Violation de l’article 29 de l’acte constitutif de l’UA, par Khalil Haddaoui
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- 16 janvier 2017 --
- Opinions
Il est important dans la phase actuelle d’activation de la procédure d’admission du Maroc à l’Union Africaine, que notre pays soit vigilant et parfaitement respectueux de ce que prévoit l’Acte Constitutif de cette Organisation. Le Maroc a remis sa demande d’adhésion à la Présidente de la Commission en septembre 2016. Nous savons aujourd’hui que plus de la moitié des Etats membres ont répondu favorablement, par lettre officielle, à cette demande. Il appartient donc à la Présidente de la Commission de faire parvenir immédiatement au Maroc une lettre lui notifiant son admission. Si elle ne le fait pas, elle serait en train de violer d’une manière flagrante l’Acte Constitutif. En effet l’article 29 stipule :
Admission comme membre de l’Union
« 1. Tout Etat africain peut, à tout moment après l’entrée en vigueur du présent Acte, notifier au Président de la Commission son intention d’adhérer au présent Acte et d’être admis comme membre de l’Union.
« 2. Le Président de la Commission, dès réception d’une telle notification, en communique copies à tous les Etats membres. L’admission est décidée à la majorité simple des Etats membres. La décision de chaque Etat membre est transmise au Président de la Commission qui communique la décision d’admission à l’Etat intéressé, après réception du nombre de voix requis. »
1- Cet article ne souffre d’aucune ambigüité. Après avoir été adopté à Lomé en juillet 2000, et après que les signataires aient présenté leurs instruments de ratification, l’Acte Constitutif est entré en vigueur en juillet 2002 à Durban où a eu lieu le premier Sommet de l’Union Africaine. Il faut souligner ici que seuls les signataires de l’Acte Constitutif étaient tenus de présenter les instruments de ratification, afin de permettre à ce dernier d’entrer en vigueur. Aujourd’hui cet Acte est en vigueur depuis 14 ans et il n’appartient pas à de nouveaux adhérents de procéder à cette ratification. Aucune disposition, ni de l’Acte Constitutif ni du Règlement intérieur, ne prévoit cette procédure.
2- Le rôle de la Présidente se limite à recevoir la demande d’adhésion de tout Etat africain, de la transmettre aux Etats membres. La majorité simple des Etats membres est actuellement de 28. Après avoir reçu la 28ème lettre favorable, elle doit communiquer la décision d’admission à l’Etat intéressé. Si elle ne le fait pas elle viole l’article 29 de l’Acte Constitutif. Que certains Etats membres soient contre l’admission d’un Etat africain ou veulent inventer des conditions supplémentaires d’admission, cela les regarde, mais ne peut en aucune façon modifier ni entraver la procédure établie, à partir du moment où la majorité simple est favorable à
l’admission.
3- Le 2 décembre 2016 la Commission a diffusé un communiqué de clarification dans lequel il est dit que le Maroc a officiellement soumis une demande d’adhésion à l’UA au mois de septembre ; que les 54 Etats membres ont été officiellement informés, et que le Royaume du Maroc sera informé du résultat. Le communiqué ajoute au dernier paragraphe que « les décisions concernant l’admission comme membre à l’UA appartiennent aux Etats membres, et non à la présidente de la Commission. » On est tenté de la remercier pour cette clarification et lui dire d’être conséquente avec elle-même et de notifier au Maroc son adhésion, puisque la majorité simple a été largement dépassée.
4- Cette notification d’adhésion n’a pas à être entérinée par la Conférence au Sommet comme le prétendent certains. L’article 29 précise que «le Président de la Commission communique la décision d’admission à l’Etat intéressé, après réception du nombre de voix requis. » Dès qu’il reçoit cette notification, l’Etat intéressé, dans ce cas le Maroc, est ipso facto membre de l’UA.
5- Si le Ministère des Affaires Etrangères n’a pas encore reçu cette notification, il lui appartient de sortir de son silence, et sans attendre la Conférence au Sommet, la diplomatie doit agir pour mobiliser les pays qui ont répondu favorablement, et exiger de la Présidente de la Commission de respecter les termes de l’article 29, sinon, de l’accuser de violation de l’Acte Constitutif.
6- Ceux qui prétendent que l’adhésion du Maroc à l’UA serait une reconnaissance de la prétendue « RASD », tombent en fait dans le piège de la propagande algérienne. Il suffit de leur rappeler que les Etats africains, qui avaient reconnu cette prétendue république, et ont par la suite retiré leur reconnaissance, n’ont jamais été accusés de non-respect des principes contenus dans l’article 4 de l’Acte Constitutif. A l’heure actuelle, les Etats africains qui reconnaissent encore la « RASD », ne dépassent pas la quinzaine. C’est d’ailleurs là l’un des grands paradoxes de toute cette affaire : que le membre d’une Organisation régionale d’Etats se retrouve dans une situation où la majorité des autres membres ne reconnaît pas sa qualité d’Etat.
7- Pour ce qui concerne l’adoption par le Conseil des Ministres de la loi relative à l’Acte Constitutif de l’UA, il s’agit d’une procédure souveraine, d’ordre interne, qui répond aux exigences des institutions du Royaume, et qui ne regarde en aucune façon l’Union Africaine. Point n’est besoin également, au regard de cette dernière, que cet Acte soit ratifié par le Parlement marocain, c’est là une procédure interne qui n’intéresse que le Maroc. Ancien Ambassadeur