Au Maroc, le palais royal reste maître du jeu politique, par Nabil Mouline

Au Maroc, le palais royal reste maître du jeu politique, par Nabil Mouline

En moins de vingt années d’existence, le Parti justice et développement (PJD) s’impose comme la première force politique du Maroc – du moins a priori. Le nombre de sièges occupés par les membres de cette formation à la Chambre des représentants est passé de neuf en 1997 à 125 aux dernières législatives du 7 octobre.

Cette montée en puissance vertigineuse des islamistes, malgré toutes les difficultés auxquelles ces derniers ont dû faire face, notamment la forte résistance de certains cercles proches du pouvoir, ne doit toutefois pas cacher une réalité bien établie depuis les années 1960 : le rapport de forces est largement en faveur de l’institution monarchique. En plus des instances non élues et de l’économie, les partisans du palais royal continuent en effet à contrôler la Chambre des représentants. Cette affirmation peut paraître absurde de prime abord si l’on raisonne à partir des scores obtenus par chaque parti vendredi. Mais, si l’on raisonne sur la longue durée, à partir des « blocs partisans », les choses paraîtront beaucoup plus claires.

Diviser pour mieux régner


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Au lendemain de l’indépendance du Maroc, en 1956, le royaume entre dans une zone de turbulences. La monarchie et le Parti de l'Istiqlal (PI) se disputent âprement le pouvoir. Chaque partie utilise tous les moyens dont elle dispose pour contrôler l’Etat… pour être l’Etat. Pour dominer l’espace social, le palais recourt, entre autres, à une stratégie séculaire : diviser pour mieux régner. De peur de voir l’Istiqlal s’ériger en parti unique et monopoliser à terme le pouvoir, comme cela a été le cas dans plusieurs pays de la région, Mohammed V (1927-1961) souhaite l’affaiblir durablement. Pour ce faire, il s’efforce de fragmenter le champ partisan en protégeant les formations rivales du PI comme le Parti démocratique de l’indépendance (PDI), en créant un parti de notables – le Mouvement populaire (MP) –, en encourageant les divisions en son sein à travers la création de l’Union nationale des forces populaires (UNFP) et en imposant le multipartisme en 1958. Cette tactique, qui fait partie d’un dispositif plus large, a permis à la monarchie de mettre la main sur l’Etat à partir de 1959.

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