ministre Ahmed Ouyahia, toujours en quête d’un bon mot et en concurrence serrée avec son facétieux ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, a humblement reconnu qu’ « il est évident que le président ne fera pas campagne »…  Puis il a trouvé cette grande réflexion de compétition qui révolutionnera la science politique universelle, à déguster lentement : « Le Président n’a pas besoin de faire campagne, les Algériens le connaissent bien maintenant… ». Défense de rire, mais on peut pleurer.

Et on pleurera certainement en parcourant le long, le très long message de M. Bouteflika pour annoncer qu’ « il y est et il y reste ». On y lit entre autres ceci : « Bien sûr, je n'ai plus les mêmes forces physiques qu'avant, chose que je n’ai jamais occultée à notre peuple ». Le peuple algérien, et quelques autres peuples étrangers aussi, avaient remarqué ! Et tout le monde d’applaudir bruyamment, de Monsieur Frère aux godillots, en passant par les conseillers-factotums, tous soulagés d’avoir, enfin,...

un « vrai » candidat parmi les 169 déjà déclarés ! Mais quelqu'un a-t-il pensé à annoncer au président qu'il est candidat ?

Alors que la société aspire à vivre au 21ème siècle, les dirigeants algériens restent arc-boutés à la guerre pour l’indépendance, voici 60 ans. Bouteflika y était « colonel », le patron de l’armée Gaïd Salah y était « maquisard » et les autres dignitaires y étaient resquilleurs… En 1962, la seule chose créée par les Algériens fut l’armée, qui a fondé ensuite l’Etat. Il fallait bien en avoir un, quand même… Dans la droite ligne du fameux mot du révolutionnaire Mirabeau : « La Prusse n'est pas un Etat qui possède une armée, mais une armée qui occupe un Etat ». Il suffit de remplacer Prusse par Algérie...

En 2014, déjà quasi mort suite à un malencontreux AVC, M. Bouteflika était candidat furtif. C’était son premier ministre de l’époque, M. Sellal, qui avait battu campagne. En 2019, c’est M. Ouyahia qui sera à la manœuvre ; cet homme, malgré la loi, la foi, le Livre, le prophète et les prophètes, éprouve le besoin de ne dire ce qu'il pense ni ce qui est vrai sous aucune espèce de prétexte. Et si le populo n’est pas content, la Méditerranée est là !

« Meskina el jazaïr », chantait Manu Chao avec son complice le grand Idir. Triste...

Aziz Boucetta