Censurez… Censurez… Il en restera toujours quelque chose !, par Sanaa El Aji
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- 03 février 2016 --
- Opinions
Monsieur le Ministre de la Communication,
J’aimerais, une nouvelle fois, porter à votre connaissance que j’ai enfreint la loi. A chaque fois que vous interdisez un film ou un journal, je me vois obligée d’être une hors-la-loi. J’avoue que, par moments, il s’agit de revues ou de films que je n’aurais probablement pas cherché à lire ou à voir… si vous ne les aviez pas interdits ! Mais, comme beaucoup d’autres Marocains, dès que vous les interdisez, je me dis qu’ils doivent contenir des éléments qu’« on » veut nous cacher… Et je m’empresse aussitôt d’acheter le DVD piraté ou de me procurer le journal en question.
Dans le cas du Hors-série de« Sciences et Avenir », non seulement j’ai reçu le magazine en format numérique le jour-même où l’information de son interdiction a été portée au public mais, de surcroît, j’ai largement contribué à le diffuser auprès de mes connaissances et amis. Quelle(s) punition(s) mériterais-je ?
Monsieur le Ministre,
J’aimerais juste porter à votre connaissance qu’aujourd’hui, à l’ère de l’internet, il est impossible d’interdire quoi que ce soit. Tout au contraire, l’interdiction assure une meilleure diffusion de l’objet de la censure.
Et puis, Monsieur le Ministre, sachez juste que nous ne sommes pas des mineurs. Que
le gouvernement ne peut pas décider pour nous ce qui est à lire et ce qui est à bannir. Ce qui est à regarder et ce qui est à rejeter. Hier un film. Aujourd’hui un magazine… Et demain, vous viendrez vous plaindre de notre futur piètre classement en matière de liberté d’expression. Vous direz que le classement n’est pas crédible. Qu’il n’est pas transparent… Et vous oublierez que, de par vos décisions rétrogrades, vous contribuez largement à nous dégrader chaque fois un peu plus.
Monsieur le Ministre,
C’est la censure qui porte atteinte à l’image de notre pays et non des œuvres de création. C’est la censure qui ébranle notre foi en notre pays et non des images du prophète (faites par des musulmans aux 16ème siècle) que vous jugez porter atteinte à la religion. Et puis, ne pensez-vous pas que vous alimentez la haine quand vous donnez raison à toute « intention » de colère suite à la publication éventuelle d’une image ou un texte jugés non suffisamment islamiques ?
Monsieur le Ministre,
Je vous en supplie. Je vous en conjure… Dans l’avenir, rappelez-vous juste que nous ne sommes pas des mineurs et que nous souhaitons vivement nous affranchir de cette tutelle que vous nous imposez et que vous exercez sur nous et contre nous.