Aux forces et services de sécurité, un grand merci !, par Aziz Boucetta
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- 02 décembre 2015 --
- Opinions
Alors que l’organisation terroriste dite « Etat islamique » met le monde à feu et à sang, sans distinction de races, de couleurs, de religions et de nations… et alors que les pays les plus avancés démocratiquement comme la France et la Belgique vivent au rythme d’états d’urgence et de couvre-feux déclarés ou non, le Maroc vit dans une sécurité que bien des pays lui envient. Il y a des gens qui veillent pour cela, des services qui surveillent, pendant que le pays avance à sa vitesse normale.
Ankara et Beyrouth pleurent encore leurs morts, les Russes attendent de venger les leurs, Bruxelles a peur d’en avoir et Paris craint d’en avoir plus. Partout en Afrique ou en Europe, les robocops et les soldats d’élite arpentent les rues, arborant d’impressionnantes armes de guerre, parfois avec des blindés qui patrouillent, souvent avec des hélicoptères qui survolent. Une situation de guerre et un paysage d’apocalypse, ou presque…
Au Maroc, nous apprenons de temps à autre – à intervalles certes rapprochés – que le Bureau central pour les investigations judiciaires, ou BCIJ (prononcez Bsij) a arrêté deux, trois, quatre membres présumés de Daech qui projetaient des attentats sur notre sol. Et les patrouilles Hadar (deux soldats et un policier, ou un gendarme) circulent dans nos rues et nos avenues, offrant plus un sentiment de sécurité qu’elles ne confèrent une sensation de guerre.
Mais, contrairement aux autres pays, personne ne pense ni n’a une pensée pour ces gens de l’ombre qui ne dorment jamais, ou si peu. Et si mal. Que l’on vive, au sein de la société, dans une situation de paix et de sécurité signifie, et doit laisser penser, que pour ces gens des services, c’est l’état d’urgence permanent.
Bref rappel de faits, et de leurs effets
Les services de sécurité, au Maroc, ont toujours eu mauvaise presse ont longtemps pesamment alourdis des termes torture, brutalité et sévices… Police rimait avec Driss (Basri), et services avec sévices. Une réputation souvent méritée d’ailleurs, il faut le reconnaître.
Durant son règne, Hassan II avait choisi deux militaires et un civil pour diriger le renseignement. Les généraux Oufkir et Dlimi d’abord, puis, les choses ayant tourné comme on sait, le ministre de l’Intérieur – civil et ancien flic – Driss Basri. Oufkir, en bon soldat ombrageux qu’il fut, était un homme qui connaissait la violence et savait ne l’utiliser qu’en ultime recours, mais souvent. Dlimi était un sauvage qui torturait comme il respirait, et tant que ses victimes respiraient aussi. Avec Basri, les choses avaient évolué dans une sorte de « transition », passant des sévices physiques les plus abjects à une forme de renseignement par l’intelligence (du nom de l’espionnage, pas de la posture).
Des décennies durant, le Maroc avait vécu à l’ombre des inspecteurs et des indicateurs, gardiens de voitures, cireurs de chaussures, concierges d’immeubles et les inévitables moqaddem et chioukhs. Les berguagua, les hnach, les âttay, les shab lhal, l’makhzen…, tous ces joyeux personnages oeuvraient plus au service d’un système que pour présenter leurs services à la société. C’était un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… car, dans l’intervalle, les menaces ont changé, les extrêmes communistes ayant reculé au bénéfice des radicaux islamistes.
Aujourd’hui…
Ces mêmes personnages, inspecteurs et indicateurs, existent toujours, mais le vent de démocratie qui souffle sur le pays (toutes choses étant perfectibles par ailleurs) a produit son effet. On ne surveille plus les opinions pas plus qu’on ne bride la liberté d’expression, qui fleurit dans les réseaux sociaux. On cause de tout et on critique tout, au-delà de toute censure et en dehors de toute retenue.
Hier, on avait peur de prononcer certains mots, comme Ben Barka, Oufkir, Skhirat (pour le coup d’Etat éponyme)… aujourd’hui, on réclame, on exige la vérité sur ces sujets.
Hier, on
avait la peur du gendarme, et du policier… aujourd’hui, la peur a changé de camp car on apprend chaque semaine, chaque mois, le sort de policiers et de gendarmes suspendus, poursuivis, jugés, condamnés, embastillés pour violence exacerbée ou pour corruption dénoncée.
Hier, c’était hier et aujourd’hui, les choses ne sont plus les mêmes.
Sécurité et droits
Avant d’être, donc, un Etat (presque) démocratique, le Maroc fut un Etat (très) policier. Et un Etat policier, ce sont des indicateurs et des services de renseignement techniquement et technologiquement élaborés, fondant leur travail sur des indicateurs évoluant au sein de la population comme un poisson dans l’eau, ou comme un moqaddem dans son quartier. Mais une société sécurisée, de nos jours, c’est le fruit d’une savante combinaison entre l’elint, la comint et l’humint, respectivement electronic intelligence, communication intelligence et human intelligence.
Il faut le dire, le Maroc, en plus de sa longue expérience d’humint, s’est très efficacement équipé ces dernières années en moyens technologiques très perfectionnés et en personnels excellemment formés. Et c’est grâce à ce dispositif et à ces femmes et hommes, qui se sont assagi avec les années et ont appris le sens de la loi et des droits, que nous vivons en sécurité. Il y a bien eu les attentats de 2003, 2007 et 2011, mais le risque zéro n’existe nulle part, jamais. Malheureusement.
Depuis les attaques de 2003, les services marocains ont lentement, mais sûrement, changé leurs méthodes. Les incarcérations de masse au lendemain du 16 mai ont montré l’inutilité du gourdin. La répression de cette époque, qui a duré, a clairement indiqué qu’efficacité ne rime pas avec violence et souffrance, mais plutôt avec perspicacité, sagacité et doigté. Le patron du BCIJ Abdelhak Khiame a récemment déclaré à un média suisse que « les aveux ne servent à rien si l’on n’a pas de preuves scientifiques. Les forces de sécurité sont toujours accusées de mauvais traitements par les gens qui risquent de très lourdes peines ». Pourquoi croirait-on des terroristes et non les gens chargés de notre sécurité ?
Les associations de défense des droits, pour utiles qu’elles soient, doivent savoir que les menaces ont changé de nature, que la sauvagerie aveugle est la nouvelle arme des terroristes et que, pour être et vivre en sécurité, il faut savoir s’en donner les moyens, tout en surveillant et traquant les éventuels abus et excès, comme il y en a eu récemment encore à travers les tracasseries contre des journalistes (Lemrabet, Monjib, et bien d’autres…).
Gratitude
Quand on assiste à un mois aussi meurtrier que celui qui vient de s’écouler (Ankara, Sinaï, Beyrouth, Paris, Bamako), on comprend que les services requièrent des moyens aussi importants que sophistiqués pour travailler, mais qu’ils ont aussi besoin de gratitude. En France, en Allemagne, en Espagne, aux Etats-Unis, on ne remercie jamais assez ces forces de l’ordre et de sécurité qui ne dorment jamais, qui prennent des risques incessants et qui sont sous stress permanent.
Au Maroc, c’est le roi qui ne cesse de les remercier et de leur savoir gré pour leur veille permanente. Et, plus récemment, ce sont les responsables français, belges et espagnols qui ont témoigné à ces services de leur reconnaissance, et ont fait appel à leurs compétences. Cela ne serait pas le cas si les méthodes étaient encore dans la logique stupide de la violence débridée et de l’arrachage des ongles, davantage tournée vers les statistiques des arrestations que vers l’efficacité des inquisitions. On ne devrait pas attendre qu’on ait un état d’urgence dans ce pays pour comprendre ce que nous devons à ces services.
En football, une équipe a besoin du soutien du public, le 12ème joueur… En sécurité, les services ont besoin de l’encouragement de leur population. Il est temps que chez nous, au Maroc, là où la paix règne, là où la sécurité est effective, on apprenne aussi à leur dire : Merci !