Le burkini, entre féminisme blanc et féminisme islamique ..., par le Pr Abdessamad Dialmy

Le burkini, entre féminisme blanc et féminisme islamique ..., par le Pr Abdessamad Dialmy

Pour le féminisme 2ème  vague, blanc, universaliste, celui des années 1960-1970, pour qui toutes les femmes sont unies dans un même combat indépendamment de leur religion/culture, de leur couleur de peau, de leur appartenance de classe et de leur orientation sexuelle, porter un burkini, c’est renoncer à la liberté et à l’égalité, c’est accepter la discrimination patriarcale de genre, c’est régresser et assumer une défaite. C’est considérer le corps féminin comme source de désordre de l’ordre public masculin.

Pour le féminisme 3ème  vague qui a émergé à partir des années 1990, féminisme culturaliste et spécifiste, les femmes du monde ne sont pas unies dans un même combat à cause de leurs différences religieuses, de couleur, de statut social et d’orientation sexuelle. A titre d’exemple, rien n’unit entre une femme américaine blanche de classe moyenne et une femme africaine noire de classe populaire. En tant que femmes, leur combat n’est pas le même. Il en est de même d’une femme intellectuelle athée et lesbienne et d’une femme hétero analphabète croyante. Ce féminisme différencialiste fut d’abord celui des femmes américaines noires qui ne s’identifient pas à la femme blanche. Puis il a été adopté par certaines églises et certains "nouveaux mouvements religieux" pour déboucher sur les féminismes chrétien et islamique. Pour ce féminisme religieux, l’enjeu est de concilier religion et modernité, de trouver un compromis qui permet d’être moderne tout en respectant la foi. Certes, c’est un féminisme qui défend les intérêts des femmes, mais ces intérêts sont définis autrement.

La notion d’égalité totale est remise en cause, remplacée par celles d’équité et de complémentarité. De même, la sexualité et le corps sont exclus du champ de l’émancipation totale pour rester prisonniers de certains principes religieux dits invariables. C’est dans ce cadre que le port du burkini se situe: c’est un compromis qui permet à certaines femmes musulmanes d’aller à des plages mixtes tout en évitant la nudité. Il est un refus de l’exclusion totale des plages par l’intégrisme religieux radical. En ce sens, il est une progression, une ouverture tout en étant en même temps un garde-fou contre une mixité sans frontières et sans limites.

Le féminisme islamique est le signe de l’échec de l’intégration des musulmans dans le développement. Les musulmans, eu égard à leur développement social, économique et politique inachevé, ne sont pas structurellement aptes à adopter les valeurs du féminisme universaliste blanc, à changer de mentalité. Et plus ils sont internationalement humiliés et marginalisés, plus ils s’accrochent à l’islam comme constituant principal de leur


identité. Et plus les hommes s’accrochent à une application stricte et littérale du Coran et de la Sunna pour maintenir la domination masculine. La meilleure pilule contre le burkini (et contre le communautarisme), c’est le développement, c’est et l’intégration.

Dans l’état actuel des choses, le burkini est liberticide en soi dans la mesure où le porter signifie reconnaître que le corps féminin est une source de désordre public. Mais l’interdire, c’est également un acte liberticide d’un choix spécifique, souvent conscient et assumé, celui d’une citoyenne. Le port du burkini n'est à combattre que s’il renvoie à une personne- sujet, contrainte. Autrement dit, si le burkini est imposé à la femme qui le porte, il faut le combattre.

Par conséquent, face à cette antinomie caractéristique du burkini, toute autorité publique, où qu'elle soit et quelle qu'elle soit, doit protéger le droit de la personne qui choisit de porter le burkini ou le bikini, et sévir contre tous ceux qui s’opposent à cette liberté individuelle, à ce droit humain basique.

A l'image des autorités marocaines qui défendent le droit des porteuses de bikini au Maroc (et qui doivent continuer de le faire et mieux), les autorités françaises ont également à défendre le droit des porteuses de burkini en France. Les premières contre les islamistes extrémistes, les secondes contre les laïcs extrémistes (qui ne comprennent pas que la laïcité est définie comme coexistence pacifique de toutes les tenues vestimentaires dans tous les espaces publics).

Pour moi, la France doit rester un modèle de laïcité, et ne pas se sacrifier comme modèle par crainte d’une radicalisation islamique qu’elle produit elle-même. Ne la produit-elle pas à cause des ratés de l’intégration? A cause de la priorisation étrangère des ses intérêts économiques en s’alliant aux ennemis de la démocratie et de la laïcité?

Quant à ma position personnelle, en tant qu'intellectuel engagé dans les deux féminismes blanc et islamique depuis une quarantaine d'années, mais tout simplement en tant qu'homme, il va de soi que le bikini l'emporte sur le burkini. Le bikini respecte les idéaux universels de la vérité, de la justice et de la beauté. Il va dans le sens de l'histoire, progressif et ascensionnel.

Le bikini exprime la vérité dans la mesure où il présente le corps tel qu'il est, sans le masquer, et rapproche davantage de la nature en permettant à la femme un contact direct avec l'eau.

Le bikini représente la justice car il ne discrimine pas entre les femmes et les hommes et apprend à l'homme à éduquer son regard et à ne pas se comporter comme un animal.

Le bikini exprime la beauté car il permet à la femme de montrer qu'elle est une expression de la beauté.