Pour le Marocain, le sexe peut être la raison du mariage et du divorce, par le Dr Jaouad Mabrouki
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- 06 décembre 2016 --
- Opinions
Au tout début de mon activité professionnelle au Maroc, un homme assez âgé m’a consulté car son épouse refusait d’avoir des rapports sexuels avec lui. Comme il est imam d’une mosquée dans un petit village, il m’expliquait qu’il n’osait pas aller voir ailleurs et qu’il était sur le point de divorcer. Je lui ai alors proposé de le voir avec son épouse. Et ils sont venus me voir tous les deux !
La vieille épouse me dit alors : « écoute mon fils, il ne s’occupe pas de moi, il ne m’achète ni vêtements ni chaussures, il ne me parle pas avec respect et douceur, le réfrigérateur est toujours vide… comment veux-tu que j’aime cet homme ? ». L’époux prit la parole et lui dit « reviens vers moi et je t’achèterai tout ce que tu veux ». Mais l’épouse ferme dans sa décision répond par « non d’abord achètes moi tout ce que je veux et sois respectueux avec moi et je reviendrai par la suite ».
J’ai eu très mal au cœur de voir que ce couple vivait cet enfer depuis plus de 50 ans ; quel est l’intérêt du mariage si le bonheur fait défaut ? Et il me semble évident que les raisons du mariage sont complètement faussées dans notre société.
J’ai remarqué que les ménages de la génération actuelle reconnaissent que leur sexualité était plus épanouie avant le mariage. Que se passe-t-il alors et comment expliquer cette souffrance sexuelle dans les mariages ?
J’ai aussi observé que le mari trouve son bonheur sexuel avec sa maitresse et le justifie par ces mots « elle me comprend, elle me donne tout ce que je veux et elle me désire ». Par contre l’épouse s’exprime plutôt ainsi « mon amant me comprend, me respecte, me parle avec douceur et respect, il se fait du souci pour moi, il demande de mes nouvelles plusieurs fois par jour et il m’écoute durant des heures au téléphone ».
Nous remarquons donc que les besoins de la femme et de l’homme sont totalement différents. L’homme reste un animal instinctif et il cherche uniquement la réalisation de ses désirs sexuels selon ses fantasmes, par contre la femme est un être sentimental et elle a besoin d’affection, elle a besoin que l’on s’intéresse à elle, que l’on s’occupe d’elle, qu’on l’écoute, qu’on lui parle avec respect et douceur et qu’on lui accorde suffisamment de temps. Ces conditions sont essentielles pour elle pour qu’elle puisse ressentir du désir sexuel. L’homme au contraire, même après une dispute, est capable d’avoir un rapport sexuel, chose impossible pour une femme.
Souvent l’homme marocain répète cette expression « elle a tout ce qu’il lui faut, je lui amène tout ce dont elle a besoin, elle mange bien, je l’habille bien, elle est comme une reine à la maison » et la femme lui rétorque alors « si ce n’est que d’avoir à manger, je l’ai déjà chez mes parents ».
L’épouse a besoin de ressentir que son mari la respecte, la considère, qu’il se comporte avec elle avec douceur, qu’elle est vraiment sa compagne, qu’elle a un mot à dire dans toutes les décisions et que son but est de la rendre heureuse et de lui consacrer tout le temps dont elle a besoin en tête à tête avec lui.
Ce que la femme déteste, c’est lorsque son mari la néglige, l’ignore, se comporte avec elle comme une femme de ménage
ou une nounou le jour et comme une fille de joie la nuit pour accomplir ses fantasmes sexuels.
L’homme passe toute sa journée dehors entre son travail et les cafés, puis il rentre le soir tardivement, sa femme lui sert son repas, il mange sans parler sinon pour critiquer, genre « le repas est froid ou trop salé » sans même la remercier, sans lui demander comment elle a passé sa journée, ignorant sa fatigue et ses efforts pour le travail domestique et l’éducation des enfants du matin au soir. Cette ignorance se révèle dans les propos des hommes « quelle chance a la femme, de rester tranquillement au chaud à la maison, allongée devant les séries et moi je galère toute la journée pour gagner de l’argent ». Lorsqu’il finit son repas, il rentre au lit et attend sa femme, alors qu’elle est en train de faire la vaisselle puis de préparer le petit déjeuner pour les enfants pour qu’ils le trouvent le matin avant d’aller à l’école. Quand enfin elle va au lit à son tour, fatiguée et courbaturée d’avoir passée plus de 16H de travail en continu, le mari attend qu’elle se transforme en ce moment précis – moment tant attendu toute la journée par elle pour se reposer enfin – en star des films X et qu’elle lui saute dessus afin de le dévorer sexuellement. Evidement ceci est impossible pour elle dans ces conditions, alors, le mari frustré, boude et quitte le lit conjugal pour dormir ailleurs. Immaturité, débilité et injustice ?
Après quelques années, le mari décide qu’il est victime et que son épouse ne le désire pas sexuellement et il se donne le droit d’avoir des aventures ou des maitresses, et même de divorcer ! Or tout le monde ignore que la véritable raison est sexuelle, mais comme il s’agit là d’un des plus puissants tabous chez les Marocains, le non-dit continue à régner.
La femme, pour sa part également, se voit comme une victime et elle trouve que son mari la néglige et ne reconnait pas ses efforts ; elle vit dans sa solitude douloureuse comme une mère-célibataire et souvent elle répète cette phrase à ses enfants « je ne sacrifie ma vie que pour vous ».
Après toute cette souffrance et toute cette « hogra », l’époux peut se remarier de nouveau avec une femme plus jeune que lui tout étant capable de jeter la mère de ses enfants comme un vieux torchon. Mais il oublie qu’il va revivre les mêmes frustrations sexuelles et la même souffrance avec cette 2ème femme, car il va se comporter avec elle de la meme façon qu’avec la première ignorant que « c’est lui le problème » car il regarde toujours la femme comme un objet sexuel!
C’est la triste souffrance de notre société et qui est la conséquence des problématiques suivantes :
- L’absence d’une éducation sexuelle saine
- L’absence dans l’éducation de l’égalité entre fille et garçon
- L’absence de l’égalité entre l’homme et la femme
- L’absence du concept de l’institution du mariage
- L’ignorance des objectifs du mariage
- L’absence de programme préparatif au mariage et à la vie familiale
- L’ignorance des conditions du mariage et des outils de sa réussite
- L’absence de la consultation franche au sujet de la vision de chacun sur la sexualité avant le mariage et les attentes de chacun
- L’absence de programme scolaire au sujet du mariage
- L’ignorance totale au sujet de la relation « spirituelle » entre les époux et des moyens de la développer sachant que c’est cette relation qui nourrit le véritable amour et garantit le progrès du mariage.