Le macaron ou l’obsession du paraître, par Mohamed Amine Ezzerrouti
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- 26 juin 2016 --
- Opinions
Médecin, avocat, juge, sécuritaire, médecin ou enseignant-chercheur : que de professions toutes aussi importantes les unes que les autres dans une société. Malheureusement, certains poussent la fierté professionnelle jusqu’à floquer leur métier sur le pare-brise de leur voiture. Un acharnement propre à notre beau pays qui reflète l’état d’une société où le besoin d’afficher sa condition sociale devient conséquent. Une pratique devenue tellement répandue mais malgré cela, très peu débattue par la scène politique. Cette dernière aussi n’échappe pas au culte du macaron. Mais dans quel but ?
Plusieurs images qui circulent sur les réseaux sociaux montrent des ministres européens rejoignant leur bureau en transport en commun. Une attitude qui pourrait être interprétée comme du marketing politique mais qui dans certains cas traduit la stratégie antiélitiste de certains gouvernements. Ces politiciens sont conscients que leur poste n’est que temporaire et que leur pouvoir n’a d’égal que leur responsabilité vis-à-vis des citoyens. Être haut placé ne rime donc pas au droit d’outrepasser des PV mais à donner l’exemple au peuple.
Dans une société où le plus récent élu d’une commune municipale rabaissera un officier de police avec le fameux : « Est-ce que tu sais à qui tu parles ? », ne nous offusquons pas que les autres citoyens suivent celui qui est censé représenter la communauté locale. Même après avoir brûlé un « STOP », il fusillera l’officier du regard croyant être protégé par son cher macaron. Ce simple bout de plastique devient ainsi un laisser-passer démontrant ainsi la flexibilité de la loi à l’égard de certains métiers ou de personnes disposant d’un répertoire téléphonique influent. Combien d’entre nous n'ont-ils pas déjà vu des automobilistes au téléphone après
avoir été arrêtés par un officier de police ? Et non, ils n’appellent pas pour prévenir leurs épouses qu’ils arriveront en retard...
Un officier de police disait que l’une des pires fonctions de la sûreté nationale était la circulation. Tout simplement parce qu’on peut rarement faire son travail en bonne et due forme. Entre chauffard qui menace d’appeler le supérieur du fonctionnaire de police, jeunes qui connaissent tel ou tel responsable et finalement ce dit-responsable qui ne manquera pas de ressortir la fameuse phrase citée plus haut. La raison est simple et malheureuse : Au Maroc, vous n’avez pas vraiment réussi votre vie si on peut vous coller une contravention.
Il y’a quelques années, une campagne d’arrestation avait eu lieu dans plusieurs villes du Maroc contre des fraudeurs qui imprimaient de faux certificats et macarons de « Cherfa ». Pour quelques centaines de dirhams, tout citoyen lambda pouvait se targuer d’appartenir à telle ou telle grande famille en espérant que ça lui permettrait de faciliter son accès à ce qui, des fois, lui est dû de droit. Mais aussi à effrayer un modeste officier de circulation désirant faire son travail. Tout psychologue fraîchement diplômé vous dira que les gens qui achètent ce genre de certificats sont atteints d’un complexe. Mais ce n’est que le ras-le-bol collectif quant aux traitements de faveurs faits à une certaine partie de notre société.
In fine, cette pathologie de l’être et du paraitre qui touche de plus en plus de citoyens marocains se doit d’être conditionnée légalement le plus tôt possible. Cela en encourageant la « laïcité automobile » car tout signe d’appartenance professionnelle arborée sur votre pare-brise ne sert à rien à part si c’est un sticker donnant accès à un parking privé. Finalement, c’est bien beau d’être juge, avocat ou parlementaire mais un feu rouge reste un feu rouge.