L’Union Africaine crée sa Zone de libre-échange à l’échelle du continent
Le 21 mars 2018 restera un jour historique pour l’Afrique, car les dirigeants des 54 pays d'Afrique se réuniront à Kigali, au Rwanda, pour la signature de l’accord qui portera création de la Zone de libre-échange continentale. L'African Continental Free Trade Area (AfCFTA) fera du continent la plus grande zone de libre-échange créée depuis la naissance de l'Organisation mondiale du commerce.
Le Sommet extraordinaire de Kigali a été approuvé en marge de la session ordinaire de l’Assemblée tenue à Addis-Abeba en fin janvier 2018, l’objectif étant la création de zone de libre-échange qui est l'un des projets phares de l'Agenda 2063 et qui vise à approfondir le processus d'intégration du premier plan décennal de l’UA. D'autres initiatives clés telles que le Marché unique africain du transport aérien, le Protocole sur la libre circulation des personnes et le passeport africain sont aussi intégrées dans le plan décennal.
Convoqués par le président rwandais et président en titre de l’UA Paul Kagamé (photo), le lancement aura lieu lors d'une réunion extraordinaire des chefs d'État. A ce titre, le président Kagamé déclarait à propos del’AfCFTA que :« C'est un pacte historique qui est depuis près de 40 ans en cours de réalisation, et représente une avancée majeure pour l'intégration et l'unité africaines ».
De son côté, Moussa Faki, président de la Commission de l'Union africaine, affirme que la zone de libre-échange continentale africaine renforcera également la position de l'Afrique dans le commerce mondial : « L'AfCFTA fera de l'Afrique l'une des plus grandes économies du monde par rapport à d’autres blocs économiques internationaux ».
Ce 20 mars, veille de la signature, les délégations gouvernementales se joindront aux plus grands chefs d'entreprise africains et aux autres parties prenantes pour échanger sur les mutations économiques du continent lors d'une journée spéciale de célébration du Forum AfCFTA. La libéralisation progressive du commerce de l'Afrique dans les années à venir offrira de nouvelles perspectives aux entreprises africaines de rivaliser et de coopérer au-delà des frontières et d'établir une portée continentale. Cependant, le succès de l'AfCFTA dépendra d'une collaboration franche et étroite entre les secteurs publics et privés. Le président Kagame a déclaré : « Nous avons besoin du soutien actif du secteur privé. En fait, sans votre voix, il manque quelque chose d'essentiel ».
L'AfCFTA est un projet phare de l'Agenda 2063, la vision à long terme de l'Union africaine pour une Afrique intégrée, prospère et pacifique. Elle a le potentiel d’accroitre la richesse de millions d'Africains en stimulant les liens commerciaux entre les nations africaines.
Le Maroc en avance
Cette initiative qui vient d’être décidée a rejoint la vision du roi Mohammed VI qui, dans sa lettre adressée aux participants du forum Crans Montana qui s’est tenu à Dakhla, avait insisté sur la
consolidation les acquis et voir plus large, il appelait ses pairs africains à s’investir davantage dans cette coopération constructive en renforçant l'efficacité des institutions régionales et sous-régionales en tant que plateformes d'intégration continentale. Le roi invitait à la « consolidation les relations de coopération et de solidarité avec les peuples et les pays d’Afrique, en particulier avec les pays subsahariens et sahéliens et à renforcer la coopération Sud-Sud ». Le roi Mohammed VI revenant sur les engagements et les initiatives du Maroc, affirmait en outre que « sous notre impulsion, le Maroc a développé un véritable modèle innovant de Coopération Sud-Sud qui se fonde sur l'échange de connaissances, de compétences, d’expertises et de ressources, tout en associant l’ensemble des sous-régions du Continent et des secteurs pertinents ».
La transaction réalisée entre Saham Assurance et le groupe Sud-africain Sanlam est l’exemple parfait de la coopération commerciale Sud-Sud sans compter que depuis 15 ans, le Maroc a signé plus 1.000 accords de coopération avec 28 pays africains dans des domaines aussi variés que l’éducation, la santé, la formation à l’infrastructure et l’agriculture.
Le Président du Kenya, Uhuru Kenyatta a méthodiquement défini les Accords de libre-échange, pour lui : « (L'Afrique) CFTA signifie la fin de la pauvreté. La ZLEC est synonyme de prospérité pour notre continent. CFTA signifie des emplois pour nos jeunes qui, aujourd'hui, luttent et fuient notre propre continent. CFTA signifie la paix et la sécurité parce que nous avons engagé la population avec profit. La CFTA signifie que l'Afrique peut être autonome. CFTA signifie la réunion de l'Union africaine pour discuter de ce qu'il faut faire avec notre prospérité et non pas quoi faire des problèmes dont nous souffrons ».
Le continent tourné ailleurs
L’Organisation Mondiale du commerce (OMC) donne les chiffres qui prouvent que l’AfCFTA est aujourd’hui une nécessité pour le continent. Pour l’OMC, l'Afrique commerce aussi faiblement avec elle-même qu'avec le reste du monde. Le commerce intra-africain est d'environ 16%, contre 19% en Amérique latine, 51% en Asie, 54% en Amérique du Nord et 70% en Europe. L'Organisation des Nations Unies estime pour sa part que l'AfCFTA a le potentiel de stimuler le commerce intra-africain de 53%, en éliminant les droits d'importation et les barrières non-tarifaires. Elle pourrait créer un marché africain de plus de 1,2 milliard de personnes avec un produit intérieur brut (PIB) de 2.500 milliards de dollars.
Seul couac, le Nigéria s'est désisté à la dernière minute, son président, le général Muhammadu Buhari ayant décidé de ne pas faire le déplacement à Kigali. Le Nigéria est la première économie continentale, et il est peuplé de près de 200 millions de personnes. Son retrait porte un coup dur à cette zone de libre-échange. Nous y reviendrons.
Mouhamet Ndiongue