De la démocratie, version marocaine, par Fatiha Daoudi

De la démocratie, version marocaine, par Fatiha Daoudi

Les élections législatives du 7 octobre 2016 ont eu pour résultat la reconduction du Chef du gouvernement qui s'est vu chargé de constituer une majorité et proposer un nouveau gouvernement.

Après trois mois de négociations ardues, il n’y est toujours pas parvenu. Ce retard nuit évidemment au fonctionnement des institutions et du Parlement en particulier, qui requiert la formation d’une majorité et d’une opposition.

Mais cela, c’est compter sans le projet de réadmission du Maroc à l’Union Africaine et l'impératif d’un vote rapide de la loi portant statut de cette instance et qui sont venus bousculer cet attentisme.

Et là, la démocratie marocaine est venue nous prouver, si besoin était, son caractère exceptionnel. En effet, le Parlement a, en plus d’entamer son travail, élu son Président.

Cette élection passe outre le sens même de la démocratie dont les règles universellement reconnues en font un mécanisme qui permet à la population de choisir, via les urnes, les représentants qui œuvreront à lui assurer le meilleur vivre possible. Pour cela, des élections sont organisées à intervalles réguliers et après le décompte des bulletins de vote, le parti qui a obtenu le plus grand nombre de votants est déclaré vainqueur et chargé de constituer une majorité pour gouverner, au cas où


la sienne n’est pas absolue.

Dans cette démocratie, il est possible que la majorité ait des difficultés à se mettre en place mais jamais, au grand jamais, le Président du Parlement n’est élu avant la formation du gouvernement ! Le Président de notre Parlement a, non seulement, été élu en tant que candidat unique mais en plus choisi au sein d’un parti ayant obtenu un nombre de sièges très peu valorisant (20 sièges sur les 395) !

Et nous voici devant une démocratie, version marocaine enveloppée dans « l’intérêt suprême de la nation » et un « moment crucial », en l’occurrence le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine.

Pourtant, le Parlement aurait pu se réunir en séance extraordinaire, avec tous ses membres, sous la présidence du plus âgé d’entre eux, voter les textes nécessaires, et la clôturer en attendant la formation d’une majorité gouvernementale. Car, après tout, la vocation du parlement est de soutenir la majorité et son Président joue un rôle important dans ce soutien.

Est-ce que l’élection prématurée du Président est la meilleure manière de mettre fin à l’impasse à laquelle sont arrivées les négociations pour une majorité gouvernementale ?

En tout état de cause, le choix d'un Président issu d’un parti minoritaire qui pourrait se retrouver dans l’opposition semble clairement ne pas aller dans ce sens. Car il relève plus de l’exception que de la démocratie !