Lettre fermée au cher Abdelilah… vous pouvez sécher, maintenant, vos larmes !, par Hicham Rouzzak

Lettre fermée au cher Abdelilah… vous pouvez sécher, maintenant, vos larmes !, par Hicham Rouzzak

Très cher Abdelilah,

J’espère que cette lettre vous trouvera dans un état meilleur… je veux dire… meilleur que celui dans lequel vous étiez durant la campagne électorale. Je forme des vœux pour que vous ayez cessé, au moins, de  verser des larmes, et de ne pas avoir mis fin à votre plaisir de pousser la chansonnette… de vous laisser bercer par Oum Kalthoum, comme nous vous avons vu le faire dans votre voiture électorale.

Cher Abdelilah,

J’imagine que vous êtes encore et toujours sous le coup de l’émerveillement… Aaaaah, comme cette surprise était rude à comprendre et surtout à croire !

Pensez donc, très cher vous, les élections se sont tenues au Maroc. Les élections ont eu lieu dans cet Etat que dirige le roi et dont vous conduisez le gouvernement ; elles ont été organisées au sein de cet Etat et dans nul autre que celui-là… Un autre dont vous avez dit qu’il existe et dont vous avez affirmé que vous ne savez rien.

Rappelez-vous, et imaginez ! Ce qui s’est finalement produit est que l’Etat dont vous meniez le gouvernement et où Ramid était ministre de la Justice, a organisé l’élection, cette élection dont vous avez douté de la sincérité, comme votre ministre de la Justice qui avait déclaré s’en laver les mains… Mais la surprise était là… C’est le parti du chef du gouvernement et du chef du parquet qui a triomphé… Et je pense, aujourd’hui, que vous aviez raison, cher Abdelilah… Au Maroc, il existe, effectivement, deux Etats… l’un dont vous présidez le gouvernement, qui a organisé le scrutin qui vous a donné la victoire, et un autre dont vous doutiez, vous et votre ministre… Et je pense très sincèrement que cet autre Etat se trouve dans les couloirs d’une clinique psychiatrique dont nous ne connaissons encore rien, ou presque…

Bien, maintenant tout est fini. Vous avez gagné, et c’est le plus important, et vous devez en conséquence cesser de pleurer devant votre public. Les gens aiment certes vous voir larmoyer, et apprécient de voir les larmes couleur sur vos joues, mais vous devez arrêter, et économiser vos glandes lacrymales, car vous pourriez en avoir ultérieurement besoin, qui sait ?

Il vous faut aujourd’hui réfléchir au discours que vous déroulerez ces cinq prochaines années, ne nous laissez pas penser que vous allez renouer avec ce vocabulaire des crocodiles et des démons (entre nous, la comédie d’Adil Imam dont vous vous êtes « inspiré » pour vos mots ne fait plus rire personne). Pensez donc à des animaux plus féroces, à des créatures plus démoniaques… Les gens aiment l’extraordinaire, le fantastique, ils adorent ce qu’ils ne voient pas et n‘entendent pas. Ils apprécient le vide et le néant, et c’est pour cette raison qu’ils ont de l’affection pour nos personnels politiques.

Cher Abdelilah,

Que vous étiez beau, que vous étiez magnifique dans votre innocence juvénile, quand le roi vous a reçu et vous a chargé de former le prochain gouvernement… Vous nous avez déclaré que vous étiez « encore sous le coup de l’émotion de cette haute et transcendante décision » Oui, je vous comprends… La surprise vous a encore submergé…

Le chef de l’Etat qui reçoit le chef du parti arrivé premier et qui le charge de former le gouvernement… quelle surprise, me direz-vous !... Bien que la chose soit mentionnée dans la « constitissioune » que vous avez votée, vous et votre parti. Mais vous êtes étonné, surpris… Certes, des surprises comme celles-ci ont un goût très particulier.

Cher Abdelilah,

En vérité, il n’y a pas plus merveilleux que vous et plus innocent que vous que votre parti. Ce parti qui a passé toute la campagne électorale à mettre en doute l’Etat dont vous présidez le gouvernement, où vous avez veillé avec votre ministre de la Justice à la régularité de l’élection, a subitement découvert, au lendemain de votre audience par le roi, que « ce scrutin était une étape lumineuse qui traduit la volonté des Marocains, sous la conduite sage et éclairée de Sa Majesté le roi Mohammed VI que Dieu Le glorifie et L’assiste, qui a montré toute la fermeté et la constance pour poursuivre la construction démocratique et raffermir l’exception marocaine, veillant à mettre en œuvre les dispositions de la constitution et à retenir la méthodologie démocratique » (fin de citation du communiqué de surprise du PJD).

Cher Abdelilah,

Séchez vos


larmes, maintenant.

Croyez simplement à ce qui vous arrive. Les élections se sont tenues au Maroc et votre parti a été déclaré vainqueur. Il ne s’agit pas d’une mystification, je vous jure que vous avez réellement gagné, si, si… Les élections ont été organisées dans cet Etat que dirige le roi et dont vous présidez le gouvernement sortant et entrant, et vous devez aujourd’hui penser aux cinq années à venir…. Vous devez imaginer un nouveau vocabulaire, dédié, autre que l’effronterie et le culot, le toupet et Ibn Taymiyya, le machisme et « l’homme qui ne tue pas sa femme qui le trompe n’est pas un homme »… N’oubliez surtout pas de trouver d’autres prêteurs auxquels vous emprunterez encore plus, gardez à l’esprit que vous devez poursuivre votre réforme des retraites pour retirer les Marocains de toute réflexion sur les retraites… N’oubliez pas la bouteille de gaz… N’oubliez pas d’oublier les affaires de rente et celles des agréments de toute nature et de tout type, pour tous ces types agrémentés de ces rentes…

Cherchez d’autres mots pour ne pas lasser le populo… la masse qui aime les propos crasses, et en la matière, vous êtes passé maître.

Cher Abdelilah,

Je sais que vous sortez à peine de votre ébahissement et que vous ne savez pas encore où vous êtes et où vous en êtes… je sais que vous vous interrogez puissamment : « Suis-je dans cet Etat que dirige le roi et dont je préside le gouvernement, ou dans un autre Etat sans queue ni tête et dont j’ignore l’identité de celui qui se trouve à sa tête ? »… mais trouver la réponse à cela n’est pas le plus important, pas aussi important du moins que de pouvoir ressortir cette antienne de temps à autre…

Aujourd’hui, vous devez vous souvenir d’accomplir des choses plus importantes… Que vous choisissiez vos amis parmi tous vos ennemis, tant il est vrai que tous ces ennemis ne rêvent que de s’allier avec vous, et qu’il vous appartient, à vous, de les trier. Mais…

De grâce, cher Abdelilah, quel que soit votre choix, œuvrez à ne pas oublier certaines de vos victimes… n’oubliez pas de confier quelque chose à Mohamed Louafa, que vous vous alliez à l’Istiqlal ou non… ne le laissez pas, je vous en supplie, errer, sans parti et sans portefeuille.

N’oubliez pas non plus de jeter quelque miette à Moubdiî, que vous reconduisiez votre éternelle amitié avec le MP ou pas. Que ferait donc ce brave homme s’il n’est pas maintenu au gouvernement, alors qu’il vient d’y prendre ses aises et ses habitudes ?

N’oubliez pas de garder auprès de vous el Khalfi, au gouvernement, et je forme un vœu de le voir confirmé à la Communication, afin que nous le voyions encore et encore, encore et toujours communiquer… S’il vous plaît, cher Abdelilah, gardez el Khalfi ministre afin que nous riions de le voir ministre !

Et prenez garde, cher vous, de ne pas confier une nouvelle fois la justice à Ramid afin que, quand les choses se corseront, il puisse venir sur Facebook et nous gratifier d’un statut incendiaire et qu’il puisse nous redire ce qu’il avait dit à la faculté de Mohammedia sur ces Marocains qui ne savent pas voter et choisir les candidats qui leur siéraient…

Cher Abdelilah,

Dans toutes ces surprises qui vont ont surpris, il reste quand même, tout de même, une chose sérieuse… Votre ami éternel et perpétuel, le PPS de Nabil Benabdallah, a réussi la prouesse de n’avoir que 12 députés. Rendez-vous compte : il vous a facilité la tâche. Nommez-les tous ministres et vous aurez encore de la marge devant vous !

Cher Abdelilah, aujourd’hui, des choses imposantes et des décisions importantes vous attendent encore. Une nouvelle langue à mettre au point, un nouvel Etat, un troisième, à découvrir ou à inventer, qui s’ajouterait aux deux autres dont vous nous avez abreuvé ces cinq dernières années, un ministre de l’Intérieur qui soit « enfant du Makhzen », que vous défendrez au début avant de vous retourner contre lui à la fin.

De belles et grandes choses vous attendent… mais pensez donc que beaucoup de gens n’attendent plus rien de vous.

Cher Abdelilah,

Un jour, vous avez dit que vous avez vu des Marocains vivre comme des « insectes se nourrissant de la peau des bêtes »… S’il vous plaît, pour ces cinq prochaines années, laissez-leur au moins ces peaux.

Al Ayyam (traduction de PanoraPost)