La cocotologie… ou le temps des leaders sous pression, par Hicham Rouzzak

La cocotologie… ou le temps des leaders sous pression, par Hicham Rouzzak

Contrairement aux autres peuples du monde, les Espagnols ont voulu nommer à leur façon l’art de l’Origami. Ils lui ont choisi le nom de « Cocotologia ». Qu’est-ce que l’origami ? Il s’agit d’un art japonais très précis et encore plus difficile consistant en le pliage du papier pour fabriquer des figures ou des figurines, sans l’aide ni de ciseaux ni d’aucun instrument. C’est l’Espagnol Miguel de Unamuno qui a choisi pour cet art le terme de « Cocotologia », et qui en a même fait un livre.

Et voilà qu’un art sublime s’est trouvé qualifié d’un terme prêtant à équivoque. Mais non ! Que les Espagnols nous en excusent, et que Miguel de Unamuno nous pardonne, mais nous autres Marocains sommes plus proches de ce mot que l’origami ou que toute autre chose qui serait autre que nous.

Nous sommes plus cocotologues que quiconque, oui… Et personnellement, j’estime que le vol le plus grave qu’aient commis les Espagnols à notre détriment, après bien évidemment Sebta, Melilla, nos rochers, nos îles et nos poissons, est le vol du sens… le vol du sens de notre politique, de notre pays.

De quelle « cocotologie » parlent donc les Espagnols ? Du pliage de papier pour en faire des objets et des figures ? La belle affaire ! Mais que vaut ce terme accolé à cet art, comparativement à notre « cocotologie » nationale ?

Nous autres, Marocains, sommes à l’origine même de la cocotte ; c’est nous qui lui avons donné naissance !

Les Espagnols, et au plus fort de leurs guerres civiles et de leur longue lutte pour la démocratie, ont-ils été un jour capables de créer des partis cocotte-minute ?

Nous, nous l’avons fait.

Nous, sans guerre, civile ou militaire, avec seulement quelques années de plomb et de braise, nous avons fabriqué des partis en un clin d’œil. Nous les avons façonnés, puis nous avons soufflé dedans plein de vapeur, ou d’air, ou de vide, comme on veut, puis nous les avons conduits à s’étriper, pour la plus belle distraction des observateurs.

Nous en avons fait le Zéro et le Néant, ou le néant à partir de zéro, et même un zéro lui-même anéanti.

Mais de quelle cocotologie parlent donc les Espagnols, et Miguel de Unamuno en particulier ?

La cocotologie, n’en déplaise à nos Espagnols de voisins… n’est finalement qu’une cocote pression marocaine que nous avons rebaptisée en politique, en affaires publiques, en institutions…

La cocotologie est cette recette qui fait que le parti le plus « puissant » dans notre pays vit par les larmes et survit dans la victimisation. C’est cette formule qui fait d’Abdelilah Benkirane, en même temps LE chef du gouvernement en vertu de la nouvelle « coustitissioune » et « seulement un chef du gouvernement » qui vient pleurer devant ses partisans et adeptes, se lamentant que l’Etat ne lui ai pas donné l’honneur de « lutter contre la corruption ».

La cocotologie est cette chose qui réduit un homme d’Etat comme le  chef du gouvernement, élu par les électeurs, à affirmer qu’il existe au Maroc deux Etats, l’un dirigé par le roi et dont le gouvernement est présidé par Benkirane, et un autre dont le même Benkirane ne sait fichtrement rien !!

C’est cette même cocotologie qui mène le même chef du gouvernement à vitupérer contre l’Etat bousculé par ce qu’il appelle les « démons et les crocodiles », malmené par les turpitudes de l’ « Etat profond ».

C’est encore et toujours cette cocotologie, et en vertu du principe de la cuisson sous pression, qui fait oublier Benkirane et les siens un ingrédient important dans la recette… et cet ingrédient, c’est lui, Benkirane !...

Les Marocains ont-ils donc voté pour vous pour leur régler leurs problèmes ou pour vous voir et entendre depuis 5 ans pleurnicher face à ce que vous voyez comme démons et autres crocodiles ? Les Marocains ont-ils voté pour vous pour


que vous et eux construisiez, enfin, un véritable Etat ou pour vous entendre vous lamenter sur l’existence d’un Etat profond qui vient des tréfonds et envoie tout et tout le monde par le fonds. Vous voulez donc que les électeurs jettent votre bulletin dans l’urne, vous propulsent à la tête du gouvernement d’un Etat et aillent ensuite ferrailler contre un autre Etat que vous leur présentez comme plus fort et plus puissant que celui que vous êtes supposés diriger ? Dites-nous… viviez-vous vraiment dans ce Maroc que vous avez présenté comme votre pays et pour lequel vous avez dit avoir un véritable projet intégré ou alors, vous tombez du ciel ? Avez-vous été parachutés, à l’instar de tant d‘autres avant vous.

Oui, la cocotologie est, finalement, une marque déposée marocaine.

Chabat, par exemple… Cet individu avait qualifié le « leader » du PPS Nabil Benabdallah de « saleté qui s’insinue entre l’ongle et la peau », et le journal du parti de Chabat, dirigé par le président du syndicat corporatiste avait dit du même PPS que « c’est un parti qui a une peau de colle, et qui est ainsi resté collé aux différents gouvernements qu’a connus le Maroc durant 15 ans, sacrifiant tout à cela, ne prêtant aucune attention au prix à payer pour cette colle ». Il avait ajouté, suavement, que « Benabdallah et ses camarades savent bien que tel est le sort de leur formation, le collage, la colle ».

Chabat avait aussi indiqué que le gouvernement de Benkirane est « un gang organisé », pendant que Benkirane disait de Chabat qu’il était un « menteur », qu’il était ce « clown de Fès »… et autres joyeusetés.

Mais aujourd’hui, et du fait de la cuisson rapide et sous pression, sous forte pression,  PJD, PPS et Istiqlal se dressent au son du même sifflet, celui de la cocotte, et émettent les mêmes stridulations en vue des prochaines élections, où tout sera permis, où les ingrédients mis dans la même cocotte conduiront au même mets savoureux pour eux trois.

Et puis, très rapidement, Benkirane et ses amis ont découvert que l’Etat au Maroc est en fait double et Chabat a pris conscience que ce gouvernement qu’il avait quitté avec perte et fracas est bien meilleur que cette maudite opposition dans laquelle il se trouve encore aujourd’hui englué. Quant aux amis de Benabdallah, et pour reprendre le mot de Saïd Fekkak, membre du Politburo du PPS, que « Benkirane est l’homme par excellence de l’histoire moderne du pays »… et paix aux âmes d’Ali Yata et d’Aziz Belal.

La cocotologie, c’est nous, c’est bien nous et rien que nous.

C’est une cocotte-minute qui fait que la politique découvre subitement le Maroc, le temps d’une campagne électorale, et crache des propos aussi vides que la vapeur d’une cocotte et aussi furtifs que le sifflement de la même cocotte.

La cocotologie, c’est se réveiller un beau matin au milieu du Maroc des Grands et se retrouver face à des leaders cocottisés, écrasés sous la pression, un Benkirane comme chef du gouvernement, un Benabdallah dirigeant le parti de Yata et de Belal, un Chabat successeur improbable de Boucetta, un Lachgar affalé, essoufflé, dans le fauteuil de Bouabid…

La cocotologie, c’est se retrouver, en toute simplicité, face à une bonne tambouille bien de chez nous mais à la cuisson inachevée… pour cause de précipitation dans la préparation des ingrédients.

La cocotologie, c’est comprendre que nous en sommes à une ère de « riendutologie », qui nous accable avec ses riens et son Néant, qui multiplie les noms et invente des surnoms, qui est incapable de nous fournir ne serait-ce qu’une idée solvable…

La cocotologie a ses dirigeants et ses leaders qui, contrairement à l’origami, n’ont pas besoin d’être pliés avec adresse car ils se sont eux-mêmes pliés aux caresses et ont multiplié les bassesses.

Al Ayyam (traduction de PanoraPost)