Soyons « solidaires » avec l’Etat…, par Sanaa Elaji

Soyons « solidaires » avec l’Etat…, par Sanaa Elaji

Très chers membres du gouvernement et du Conseil supérieur de l’Education… Très cher Etat… La « solidarité nationale », à vos yeux, serait-elle un concept qui privilégie les « obligations », occultant les droits ? La « solidarité nationale » serait-elle donc devenue un nouvel impôt dont s’acquitterait le citoyen pour bénéficier des droits les plus fondamentaux que n’importe quel Etat qui se respecte procure pourtant gratuitement, à savoir l’éducation et la santé ?

Sais-tu, cher Etat, que bon nombre de ces ménages aisés auxquels tu veux faire payer des frais dans ce que tu appelles « la solidarité nationale », pour que leurs enfants bénéficient de ce droit constitutionnel qu’est l’éducation… bon nombre, donc, de ces familles, en plus d’autres, moins argentées, voire même pauvres… choisissent l’enseignement privé afin que leurs progénitures reçoivent une éducation digne de ce nom ?

Aujourd’hui, cher Etat, tu souhaites que les ménages qui optent pour l’enseignement public règlent des frais d’enregistrement pour que leurs filles et leurs fils aillent dans des écoles que tous les rapports mondiaux indiquent invariablement et dans une inquiétante unanimité comme étant de piètre facture. Cet enseignement qui ne garantit qu’une chose, à savoir celle de grossir plus tard les rangs des chômeurs, ainsi que l’attestent bien malheureusement de nombreux experts et spécialistes. Quelle est cette logique qui t’anime, ô mon Etat ? A moins que, plus simplement, plus trivialement, nous ne relevions d’un Etat dépourvu de toute forme de logique !

Mais il y a autre chose… Sais-tu, cher Etat, ou est-il besoin de te le rappeler, qu’un grand nombre de familles qui tirent leurs salaires du secteur privé paient déjà un impôt sur le revenu fort élevé, allant  parfois jusqu’à 40% ? Pareil, plus ou moins, que ce que versent les ménages exerçant dans le privé dans les pays européens ; la différence, tu la devines, étant que pour ces familles, l’Etat offre un enseignement public de bonne facture, sans qu’il ne soit nécessaire ni obligé pour les usagers de ce service de payer une facture… Un enseignement qui n’a pas besoin de « solidarité nationale »… Car en ces contrées-là, la seule et unique « solidarité nationale » est ce fameux impôt sur le revenu.

Sous nos cieux, l’employé et


le cadre du privé paient les mêmes niveaux d’impôts que leurs correspondants européens mais, à l’inverse de l’Européen, le Marocain ne trouve pas à l’arrivée les mêmes services publics. Le salarié marocain va se faire soigner dans les cliniques privées, assure son transport par des sociétés privées et inscrit ses enfants dans des établissements privés…

Aujourd’hui, votre génie créatif a éclaté au grand jour, Mesdames et Messieurs les responsables gouvernementaux… il a éclaté par cette initiative augmentant la charge fiscale sur les ménages, à travers la création de cette « solidarité nationale » que le gouvernement et le Conseil supérieur réduisent aux obligations… occultant les droits. Le « Grand Penseur » du PJD Lahcen Daoudi a même été plus loin encore en déclarant à France Presse que ces taxes serviront entre autres à garantir que « les riches ne profiteront plus gratuitement de l’enseignement public ».

Fort bien, M. (l’ex) ministre… Mais, en contrepartie, avez-vous une quelconque proposition pour tous ces ménages qui paient des impôts supposés leur assurer une batterie de droits en matière d’enseignement, mais n’ont d’autre choix que d’aller, après avoir payé ces impôts, au secteur privé pour y trouver ces même droits ? Pour ces familles, l’Etat a-t-il pensé à faire montre de « solidarité nationale » en réduisant, par exemple, leur taux d’imposition, une mesure qui servirait à compenser l’insignifiance (l’absence ?) de droits que l’Etat est tenu de garantir ?

Cher Etat… nous sommes, pour la plupart d’entre nous, des gens non spécialisés dans les affaires d’enseignement. Mais nous savons, tous ou presque autant que nous sommes, que la crise de ce secteur n’est pas tant due au manque de moyens qu’à l’indigence des programmes et de la vision que nous voulons pour ce secteur et pour ce peuple. Nous ne sommes nullement des experts mais avec notre humble et modeste entendement, nous comprenons que ceux qui ont les moyens de payer des frais pour la scolarisation de leurs enfants n’attendent pas grand-chose des pouvoirs publics dans ce domaine… Ils gèrent et se gèrent afin d’ « acheter » un enseignement de qualité pour leurs enfants, dans le privé…

Et savez-vous pourquoi ? Parce que leur Etat ne pense à la « solidarité nationale » que quand il y voit un intérêt pour lui !

Al Ahdath al Maghribiya (traduction de PanoraPost)