Le roi fait libérer l’individu qui avait intercepté son convoi. Aurait-il dû ?, par Aziz Boucetta
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- 10 mars 2016 --
- Opinions
Lundi dernier, le convoi officiel du roi Mohammed VI avait été intercepté par un individu qui s’était jeté devant la voiture transportant le souverain. Bref moment de flottement ; l’homme a remis un pli à Mohammed VI puis a été appréhendé par la sécurité et déféré devant le parquet. Puis on a appris que le roi avait demandé sa libération.
Le geste est éminemment humain et généreux, l’individu s’étant avéré un ancien émigré en Espagne, de retour au Maroc où il était en butte à des tracasseries judiciaires en raison de sa situation familiale. Mohammed VI a fait montre, encore une fois, de son empathie pour les personnes en difficulté.
Au Sahara, voici un mois, une autre personne, une jeune femme cette fois, avait essayé d’arrêter le convoi royal, mais elle avait été heurtée de plein fouet par un véhicule de la sécurité rapprochée du roi, qui ne s’était pas arrêté, mais une ambulance était arrivée sur les lieux quelques secondes plus tard. Mohammed VI avait, selon les médias, pris en charge les frais de soins de la jeune femme.
Cela fait deux personnes qui s’exposent devant la voiture de Mohammed VI lors de déplacements officiels, cela appelle des remarques.
1/ Selon les informations rapportées par la presse, le roi a « gracié » l’homme qui s’était jeté devant sa voiture lundi dernier. Or, on ne gracie que les condamnés, et l’individu n’était encore que poursuivi pour « perturbation de la circulation, mettant en danger la vie d’autrui ». Il aurait peut-être mieux valu que, les faits étant avérés, l’homme soit déféré devant une cour, condamné, puis ensuite gracié par le roi Mohammed VI.
On rappelle que le véhicule royal a marqué un temps d’arrêt juste après l’incident, comme si Mohammed VI voulait s’assurer que l’homme se portait bien. Là encore, sa fibre humaine et
humaniste s’est révélée au grand jour. Peut-être craignait-il que l’individu ne soit sévèrement molesté par une sécurité énervée de s’être laissé surprendre (bien que l’on note qu’elle a agi et réagi avec calme et retenue, contrairement à une situation similaire en France, quand Nicolas Sarkozy avait été approché par un homme, qui s’était fait très sévèrement malmené par les gardes du corps présidentiels)). Mais la légalité institutionnelle a été malmenée.
2/ L’homme aurait dû être condamné, puis gracié ensuite, ne serait-ce que pour adresser un message à celles et ceux qui auraient l’idée de faire comme lui et de se jeter devant la voiture du roi. Il n’est pas le seul à connaître des problèmes personnels et, les Marocains ne reconnaissant que la personne du souverain pour améliorer leur situation, ils pourraient être encouragés à emboîter le pas à cet homme.
Il aurait encore une fois mieux valu donner un exemple, par une condamnation, suivie peut-être par une grâce et une action royale en sa faveur. Mais la procédure judiciaire aurait dû être achevée, laissant ensuite au souverain la latitude de faire jouer son pouvoir de grâce.
3/ Des centaines d’internautes se sont inquiétés face aux images de cet homme déboulant sur la voie et bloquant le convoi royal. Mohammed VI a coutume de se promener hors protocole dans les (très) nombreuses villes qu’il visite incessamment. L’auteur de ces lignes a déjà assisté à une autre scène similaire à celle de lundi, mais à Casablanca, avec un homme qui courait vers la voiture (décapotable) où se trouvait le souverain pour lui remettre un pli... Cela est l’affaire de la sécurité royale, sachant que même lors des déplacements officiels, à Casablanca, à Rabat (comme ce lundi), à Tanger, à Laâyoune ou ailleurs, les voies et boulevards ne sont pas hermétiquement bloqués. C'est le Maroc d'aujourd'hui, avec, parfois, ses moments de frayeur...