Je vais me marier, je vais divorcer !, par Dr Jaouad Mabrouki

Je vais me marier, je vais divorcer !, par Dr Jaouad Mabrouki

De plus en plus ces dix dernières années, de très jeunes femmes de 18 ans à 24 ans en moyenne me consultent pour des divorces très précoces, allant de quelques semaines à quelques mois après le mariage. Le plus souvent, cette séparation est provoquée par le mari ou bien par ses parents qui ne trouvent pas la mariée à leur goût, même si ce sont eux qui l’avaient « choisie ». Parmi ces mariages, nous trouvons aussi bien des mariages d’amour que traditionnels. 

Je ne suis pas uniquement choqué par l’avortement de ce mariage, mais plutôt par le fait que les jeunes femmes ont quitté le cursus scolaire ou universitaire, alors que la société fonde tous ses espoirs sur elles.  Et d’ailleurs, le progrès de la société dépend directement de celui de la femme !

Le garçon divorcé, quant à lui, souffre moins, voire pas du tout, car selon lui et ses parents, il  est « toujours un garçon » et que toutes les filles sont (supposées être) à ses pieds. Et donc, je ne reçois jamais en consultation un jeune homme divorcé, ignorant complètement son crime social en violant « l’institution sacrée du mariage» !

Contrairement au garçon, la fille divorcée devient une tare pour ses parents, une honte, une victime, et ayant perdu sa virginité ou le « label de son hymen », elle risque de ne plus pouvoir se remarier avec honneur. C’est cet aspect culturel de notre société qui est à la source du traumatisme et de la douleur de la jeune divorcée et de ses parents, un véritable drame ! Hélas, La femme est toujours considérée comme « un objet » ou « une marchandise » !

Lorsque je demande à la fille ou au garçon pourquoi ils se sont mariés, les réponses sont souvent de ce genre :

  • Pour la fille : parce qu’on s’aime, parce que mes parents m’obligent, pour fuir le terrorisme domestique….
  • Pour le garçon : parce qu’on s’aime, parce que je veux la stabilité (c'est-à-dire ne plus courir à droite à gauche), parce qu’il est temps de « faire le halal » c'est-à-dire du sexe halal, parce que ma mère a besoin de quelqu’un pour l’aider (une bonne), ou bien encore « pour faire comme tout le monde »…..

Hélas, ces jeunes mariés avortés ne répètent que ce qu’ils ont appris de leur parents.

Bien que la cellule familiale soit le fondement de la société, le concept du mariage n’est ni enseigné à l’école, ni à la maison, comme étant une « institution sacrée », comme une des plus grandes entreprises sociales! Le mariage est effectivement  réduit à un simple rituel social que chacun doit accomplir pour s’acquitter de son devoir vis-à-vis de la société en assurant sa pérennité et en procréant d’autres individus.

L’équilibre de la société repose sur le mariage, et c’est la raison


pour laquelle le divorce a toujours été totalement ou presque interdit dans toutes les sociétés, car il s’agit d’une violation du corps social. Signer donc un contrat qui ne peut être dissout exige une bonne étude et une bonne réflexion, et surtout prendre connaissance de ses clauses et des conséquences de sa dissolution. Mais, bien malheureusement dans notre culture, l’acte de mariage est réduit à un « kaghite ou karéte », un simple papier, qui peut être déchiré sur un coup de tête… un véritable acte criminel !

Malheureusement aussi, aucun programme pédagogique n’est enseigné aux jeunes pour qu’ils saisissent le concept du mariage et pour les amener à prendre conscience qu’ils sont les seuls responsables de la sacralité de cette institution, une fois qu’ils nourrissent le projet de se marier.

Un programme sur le mariage doit être intégré dans tout le cursus scolaire et être considéré comme la discipline la plus importante, bien plus importante que la science et la littérature ou autre. Est-il raisonnable qu’un étudiant  passe au moins 16 ou 18 ans sur les bancs de l’école, du lycée et de l’université sans recevoir aucun enseignement sur le mariage, alors qu’il s’agit de l’un des plus importants objectifs qu’il compte réaliser aussitôt qu’il finit ses études ?

Avoir des cadres et des intellectuels est une très bonne chose, mais s’ils souffrent dans leurs ménages ou s’ils divorcent prématurément, et leur malaise sera d’une façon ou d’une autre répercuté sur leur travail et le service de la société !

Le mariage est une véritable coexistence entre deux êtres. Pour coexister, il faut d’abord se connaitre soi-même avant d’essayer de bien connaitre l’Autre. La connaissance de soi est donc capitale et essentielle. Le mariage est basé essentiellement sur l’union de deux âmes, il s’agit d’une « union spirituelle » avant tout !

Dans plusieurs sociétés, il est plus facile de se marier que de divorcer et le tribunal met des années avant de se prononcer sur le divorce car il est considéré comme la mise à mort d’un important organe du corps social !

Je ne vais pas vous dire pour quelle raison il faut se marier, car il s’agit du devoir de chacun d’y réfléchir et de ne plus considérer le mariage comme un simple rituel !

Tout ce que je peux vous dire est le mariage est comme un oiseau à deux ailes, l’une est représentée par la femme et l’autre par l’homme. Pour que l’oiseau puisse voler dans les cieux du bonheur, les deux ailes doivent être harmonieuses et synchrones. C’est donc à chacun de nous de bien connaitre les spécificités de son aile (la connaissance de soi), pour qu’il puisse trouver l’autre aile capable de synchroniser et coexister avec la sienne. Il ne suffit donc pas de choisir une belle et une jolie aile ou bien encore accepter l’aile qu’on lui impose !