Les révélations du documentaire de France 3 sur Mohammed VI

Les révélations du documentaire de France 3 sur Mohammed VI

Jeudi 26 mai, donc, le fameux documentaire « roi du Maroc, le règne secret » a été diffusé dans la soirée sur France 3. Il semblerait, au vu des commentaires sur les réseaux sociaux et dans les médias, qu’il a été bien plus visionné au Maroc qu’en France. Il a apporté des révélations, des indications et une grille de lecture du « règne secret ». Décryptage.

1/ Hassan II et Mohammed VI

Le documentaire apporte bien plus de révélations nouvelles sur le règne d’Hassan II que de scoops, déjà anciens, sur Mohammed VI. Il est vrai que sous le règne précédent, évoquer l’argent du roi n’assurait pas un avenir radieux à ceux qui le faisaient. Aujourd’hui, les affaires royales sont connues ; elles sont abondamment abordées par la presse nationale tous genres et supports confondus, mais aussi par les médias venant de l’extérieur, comme pour l’affaire Swissleaks ou, plus récemment, les Panama Papers (relayés plus tard par leurs confrères marocains).

Et contrairement encore au règne d’Hassan II, le roi actuel répond aux interrogations des journalistes par avocats interposés, voire les confond si, d’aventure, ils exigent un pécule en échange de leur silence. Du temps d’Hassan II, on alternait les menaces et la corruption, dans le silence le plus absolu, et sans que cela ne déteigne sur la marche habituelle des affaires ni ne les impacte (ou les moralise) de quelque façon que ce soit.

On  apprend ainsi dans ce documentaire ce qui s’était passé avec Gilles Perrault, l’auteur du fameux pamphlet « Notre ami le roi », paru en 1990 chez Gallimard. Hassan II avait donc tenté de corrompre tant l’éditeur Gallimard que l’écrivain, mais l’entreprise n’avait pas abouti, vu l’envergure des concernés. On connaît la suite.

2/ Réactions de la société au documentaire

Contrairement aux marches et manifestations toujours présentées ici comme spontanées mais  qui le sont très rarement, sur tel ou tel autre sujet, la mobilisation contre le documentaire sur les réseaux a été réellement volontaire, fruit d’initiatives individuelles.

Face aux problèmes qui s’accumulent sur le Maroc en interne avec une polarisation/crispation politique de plus en plus marquée entre PAM et PJD, elle-même reflétant une ligne de faille sociétale encore plus profonde entre progressistes et conservateurs, et en externe avec le Sahara, les Marocains semblent se replier sur ce que l’on appelle les trois grands fondamentaux, résumés dans la devise nationale « Dieu, la patrie, le roi ».

Le retour à la religion comme valeur et


identité est aujourd’hui très marqué, bien que parfois inquiétant dans certaines de ses formes.

Pour l’affaire du Sahara, récemment plutôt chahutée à l’international, on observe la mobilisation de tous, certes par le cœur et la parole plus qu’en actes, mais cela est un autre sujet.

Concernant le roi, les Marocains se sont mobilisés pour récuser, sans que personne ne le leur demande. il n’y a eu aucune action de l’Etat, et encore moins du palais, pour dresser la population contre les réalisateurs. Ils l’auraient d’ailleurs voulu, l’Etat et le palais, qu’ils n’auraient pas pu, et ils n’auraient certainement pas atteint le résultat que l’on constate aujourd’hui. La réaction des gens sur les réseaux et dans les salons a été spontanée et a dû surprendre le palais et le roi lui-même par son ampleur.

3/ La réaction du palais royal

Si, comme le dit le documentaire, il y a eu un durcissement au niveau des libertés entre 2003 et 2010, pour diverses raisons qui ne sont pas le propos ici, la tendance inverse a été enregistrée depuis cinq ans, suite au printemps arabe, couleur locale. L’apparition des réseaux sociaux n’y a pas été étrangère.

Concernant les différentes affaires royales révélées par la presse, il faut noter deux points :

1/ Mohammed VI répond systématiquement par ses avocats aux sollicitations et demandes d’informations et, chaque fois qu’une affaire est rapportée par les médias, la réaction du principal concerné n’est pas dirigée contre les révélateurs, comme jadis, mais vers une logique d’assainissement des affaires en question (Casinos de Macao, compte HSBC, et on attend de voir la suite des comptes Panama Papers).

2/ La réaction est plus virile quand les formes ne sont pas respectées, et elle s’effectue sur le plan judiciaire. Les cas Laurent/Graciet et Moumni sont les meilleurs exemples, les trois personnages étant actuellement poursuivis en France pour divers chefs d’inculpation.

Conclusion…

Certes, les critiques sont là et ceux qui les portent ont leurs arguments, recevables ou discutables, mais cela relève de leur liberté d’expression et anime le débat démocratique. On remarquera seulement le fait que  les militants qui critiquent ici sont, quand même, plus crédibles et bien plus audibles que d’autres « exilés ».

Pour conclure, et pour solde de toute cette affaire, on est passé d’un documentaire présenté comme accablant à des révélations abracadabrantes, qui feront finalement pshiiit, pour reprendre le vocabulaire de ce grand ami du Maroc qu’est Jacques Chirac.

Aziz Boucetta