Femmes ministres et hommes ministres : une différence génétique ?, par Fatiha Daoudi
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- 05 janvier 2016 --
- Opinions
Cette fin d’année se caractérise par une certaine ardeur médiatique à étudier le comportement des ministres femmes. Cet intérêt, somme toute légitime, suscite cependant quelques interrogations.
Tout d’abord, le focus ne concerne que leur comportement individuel, sans relation avec le travail qu’exige le département qu’elles gèrent. Il s’agit surtout de leur façon de s’habiller. C’est ainsi que moult détails nous sont donnés : le prix des tailleurs et des bijoux d’une ministre qui revendique sa féminité, et la longueur de la jupe et le voile trop serré de celle qui a renoncé à la sienne.
L’habillement d’une ministre a-t-il plus d’importance que celui d’un ministre ? Est-il en lien direct avec la manière de gérer un ministère ? Les détails que diffusent les médias influent-ils sur la qualité de la décision et sur l’efficacité qui en est censée découler ?
Dans tous les cas, il semble que, concernant les ministres hommes, la réponse est négative. Ni les costumes coûteux ni les montres hors de prix ne sont liés à l’efficacité de leur travail. Même leurs excès comportementaux, rapportés par la même presse, y sont solubles.
Par ailleurs, à chacune de leurs sorties médiatiques, les paroles des ministres femmes sont décortiquées et celles, malencontreuses et sorties de leur contexte, sont amplifiées. Il est vrai que leurs collègues hommes n’échappent pas au même traitement. Sauf que, concernant les femmes, même si ce n’est pas dit franchement, une débilité génétique est sous-entendue, car chacun sait que leur cerveau est moins cohérent et surtout plus apte à la domesticité qu’à
la vie publique... Pour les hommes, cela se limite souvent à de l’inadvertance.
Ainsi, lorsqu’une ministre emploie une expression populaire dans un contexte qui ne s’y prête pas ou qu’une autre utilise un « françaisisme » malencontreux, c’est forcement lié à leur fonctionnement biologique et à leur incompatibilité génétique à assumer une charge publique !
Quand le responsable est un homme, l’inadvertance est vite oubliée même quand il lui arrive par exemple de soutenir que les femmes désertent les partis politiques à cause du seul harcèlement sexuel, passant sous silence leur double travail : leur emploi hors de chez elles, et la gestion de leur foyer. Et si malgré cela, elles font l’effort de s’affilier à un parti, elles passent souvent des années à batailler pour parvenir aux structures décisionnelles et parfois même pour seulement prendre place sur une minassa (tribune) lors d’un évènement. La déclaration de ce responsable est pourtant bien passée et a même suscité un intérêt positif.
Une discrimination basée sur le sexe peut être facilement déduite de ce qui vient d’être dit, car ce genre de discrimination demeure malheureusement encore bien ancré dans les cerveaux malgré son interdiction par la constitution du pays. Sinon, pourquoi les médias ne se focaliseraient-ils pas plutôt sur le travail des femmes ministres afin de juger de son sérieux et de son efficacité, et ne laisseraient-ils pas de côté le physique de la responsable et ses paroles malencontreuses, comme c’est de rigueur quand il s’agit d’un homme ?
Juger une ou un responsable sur les résultats de son travail et non sur sa biologie mettrait le pays sur le bon chemin.