L’insatisfaction sexuelle dans la société marocaine et arabe

L’insatisfaction sexuelle dans la société marocaine et arabe

Je suis toujours surpris par la grande souffrance que vivent certains couples, résultant d’une frustration accumulée de jour en jour aussi bien chez l’homme que chez la femme et qui finit par empoisonner leur vie conjugale.

Les conflits conjugaux sont dus, le plus souvent, à une mauvaise communication dans le couple, responsable elle-même de l’insatisfaction sexuelle. Cette insatisfaction reste confinée dans le plus grand secret et dans le non dit et s’exprime au travers de « faux problèmes » comme la gestion de l’argent, l’autorité, la belle-mère par exemple.

Dans le couple, chacun cherche à satisfaire ses fantasmes et à atteindre l’orgasme, le plus souvent fantasmatique. Étant donné que la sexualité est un tabou dans le couple marocain et arabe et plus précisément chez la femme, aucune verbalisation des désirs sexuels n’est véritablement exprimée, librement et discutée entre les époux ; et chacun suppose que c’est tellement évident qu’il n’y a pas besoin d’en parler. Or, ceci constitue la problématique essentielle d’une communication qui se dégrade dans le couple.

Toutefois, l’homme peut réclamer la réalisation de ses fantasmes sexuels, mais la femme arabe, paralysée par le tabou, trouve des difficultés à exécuter toutes les réclamations du mari d’une part, mais aussi à exprimer ses propres fantasmes d’autre part, par crainte d’être considérée par le mari comme « une fille de joie » qui serait bien expérimentée sexuellement.

Ces couples souffrent terriblement et ne trouvent aucune aide du fait que la sexualité est taboue, et ils ne peuvent en parler à personne. Ainsi, leur problématique sexuelle se convertit en « faux problèmes » dont les solutions sont évidentes mais leur résolution reste impossible à réaliser. Ainsi le mari va réclamer une deuxième femme ou bien avoir une maitresse en supposant que sa femme est responsable de sa souffrance car elle serait sexuellement « bloquée ».

La sexualité humaine comporte deux dimensions :

  • Une sexualité anatomique responsable de la procuration du plaisir ;
  • Une sexualité affectueuse responsable du véritable amour, de la solidité du pacte relationnel dans un couple et de sa durabilité. Elle s’exprime par l’affection, la tendresse, la douceur, le respect, l’égalité, le partage, l’attention, la consultation en toute chose, le fait de vouloir rendre heureux l’autre et lui procurer de la joie. Ces éléments constituent l’essentiel d’une communication réussie. Sans cette sexualité affective, le reste n’est qu’un rapport purement anatomique procurant peu de satisfaction.

Malheureusement, dans les couples marocains, la sexualité affective est souvent absente car elle fait défaut dans l’éducation et être affectueux est un signe de faiblesse.

Quelles sont les raisons de cette


insatisfaction sexuelle dans les sociétés arabes:

1/ L’individu se sent esclave de son corps  et entretient avec lui une relation torturante. Le corps de l’enfant est maltraité et plus particulièrement celui de la fille ; elle est critiquée sans cesse, violentée, empêchée de s’épanouir, étouffée par des ordres du genre « il faut marcher tête basse », «  ne t’assoie pas comme ça, c’est honteux », « couvres ton corps », « c’est honteux de t’habiller comme ça.. ». C’est le phénomène de « la hchouma ».

2/ Le corps de l’enfant et de l’adolescent ne reçoivent pas assez d’affection verbale et de câlins de la part des parents et cela peut même disparaitre à l’adolescence. Les enfants n’apprennent pas à être « câlins » et affectueux et vont reproduire ce même schéma une fois adultes et mariés.

3/ L'impureté du corps et la souillure de la sexualité : dans la culture arabe, le corps est souillé et impur après un rapport sexuel, et il faut donc le purifier. Comment peut-on porter un corps pur et impur à la fois ? Comment peut-on être en paix avec ce corps ? Comment peut-on avoir un rapport serein et confortable avec la sexualité si celle-ci est une chose « salissante » ?

4/ La fille, depuis son plus jeune âge, apprend que son corps est « a’ou’ra », ce qui signifie « défectuosité », et elle doit cacher toutes les parties de son corps pouvant inciter le désir sexuel chez l’homme. La fille vivrait ainsi avec un corps totalement sexualisé pouvant enrager tous les hommes et pour se préserver de leur férocité sexuelle, elle devra donc le camoufler. L’homme est vécu par la fille comme un prédateur sexuel, et la fille est vécue comme une proie sexuelle par le garçon.

5/ L’absence de l’éducation sexuelle chez l’enfant.

6/ L’inégalité dans l’éducation entre la fille et le garçon.

7/ L’absence du modèle de la sexualité affectueuse dans le couple parental.

8/ On ne parle pas sexualité en famille.

9/ La masturbation est considérée comme un péché, et elle est considérée comme malsaine. Ainsi, la première expérience de l’orgasme est culpabilisante et imprègne par la suite tout le parcours sexuel de la personne.

Enfin c’est pour toutes ces raisons, que les couples des sociétés arabes souffrent de l’insatisfaction sexuelle et chaque partenaire accuse l’autre d’en être responsable, et incapable de le comprendre. C’est pour ces raisons aussi que les rapports sexuels se passent dans le noir car c’est « hchouma  ou honteux de monter son corps », du fait que la sexualité est sale ! Pour ces raisons, les couples sont incapables de parler de leurs sexualités, de leur fantasme comme de quelque chose de naturel, comme une source de plaisir qui va nourrir leur unité.