Burkini, encore et encore, par Fatiha Daoudi

Burkini, encore et encore, par Fatiha Daoudi

Lorsque je me suis mise devant mon ordinateur pour répondre à Monsieur Plenel qui clame la banalisation du burkini, à aucun moment, mon intention n’était de légitimer son interdiction par un quelconque  arrêté administratif ou d’appeler à une hiérarchie dans les libertés individuelles.

J’insiste sur le fait que mon militantisme pour les droits humains universels est sans réserve. Et j’ajoute qu’il devient particulièrement féroce quand il s’agit de défendre le droit à l'égalité entre les êtres humains !

Ce qui me pose problème dans le port de vêtements comme le burkini, c’est qu’il fait fi de cette égalité et réduit le corps de la femme, comme le veulent les normes islamistes, à son sexe (aoura) qu'elle doit cacher pour éviter de séduire l'homme dont la libido est, paraît-il, explosive, et par conséquent d’être responsable de troubles au sein de la société (fitna), grave péché devant Dieu !

A ceux qui disent que de nombreuses femmes portent le voile, la burqa et le burkini par conviction, je répondrai qu’elles le font sous l'influence de ces arguments fallacieux car le corps de la femme ne peut être réduit à son entrejambe !

Cependant, il me semble important d’aller au-delà de l’actualité et de ne pas se limiter à un pays afin d’essayer de comprendre ce phénomène qui n’est pas que vestimentaire. A mon sens, il est essentiel de ne pas occulter le fait que les islamistes n’ont pas inventé le carcan vestimentaire de la femme. Bien avant eux, les religieux juifs et catholiques imposaient des vêtements qui couvraient entièrement le corps des femmes et leurs


cheveux.

Par ailleurs, il est fondamental de savoir que la surveillance étroite du corps de la femme n’est pas l’exclusivité des religions monothéistes. Elle remonte à l’invention du système patriarcal par lequel l’homme, après avoir été un chasseur nomade, se sédentarise à travers la possession des terres  et la pratique de l’agriculture. Cette possession a toujours été une source de lutte pour le pouvoir économique qui ne souffre pas le partage. Dans ce système, la femme a pour seul le rôle, la procréation de lignée patrilinéaire. Et afin que cette lignée soit pure et sans controverse, le corps féminin est couvert et surveillé.

Il est établi actuellement que la véritable raison de cette séparation de rôles est d’empêcher les femmes, en les cloîtrant dans l’espace privé, de posséder des terres, d’être des concurrentes et actrices économiques et par conséquent de revendiquer un pouvoir politique qui déstabilisera le système en entier. Germaine Tillon abonde dans ce sens, en particulier dans son ouvrage Le harem et les cousins.

Il est vrai que le système patriarcal est, de nos jours, en voie de disparition même si certaines de ses normes demeurent dans les structures sociales, en particulier dans les sociétés musulmanes. L’obligation pour les femmes, sous des prétextes religieux, de porter des vêtements spécifiques afin d’accéder à l’espace public peut être considérée comme une de ces normes.

Cette restriction vestimentaire les maintient, à mon sens,  dans un état d’infériorité qui a pour but d’étouffer en elles toute velléité d’émancipation économique et politique. Elle les laisse, sans vouloir faire de vilains jeux de mots, empêtrées dans des préoccupations secondaires qui les occupent pleinement leur faisant perdre de vue l’essentiel !