La démarche macroniste d’Akhannouch,par Aziz Boucetta
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- 22 mai 2017 --
- Opinions
On l’attendait sur un grand discours idéologique, pour faire du RNI un parti de masse, mais on n’a rien entendu de tel. On guettait un positionnement nouveau du RNI sur la scène politique, mais on n’a rien vu dans cette logique. Le discours du président du RNI Aziz Akhannouch à l’ouverture du 6ème congrès du parti est résolument pratique, déroulant une approche de proximité et d’action participative. Et en cela, il épouse la démarche nouvelle de la politique nouvelle que l’on voit fleurir un peu partout dans le monde, à côté de nous et ailleurs.
« Les projets de développement lancés par le pays au niveau central n’atteignent pas les populations cibles ; il nous faut travailler dans ce sens, appuyés sur les acquis sociaux et politique du pays, et confiants en les capacités de notre nation ». C’est un peu la démarche suivie par Podemos, par En Marche, par Syriza, et par d’autres. En Europe, c’est le clivage gauche-droite qui vole en éclats, permettant l’émergence de nouvelles forces et de nouveaux profils de dirigeants. L’heure n’est plus aux idéologies, mais à la proximité ; les discours ne sont plus pompeux, abscons, mais simples et à la portée de tous. On ne parle pus de « la grandeur de la nation », mais des problèmes pratiques, quotidiens, des populations.
Au Maroc, il en va de même, mais le clivage s’opère entre conservateurs et modernistes et là aussi, cette fracture entre deux camps d’idéologies se voulant antinomiques vole en éclats. Les modernistes restent conservateurs, et les conservateurs revendiquent des positions modernistes. En effet, alors que le PJD parle de loin en loin de libertés individuelles, le PPS et l’USFP évoquent de plus en plus la tradition et les coutumes du pays. Il faut trouver un juste milieu, celui qui parle à une population qui veut, aussi, bénéficier des fruits d’une croissance atone, mais croissance quand même, et des bienfaits d’un développement encore inégal, mais développement quand même. Tout le monde veut avoir sa part du gâteau, et c’est le nouveau type de discours développé par Akhannouch au RNI.
Si, en France, Macron a formé un gouvernement fait de gauche et de droite, on comprend mieux aujourd’hui que le gouvernement El Otmani n’est pas fait de bric et de broc. En France, ce
sont les compétences qui ont été privilégiées, pour brasser le plus largement possible dans le spectre politique, et au Maroc, l’alliance décriée par les fans inconditionnels de Benkirane montre déjà sa capacité à œuvrer pour le bien de tous, avec les spécificités de chacun.
En somme, le RNI serait en passe de devenir un parti véritablement centriste, ni libéral ni socialiste, ni conservateur ni moderniste, mais à la recherche d'un équilibre équitable entre les libertés individuelles de tous et la responsabilité de chacun envers tous. Au gouvernement, cet échafaudage est porté par le PJD et le RNI, avec le PPS en renfort. UC, MP et USFP sont là pour la force numérique parlementaire.
Signe des temps : alors que le RNI tenait sa grand-messe avec l’affluence de tous, l’USFP – ou ce qu’il en reste – organisait son congrès, boudé de tous et tout juste remarqué par la classe politique.
A El Jadida, et en bon entrepreneur qu’il est, Akhannouch a brossé une feuille de route personnelle qu’il suit depuis 6 mois. Au sein du gouvernement, il se place en renfort du PJD, premier parti national et plus ancré socialement, auquel il apporte les compétences et la technicité entrepreneuriale. Saadeddine El Otmani l’a compris, et admis, après les 6 mois perdus dans les bouffonneries égotistes d’Abdelilah Benkirane.
Il reste à Akhannouch à s’exprimer plus et à bien s’entourer. Si lui semble bien savoir où il veut aller, et qu’il s’en donne les moyens, de saines et saintes inquiétudes peuvent légitimement être nourries face à la composition de son bureau politique. En dehors des membres ès-qualité de ce BP (les ministres), on ne compte que 4 femmes sur les 20 membres élus, et sur ces 20 membres toujours, l’ancienne technostructure est revenue en force. Des visages nouveaux sont apparus, mais la question est de savoir quelle est leur réelle proximité avec les populations. Le même problème qui se pose aujourd’hui à Emmanuel Macron ; si lui est en marche, son entourage peut trébucher.
Pour réussir son pari, là où le PAM l’a raté et là où le PJD semble souvent choisir la confrontation pour asseoir son hégémonie, Aziz Akhannouch gagnerait à mettre en place un comité de direction aussi bourré de talents que dénué d’idéologie, empli de compétences et non de simples et voraces appétences.
On peut en douter, mais on peut aussi y croire. L’avenir proche apportera ses réponses.
Aziz Boucetta