Leurs fêtes, c‘est haram… mais notre violence, c’est halal…, par Sanaa Elaji
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- 03 janvier 2017 --
- Opinions
A mon sens, la piété est une relation spirituelle avec le Créateur et aussi un grand souci du respect des valeurs, de la morale et de la dignité humaine, un désir de semer la joie dans les cœurs et dans les esprits de notre entourage ou de nos relations, même éphémères.
Mais ils sont nombreux ceux qui, autour de nous, ont choisi de faire de leur piété un levier de violence et de haine, quelles que soient les circonstances de cette violence et les formes de cette haine. Ces gens-là considèrent que leur piété ne peut être et exister, dans le fond, que dans la détestation et le rejet de l’Autre. C’est pour cela qu’ils mesurent leur religiosité à leur capacité d’affronter leur prochain et à leur propension à enraciner une culture de la haine.
Et voilà donc que certaines occasions, supposées être festives et censées véhiculer la joie et le bonheur, l’amour et la gaieté, se transforment en sources de rejet et de haines. Et au lieu de fêter l’avènement du Nouvel An, nous croisons de plus en plus de personnes qui en font un motif de discrimination, affirmant, par exemple, que « fêter l’année grégorienne est un péché »… « Féliciter les chrétiens pour ce Nouvel An et leur souhaiter les meilleures choses est haram »… « Jeûnez avec nous et nous nous saoulerons avec vous »…Et il y en a même qui font montre d’une admirable créativité dans l’hostilité et l’animosité, en cela qu’en plus de refuser catégoriquement de présenter leurs vœux, ils vont même jusqu'à refuser nettement, fermement et résolument de recevoir ceux des autres pour la nouvelle année.
Alors, plusieurs remarques à cela :
1/ Pour information et enrichissement de la culture générale de certains, il faut savoir que les chrétiens ne fêtent pas la naissance du Christ le 31 décembre, mais le 25, exactement comme les musulmans célèbrent la naissance de leur prophète le 12 Rabiî I et non le 1er moharram. Ok ?... Sachant, en outre, que les dates de naissance de tous les prophètes sont incertaine ; mais cela est un autre sujet.
2/ Personne n’est tenu de trinquer, ou même de se saouler, pour fêter l’avènement d’une nouvelle année. Et les amoureux de la dive, de la beuverie, de la
picole, chrétiens soient-ils, ou musulmans ou athées, n’attendent pas le jour de l’An pour le faire… pas plus qu’ils ne demandent l’avis de personne.
3/ N’avez-vous pas constaté, chers amis chantres du « je ne suis pas chrétien », que le réveillon est la célébration d’une nouvelle année selon ce calendrier qui rythme nos vies et nos activités, du rendez-vous chez le médecin à la rentrée scolaire de nos enfants, des dates de mariage aux périodes de vacances ? Et cela nous conduit à évoquer le calendrier de l’Hégire que nous refusons toujours à établir selon des critères scientifiques, la science permettant aujourd’hui, en effet, de mesurer ce calendrier avec une plus grande précision que l’observation d’un croisant lunaire ; et à chaque fête qui marque le début d’un mois de l’Hégire, nous en sommes réduits à rester dans le « flou » et l’incertitude quant à nos activités.
4/ Pense donc, coreligionnaire masculin, que l’islam te donne le droit d’épouser une chrétienne ou une juive, voire une chrétienne et/ou une juive… La famille de ta nouvelle femme, qui gardera sa foi originelle, sera aussi désormais la tienne et, dans l’avenir, celle de ta progéniture. Alors, célébreras-tu leurs fêtes avec tes nouveaux parents ou te réveilleras-tu, ces jours-là, d’humeur maussade voire hostile, alors qu’eux sont en liesse (sachant que le Nouvel An n’est pas, je te le rappelle, une fête religieuse) ?
5/ … Et c’est le point le plus important… Le haram n’est pas de présenter ses vœux à d’autres pour des fêtes que nous considérons ne pas être les nôtres, ou même de refuser leurs vœux… Le haram est de tuer, de massacrer, au nom de la religion, et que d’autres justifient ces actes, toujours au nom de cette même religion ! Le haram est toute cette pauvreté, cette injustice, cette ignorance dans lesquelles vivent tant de personnes parmi nous, sans que nous ne pensions à changer cela, tout en persistant à estimer que nous sommes « la meilleure communauté qu'on ait fait surgir pour les hommes » (3 : 110). En quoi donc ? L’analphabétisme ? L’ignorance ? La misère ? La mendicité ? L’injustice ? Le harcèlement ? Le déni des droits des minorités ? La dictature ?...
Et en dépit de cela, vous aurez toujours un « petit malin » qui viendra vous expliquer que le haram, c’est fêter le Nouvel An grégorien. Décidément…
Al Ahdath al Maghribiya (traduction de PanoraPost)