Où sont la maturité et la sagesse des gouvernements marocain et saoudien passées ?, par Noureddine Miftah
Ô Dieu, acceptes-tu cette catastrophe dans Ta maison sacrée, ces morts que l’on pouvait éviter, et les cœurs des familles en deuil qui se sont embrasés et consumés ? Acceptes-tu qu’un millier de gens meurent et qu’un autre millier de personnes soient blessées, ces croyants qui étaient Tes hôtes en Ta demeure, et tout cela en raison de la négligence, de l’arrogance et de l’insouciance ?
Est-il sérieux qu’en ce deuxième millénaire de l’ère hégirienne une grue s’effondre sur tant de personnes qui prient et adressent leurs prières à Toi ? Peut-on envisager qu’au pays du pétrole et des multinationales géantes un tel engin tombe sur des milliers de pèlerins et en tue plus d’une centaine ?
Ô Dieu, donne-nous l’inspiration et montre-nous la preuve qui nous conduirait à admettre que nos pèlerins décédés se sont eux-mêmes tués à Mina par leur précipitation, leur empressement et leur indiscipline !...
Ô Dieu, les gens dans mon pays islamique sont stupéfaits par l’ampleur de ce qui s’est produit. Des dizaines d’entre eux ont vu leur fête transformée en tragédie qui n’en finit pas… Ils n’ont pas plus de nouvelles de leurs proches vivants que morts. Que cela soit pour le gouvernement marocain ou son homologue saoudien, la raison a fait défaut et la maturité s’est évaporée. Les âmes des gens sont restées suspendues à tous ces poignards plantés dans les cœurs des pères, des enfants, des frères et des sœurs, des mères, toutes et tous attendant la mise en accusation en ce bas-monde des responsables… quant à l’au-delà et à son jugement, ils T’appartiennent…
Tous ces ponts, ces points de rassemblement, cette défense civile saoudienne suréquipée et très bien formée, et une telle tragédie se produit quand même ? Cela est-il raisonnable, acceptable ? Serons-nous, pouvons-nous être rassurés en faisant le tour des chaînes télés et en apprenant qu’une enquête va être ouverte ? Nous savons bien le sort de pareilles enquêtes dans notre monde peuplé d’éminences et d’excellences, d’altesses et de grands… Nous ne connaissons que trop bien ces montagnes qui tremblent et se secouent pour accoucher de souris, comme nous nous y attendons pour le mont Arafat et son enquête sur le drame de cette année.
Ô Dieu, que faire si les informations qui nous emplissent les oreilles s’avèrent exactes ? Que faire s’il se confirme que le convoi officiel d’un prince saoudien est à l’origine de la catastrophe ? Que faire et comment le faire ?
Ô Dieu, les gens qui sont en charge de la gestion de Ta maison ne s’appellent-ils pas eux-mêmes les serviteurs des Lieux Saints ? Alors que doivent faire les serviteurs de cet endroit le plus sacré de l’islam quand leur service devient problématique, approximatif et relâché et quand la mort s’impose entre les hôtes du
Créateur ?
Le plus étrange et le plus triste est que lorsque les familles des pèlerins cherchent des informations sur les chaînes de la péninsule arabique, ils n’y rencontrent que des reportages réalisés à la gloire de la défense civile saoudienne, chantant l’excellence de l’organisation du pèlerinage !…
Et même jusqu’à cette chaîne « internationale » al Jazeera qui applaudit à la perfection de l’accueil et de la gestion des lieux, et qui a obtenu la faveur d’un avion spécial qui survole La Mecque en s’étouffant des panégyriques les plus puissants.
Qui, en dehors de Toi, ô Dieu, pourrait cicatriser nos plaies béantes ? Qui ?
Les dépouilles sont jetées dans les morgues et eux, eux, ils ont déjà tourné la page et repris leur autoglorifications simples et simplistes.
Quant à nos frères dans notre cher Maroc, ils ont adopté un comportement unique dans le monde… En effet, toutes les nations qui ont des ressortissants à La Mecque ont déjà publié des listes de morts et de disparus, sauf nous ! Le surréalisme en est arrivé au point que, 30 heures après la catastrophe, notre ambassade à Riyad a publié un communiqué officiel nous apprenant et apprenant aux familles éplorées et mortifiées que les recherches se poursuivent, sous la supervision du chef de la délégation officielle marocaine, le ministre Boussaïd !
Précision infâme… L’ambassade a tenu à préciser qu’elle ne pourrait donner aucune information en l’absence de certificats de décès en bonne et due forme remis par les Saoudiens !
Le ministère des Affaires islamiques nie et dément le décès de Marocains alors même que l’imam de la mosquée Hassan II, relevant du même département, a fait l’éloge funèbre du muezzin de ladite mosquée, Noureddine Haddioui, mort à Mina !
Comment ont donc procédé les Iraniens, les Camerounais, les Algériens, les Indiens, les Somaliens, les Sénégalais, les Indonésiens, les Pakistanais et bien d’autres encore, pour établir des premières statistiques de leurs disparus et communiquer avec leurs populations ? Et pourquoi pas nous ? Serait-ce là une autre forme d’exception marocaine ? Quelle misère !... Quelle misère est donc cette exception, cette communication gouvernementale, cette ambassade, cette délégation qui a brillamment réussi à transformer nos martyrs en fantômes, puis nos pèlerins en contestataires fulminant et éructant contre la négligence, la faim, la hogra (mépris) lors d’une manifestation inédite à Mina !
Ô Dieu, point de salut en dehors de Toi, pas de paix sans Toi… Accueille dans Ta miséricorde et Ta bonté les âmes de nos disparus qui sont des martyrs, qui étaient Tes hôtes, qui étaient partis prier et Te supplier de leur accorder Ta bénédiction. Accorde la foi et la consolation à leurs familles… Donne-leur des nouvelles de leurs proches, qui feraient basculer la douleur en bonheur. Ô Dieu, prends pitié de nous…
« Ils complotèrent, mais Allah a fait échouer leur complot, et Allah est le meilleur en stratagèmes » (8 :30).
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