Terrorisme domestique, un quotidien amer !, par Jaouad Mabrouki

Terrorisme domestique, un quotidien amer !, par Jaouad Mabrouki

Au cours de mes consultations, je vois quotidiennement des femmes et des jeunes filles souffrant chez elles de l’injustice et de la violence, verbale, morale, financière et physique, sachant qu’elles représentent à elles seules 8O% de mes patients.

À titre d’exemple, je viens de recevoir hier une jeune fille de 17ans, se faisant régulièrement violenter par son frère de quatre ans son aîné. L’adolescente complètement terrorisée a alors tenté de se suicider. Et ceci n’est qu’un cas isolé parmi les milliers de femmes et de filles victimes de l’inégalité des sexes, aussi bien dans le foyer familial que conjugal.

Dans le cas de cette jeune fille, le frère lui impose ce qu’elle doit porter comme vêtement, exige d’elle qu’elle n’ait pas d’amis (aussi bien fille que garçon), surveille son téléphone et le lui confisque quand ça lui en chante, contrôle ses horaires de sorties et l’heure à laquelle elle doit rentrer à la maison, l’empêche de quitter le domicile familial à part pour se rendre à l’école, lui interdit d’aller sur internet et bien évidemment d’avoir un compte facebook. Lorsqu’il juge qu’elle fait une erreur, il la violente alors verbalement, moralement mais le plus souvent physiquement.

Ce même frère a quitté le cursus scolaire pour ne rien faire, et exige alors d’être servi comme un roi à la maison et d’avoir son argent de poche pour ses sorties, ses cigarettes et son café avec ses amis. Cette jeune fille innocente doit  quand à elle lui faire sa chambre, lui servir le repas et s’occuper de son linge ! Mais malgré cette misère morale et physique, cette adolescente arrive heureusement  à être brillante  dans ses études.

Vous vous demandez sûrement où sont les parents et pourquoi ils n’interviennent pas? Mais vous vous en doutez bien! Ils sont là, comme tous les parents, et disent à la jeune fille quand elle tente de se plaindre de cette injustice : « c’est ton grand frère ! » en lui intimant alors de se taire et de se soumettre.

Personnellement, je dirais plutôt que c’est du terrorisme.

Par ailleurs, ce foyer fonctionnant ainsi avec toute cette violence n’est pas unique, il est typique à tous les autres foyers à des degrés différents et sacralise ainsi la règle sociale établie par je ne sais pas qui : « L’homme a tous les droits sur la femme et le frère également sur ses sœurs ».

Et ne me dites pas de ne pas généraliser !

Tristement, l’injustice domestique est présente dans tous les foyers sans aucune exception ! Je pourrais ne pas généraliser si la femme avait foncièrement  les mêmes droits que l’homme.

Dites moi, avez-vous déjà vu un seul foyer où le mari fait le ménage, la cuisine, le linge, le repassage, la cuisine, s’occupe des enfants ?  Où, lorsque la femme rentre le soir du café, il se lève sans mot dire, chauffe le repas pour le lui servir et une fois que celle-ci finit de manger, il débarrasse la table, lui prépare un thé, fait la vaisselle ; puis il se fait beau,


va au lit et bien que fatigué, attend sa femme sagement, pour qu’elle arrive et exauce ses fantasmes sexuels ?  Et  où le lendemain, une autre journée identique redémarre : un réveil matinal pour s’occuper des enfants qui vont à l’école tandis qu’il prépare le petit-déjeuner de sa femme, qui se réveille doucement et tranquillement. Et une fois qu’elle a fini de manger et avant de sortir, il  se permet alors de lui demander de l’argent pour aller au hammam, ce à quoi elle répond « ma’andich » tout en fermant la porte derrière elle ?

Avez-vous déjà vu un frère au service de sa sœur, qui lui amène un verre d’eau si elle le désire, qui lui fait son café et prépare son goûter, qui débarrasse la table et fait la vaisselle ? Avez-vous vu un seul foyer où la sœur et la mère imposent au garçon de 17 ans, de se marier avec une femme de plus de 50 ans ? Avez-vous vu un seul foyer où la sœur interdit à son frère de ne pas porter un short court et un débardeur, en lui imposant une tenue particulière, de ne pas sortir avec des filles, de rentrer à la maison aussitôt qu’il sort de l’école ? Avez-vous vu un seul frère qui fait la chambre de sa sœur et passe la serpillère ? Avez-vous déjà vu une sœur qui interdit à son frère d’aller à la plage, de porter un maillot  ou de voyager avec ses amis, et lui dire de baisser la tête lorsqu’il est harcelé dans la rue par les filles ?

Avez-vous vu un seul foyer où des parents disent à un frère qui se plaint de l’injustice de sa sœur « c’est ta grande sœur » ?

Si vous me dites alors que vous connaissez un seul foyer fonctionnant ainsi, je cesserais immédiatement de généraliser l’injustice familiale à tous les foyers.

Comment peut-on alors arriver à une société saine, juste, équilibrée, épanouie, harmonieuse, démocratique, où les droits de l’Homme sont respectés, la liberté de la pensée honorée, la coexistence une évidence, lorsque l’inégalité des sexes, la violence domestique, l’intolérance sont soutenues culturellement à la maison ?

Ne s’agit-il pas d’un terrorisme domestique ? Ce frère n’est-il pas un terroriste qui incube à la maison ? Ne sera-t-il pas demain à son tour un terroriste avec sa femme et engendrera un fils terroriste avec ses sœurs ?

Comment peut-on souhaiter avoir la coexistence dans la société si ce n’est pas vécu et appris à la maison ? Comment peut-on avoir une société tolérante si le fanatisme est entretenu dans la famille ?

Ne pensez-vous pas que tous les foyers ont besoin d’une éducation morale ? Ne pensez-vous pas qu’il faut réviser le programme et les manuels de la vie familiale et réfléchir à un programme qui engendre des familles tolérantes et qui permet de dissoudre le terrorisme domestique ? Ne pensez-vous pas qu’il faut d’abord éradiquer le terrorisme domestique avant de tenter la coexistence dans la société ?

Enfin, ne pensez-vous pas devoir réaliser la coexistence et la tolérance dans la famille entre un mari et sa femme, entre les frères et les sœurs,  avant de tenter celles de la société ?