Daech, cette chose bien plus douce que nous ne le pensions, par Hicham Rouzzak
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- 16 juin 2016 --
- Opinions
Observons, et méditons…
1/ Dans la Grande Mosquée de la Mecque, à la fin de la prière, juste après le salut rituel, un « musulman » (photo) relativement âgé se met à hurler avec une admirable fougue, remerciant le Créateur d’avoir recouvré la vue grâce à Sa bénédiction.
L’homme a prié dans le lieu le plus saint et le plus sacré de l’islam, et il a retrouvé l’usage de ses yeux. Il a aussitôt été entouré par une foule de croyants, les uns le félicitant, les autres louant Dieu, et tous émus aux larmes, convaincus d’avoir assisté à un véritable miracle, aussi gros et plus impressionnant que l’aurait été une entrée en islam de Torquemada.
La vidéo a puissamment circulé sur les réseaux sociaux, et en particulier sur Facebook, ce réseau bleu teinté de tant de noirceur. Les commentaires se sont multipliés sur la grandeur de l’islam et les affirmations ont proliféré sur cette religion qui est celle du Bien, du Bon et du Beau.
Puis, dans les heures et les jours qui ont suivi, cet homme qui a recouvré la vue et qui a connu ce miracle s’est avéré être un mystificateur… un escroc à la petite semaine qui a imaginé et monté toute cette scène pour soulager de quelques deniers tous ceux qui sont venus le congratuler, hébétés face au « miracle » auquel ils venaient d’assister.
2/ En France, face à une grosse foule, el-Arifi officiait… El-Arifi est cet homme qui se présente comme prédicateur et théologien islamique et qui, ce jour-là, se laissait aller à une de ses sinistres farces bien connues…
Ce jour-là, el-Arifi trônait. On lui amène alors un jeune Français qu’on lui présente comme quelqu’un qui veut embrasser l’islam, mais on lui dit qu’il ne connaît pas la langue arabe. Alors, une illumination se produit dans l’esprit du prédicateur ! Il décide de faire un prodige et de montrer à la foule acquise à sa cause que le Coran et l’islam sont capables de réaliser des miracles.
Alors il dit qu’il a décidé de réciter un verset, en arabe, à ce jeune homme qui ne comprend pas l’arabe, puis de dire autre chose, qui n’est pas tirée du Livre Saint, sur le même ton. Le jeune Français devait alors dire à el-Arifi quelle aura été la phrase qui l’aura marqué, impacté, ému et bouleversé. El-Arifi voulait ainsi prouver urbi et orbi que quand on lit des passages du Coran, même à des gens qui ne comprennent pas l’arabe, leur cœur chavire et leur esprit s’enflamme.
Et el-Arifi commence alors son show… il récite un verset du Coran au jeune Français, puis de la même manière, il déclame une phrase tout à fait ordinaire, et il questionne le cobaye sur les mots qui l’ont bouleversé. Les seconds, répond tranquillement le jeune novice… El-Arifi ne s’avoue pas vaincu, et recommence avec un autre verset, puis une autre phrase du langage commun. Même résultat.
Notre érudit ne bronche pas et lance à la foule : « Pas grave, ça ne marche pas à tous les coups »… un peu comme ces deux ivrognes qui se soulent quand l’un d’eux, pris d’une idée géniale, dit à son commensal qu’il allait uriner sur lui sans le mouiller et, en le faisant et en se rendant compte que ce qui devait arriver arriva, et que l’autre dégoulinait d’urine, lui dit : « oups »…
3/ Aussitôt après l’annonce du nom du tueur d’Orlando, qui a volé la vie d’une cinquantaine d’innocents, l’important n’était plus l’ampleur du drame, ni qu’il ait été commis au nom de l’islam, ni même la revendication de Daech…
Non, le plus important, à mes yeux, est l’émergence de cohortes de « Daechiens » sans ceinture d’explosifs, sans armes longues ou de poing… des gens qui ont pris fait et cause, à forte dose, pour cette organisation terroriste dite « Etat islamique », en vue de se frayer un chemin vers le paradis céleste.
Ceux qui ont suivi les commentaires sur certains sites marocains auront remarqué que Daech n’utilise plus seulement des bombes ou des fusils… mais attire de plus en plus de kamikazes qui lui ont fait publiquement allégeance et qui sont réellement disposés à tuer au nom de l’islam.
… De nombreux commentaires ont été postés, regrettant qu’il n’y ait pas
eu encore plus de morts à Orlando, applaudissant l’action du meurtrier et considérant son acte comme une fierté pour l’islam… des commentateurs qui ont dit et redit qu’occire des homosexuels est une obligation en islam…. Des commentaires qui ont montré en quelque sorte que les cinglés adorateurs du sang au sein de Daech sont bien plus doux que leurs semblables, aussi adorateurs de la mort et de l’hémoglobine, mais sur les réseaux sociaux et les sites, des types qui écrivent et pensent dans une logique d’apocalypse.
Dans les trois exemples que nous avons cités plus haut, il y a un point commun. Un seul et unique point commun pour cette religion qui est aujourd’hui reléguée au rang de simple marchandise par tant et tant de personnes.
Dans le premier cas, un escroc a instrumentalisé la sacralité de la religion et de la Grande Mosquée pour prétendre avoir retrouvé la vue et pour détrousser les croyants crédules qui l’ont congratulé… agissant comme tous ces autres brigands de la religion qui ont fait de leur interprétation de la religion un pouvoir, un pouvoir dont ils se sont servis et dont ils se servent encore pour voler la conscience des croyants…. Comme encore ont fait tant de gouvernants, tant de prédicateurs qui ont soumis la religion à leur volonté et asservi tant de personnes à leurs desseins… affirmant leur domination sur les uns, accentuant la pauvreté des autres, et aggravant le sous-développement de tous.
Et, au final, si les moyens sont différents, l’objectif est identique : un escroc s’accapare la religion, se pare de ses oripeaux et s’assure une pitance à vil prix.
Dans le second cas, el-Arifi a présenté le nouveau profil d’un grand nombre de musulmans, de celles et ceux qui croient dans le mythe et la mystification, qu’ils/elles érigent en religion et consacrent comme foi…. Des croyants qui ne pensent pas une seconde que le véritable miracle est de montrer au monde que nous sommes une nation qui croit et a droit à la vie, et non que nous sommes une communauté de personnes qui fait dans la facilité, croit dans la supercherie… qui ne pense pas que la religion appelle à la connaissance et à la science mais souhaite conduire les autres à penser que tout ce qui est inventé, créé, façonné, innové, a déjà été mentionné dans et par le Coran.
La désillusion d’el-Arifi face à ce jeune homme qui n’a pas été ému par le son du Coran est la même de tous ceux qui lisent le même Coran et n’en comprennent goutte, de ceux qui lisent le message de paix du Coran et le traduisent par la violence, la mort et, en cas de charité extrême, par l’excommunication. La désillusion, voire la forfaiture, de gens qui estiment que tout ce qui n’est pas eux est différent d’eux, contre eux.
Dans le troisième cas, les commentaires postés sur cette affreuse invention impie et mécréante qu’est internet étaient plus odieux, bien plus abjects que le forfait lui-même commis à Orlando… ils nous plaçaient devant une compréhension pathologique de l’islam, celle qui place le croyant à la place de Dieu, qui juge et punit ceux qui pensent autrement ou prient différemment, ceux qui agissent ou réagissent selon leur volonté ou leurs (autres) croyances, ceux qui ne s’inscrivent pas dans l’unanimisme que veulent les chantres de cette mauvaise compréhension de notre religion. Les autres, tous les autres…
… Ces commentateurs d’un autre âge estiment que seules la violence, la mort, l’excommunication expriment et traduisent le verset qui dit du Prophète « nous ne t'avons envoyé qu'en miséricorde pour l'univers » (21 : 107), et reflètent le sens de cet autre verset « vous êtes la meilleure communauté qu'on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah » (3 : 110).
Dans ces trois situations, on découvre en toute simplicité et on comprend en toute clarté que le pire ennemi de l’islam est le musulman, et que les tueurs de Daech sont même relativement plus « bienveillants ».
… bien plus doux en comparaison à tous ces criminels dormant dans Facebook ou ailleurs, ces gens que rien ne sépare de l’action meurtrière que la possibilité de transformer leurs claviers en armes d’assaut, leurs touches en détentes.
Al Ayyam