Bravo, Majesté !, par Aziz Boucetta

Bravo, Majesté !, par Aziz Boucetta

Il est des moments où il ne faut pas hésiter à dire les choses telles qu’on les ressent. Et ce qu’on ressent, en regardant ce qui se passe à Marrakech, et ce qui s’est produit ces derniers temps, est de la fierté. Organiser et réussir simultanément deux événements diplomatiques majeurs, en deux semaines, était une gageure, de même que forcer la porte de l’Union africaine en juillet était osé. Le Maroc a été à la hauteur, relevant les défis nécessaires et prenant les risques qui vont avec. Mohammed VI a été à la manœuvre, et on en voit le résultat aujourd’hui. Retour sur six semaines exceptionnelles.

1/ Le 10 octobre, 24 heures après l’annonce des résultats définitifs du scrutin législatif, le roi nomme le chef du parti arrivé premier. Il n’avait certes pas le choix pour le PJD (même si tant de personnes se sont à tort pâmées de voir le roi respecter la légalité constitutionnelle, alors qu’il y était contraint), mais il l’avait pour Benkirane. Il a donc respecté la logique démocratique ou, pour user d’une formule chère aux socialistes, la « méthodologie démocratique ». Rien ne l’obligeait à le faire, et il aurait même mieux fait de ne pas le faire d’ailleurs, mais il l’a fait, et il en est sorti grandi, et notre démocratie naissante avec.

2/ Le 18 octobre, il s’envole pour l’Afrique de l’Est, où il ouvre de nouveaux horizons et débouchés en Afrique. De l’Est, cette fois, l’Afrique anglophone, l’ancienne chasse gardée de l’axe Alger, Abuja, Pretoria. Le très écouté et encore plus influent Paul Kagamé est désormais un des amis du Maroc (il était à Marrakech hier pour le Sommet africain, et on sait l’homme très pointilleux sur ses sorties). Il part là avec sa spectaculaire dream team, qui signe, contracte, discute et s’impose.

3/ Le 6 novembre, discours de Dakar, qui se passe de tout commentaire, surtout que tous les commentaires ont été apportés. Parler aux Africains à partir de l’Afrique, et aux Marocains à partir d’un sol étranger, pendant que les voisins se gargarisaient de crier au climat insurrectionnel qui aurait régné alors selon eux dans le Rif suite à la mort de Fikri. Le roi a quitté son pays pendant plus de trois semaines, pour travailler et dénoncer le colonialisme latent, pendant que d’autres allaient, eux, recevoir des soins chez l’ancien colonisateur…

4/ Le 15 novembre, ouverture du sommet de la COP22, avec un secrétaire général de l’ONU venu voir de ses yeux ce qu’est le Maroc. Il


a vu. 33 millions de Marocains ne peuvent décemment pas occuper 30.000 Sahraouis, par ailleurs installés dans un pays qui fonctionne, comme Ban Ki-moon l’a pu voir de ses yeux souriants. Mais, à l’occasion, et sous les yeux un peu surpris du même Ban, Mohammed VI en a profité pour régler un vieux compte avec un vieux dictateur, Robert Mugabe. Ce dernier avait eu le malheur de dire, un jour, que les « Sahraouis était sous colonisation marocaine ».

5/ Le 16 novembre, coup de maître avec le Sommet africain de l’action, où le Maroc reçoit les 50 Etats africains, et Mohammed VI  30 chefs d’Etat. Pas encore membre de plein droit de l’UA, le roi se place d’emblée en pole position africaine, comme l’indique la Déclaration  qui invite « le Roi du Maroc, en relation avec le Président en exercice de l’Union Africaine, à œuvrer pour la mise en œuvre de cette Déclaration, notamment au niveau de la coordination et du suivi des initiatives prioritaires dans les domaines de la lutte contre les changements climatiques et du développement durable ainsi que de la mobilisation des partenaires du Continent, bilatéraux ou multilatéraux ». Mohammed VI s’installe en quelque sorte aux côtés des futurs  présidents de l’Union africaine, puisque la mission dont il est chargé par ses pairs africains s’inscrit dans la durée, alors que la présidence de l’UA est annuelle.

6/ Le second volet de la tournée africaine commence, dans plusieurs pays frères, selon la terminologie du Cabinet royal… Un voyage en Ethiopie, avec l’impressionnante armada de chefs d’entreprises, de directeurs d’offices et de sécuritaires divers. L’Ethiopie, donc, puis certainement Madagascar, et on parle du Kenya et de l’Afrique du Sud (en voyage privé, selon des confidences chuchotées et à confirmer).

7/ En janvier 2017, le roi ira au Sommet de l’Union africaine, fort de ses acquis diplomatiques, de sa démocratie interne belliqueuse et rugueuse, de son économie qui avance cahin-caha mais qui avance quand même. Il siègera devant les types du Polisario, si tant est que Brahim Ghali ne soit pas incarcéré entretemps en Espagne pour génocide, et portera haut la voix du Maroc, envers l’Algérie aussi souffrante que son président, et en dépit de l’Afrique du Sud aussi malmenée que l’est aussi son président. Lui, Mohammed VI, parle d'Afrique, de l'Afrique et à l'Afrique, selon l'angle économique et partant de la dimension climatique, et non dans la logique idéologique des années 60.

Pour tout cela et pour le plaisir procuré,  malgré les vicissitudes politiques et les incertitudes économiques, sans flagornerie excessive ni flatterie outrancière, une seule chose à dire : Bravo Majesté !