Regard de l’étranger : « Depuis 2011, le mur de la peur s’est fissuré au Maroc » (Libération)
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- 09 octobre 2016 --
- Opinions
Même si le roi reste très puissant, le printemps arabe a fait bouger la société.
Les islamistes du Parti justice et développement (PJD), à la tête du gouvernement de coalition depuis cinq ans au Maroc, ont remporté samedi les élections législatives, écrasant les vieux partis marocains et devançant leur rivaux du Parti authenticité et modernité. Une victoire pour le leader charismatique Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement pour cinq nouvelles années.
Le roi, ultraconsensuel
Cinq ans après le printemps marocain, connu dans le pays sous le nom de «mouvement du 20 Février», que reste-t-il des slogans qui retentissaient dans les rues de toutes les grandes villes du royaume ? En 2011, malgré les apparences, les printemps se suivaient mais ne se ressemblaient pas. A la différence de la Tunisie ou de l’Egypte, au Maroc, la jeunesse ne demandait pas le départ d’un autocrate honni. Le roi Mohammed VI, qui a succédé à son père, Hassan II, en 1999, est une figure ultraconsensuelle, populaire, et le peuple est dans son écrasante majorité favorable à la monarchie. Pourtant, l’emprise du Palais sur tous les secteurs de la société a, elle, été dénoncée haut et fort par les manifestants qui osaient alors briser un tabou.
Le roi avait réagi promptement. Le 9 mars 2011, après deux dimanches de contestation, Mohammed VI prononce un discours phare dans lequel il annonce qu’il va engager son pays sur la voie de la démocratie en permettant la rédaction d’une nouvelle Constitution, validée par référendum.
L’élan du mouvement du 20 Février est brisé. Deux mois plus tard, la police a ordre de disperser par la force les contestataires qui osent continuer à manifester. Les jeunes résistent physiquement, mais le mouvement s’essouffle.
Le noyau dur se sent dupé
Sur la forme, pourtant, les promesses du roi sont bien tenues : la nouvelle Constitution, qui mentionne que «la souveraineté nationale appartient au peuple marocain» (article 2), est plébiscitée le 1er juillet 2011 et le parti islamo-conservateur PJD accède dans la foulée, pour la première fois de son histoire, à la tête du gouvernement. Mais le noyau dur des militants du 20 Février se sent dupé. Certes, la réforme constitutionnelle comporte des avancées, mais elle apparaît si loin de leurs revendications ! Deux mécanismes ont renforcé le pouvoir politique par rapport au Palais : le roi doit choisir le chef du gouvernement dans le parti arrivé en tête des élections (auparavant, il pouvait désigner un technocrate de son choix : «je peux même nommer mon chauffeur», disait Hassan II) et il ne peut le congédier, sauf à dissoudre la Chambre des représentants. Le pouvoir de nomination du Premier ministre est élargi, et le Parlement a désormais le monopole des lois. Mais le roi reste constitutionnellement extrêmement puissant : président du Conseil des ministres, du Conseil supérieur de sécurité, du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, chef des armées, plus haute autorité religieuse du pays…
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