De quel Maroc rêvons-nous ?, par Fettah Bennani
Novembre 2011, tonnerre sur le Maroc : le PJD passe de 46 à 107 députés lors des élections législatives, soit une progression de 230%, plongeant le Maroc politique dans une stupeur totale !
Du jamais vu : ni le FDIC de Réda Guédira, ni le RNI d’Ahmed Osman ou l’UC de Maati Bouabid (tous deux appuyés de main de maitre par Driss Basri), n’ont pu réaliser pareil exploit.
Septembre 2015, lors des élections communales et régionales, le PJD frappe encore plus fort : Troisième en nombre de sièges, il remporte haut la main les mairies des plus grandes villes du pays.
Allez expliquer que Casablanca et Marrakech sont des villes à majorité « islamiques ». Allez comprendre pourquoi l’indéboulonnable Chabat a été battu à plate couture !
A cette allure, nous nous acheminons tout droit vers un parti arrachant la majorité absolue aux élections législatives de 2016…
Et là, bonjour les dégâts !! Les plus fins politologues y perdraient leur latin, car ces résultats ne correspondent à aucune logique.
Généralement, les partis au pouvoir sont « sanctionnés », surtout lorsque leur gestion est critiquée.
L’élite n’a pas manqué de mettre le doigt sur le manque d’expérience et l’incompétence des membres du gouvernement, relayés en cela par la presse et les réseaux sociaux.
Et les reproches, le plus souvent avérés, ne manquent pas : solutions de facilité pour résoudre les problèmes de la caisse de compensation, augmentations de quasiment tous les produits de première nécessité, absence de mise en œuvre de la constitution, absence de lois organiques, non respect des promesses de la campagne de 2011 (SMIC à 3000 DH, taux de croissance à 7%) alors même
que la conjoncture est très favorable (chute des prix du pétrole), et aucune vision économique et sociale, sans parler des différentes atteintes aux libertés. A titre d’exemple, les douze ans de gestion PJD ont fait de Ksar El Kebir une ville sinistrée.
On peut, en toute légitimité, trembler pour nos grandes villes !
Il fallait être sourd et aveugle pour ne pas percevoir le rejet du PJD la veille des élections.
Que s’est-il donc passé ?
Bien malin qui pourra donner une explication logique…
Un événement restera sans doute en travers de la gorge de tous les partis (y compris ceux de la majorité) : à une semaine du jour du scrutin, le gouvernement décide, de façon unilatérale, le vote sur simple présentation de la carte d’identité nationale, ce qui est une avancée (même si beaucoup d’électeurs n’ont pas pu identifier leur bureau de vote), que le PJD rejetait.
Le PJD saisit l’occasion pour distribuer un document contenant toutes les informations de la carte d’électeur et suggérant de voter … pour eux ! De plus, ces documents n’ont pas été distribués par des militants dûment identifiés par des casquettes ou des dossards portant le logo du parti, mais par des « civils », qu’on pourrait confondre avec des mokadems. Intelligent et machiavélique !
Si ce procédé semble légal, il est incontestablement amoral.
On parle aussi de déplacement de populations (procédé utilisé par le passé), ou les pressions sur les ouvriers des grands chantiers en construction… Les prochains jours nous cachent peut-être d’autres surprises !
Une seule question vient à l’esprit : Qui paiera ?
Le rapport du cinquantenaire avait conclu que notre pays était à la croisée des chemins. Avons-nous déjà pris le chemin inverse de la démocratie et de la modernité ?