En marge de la votation du 4 septembre…, par Sanaa Elaji
Je suis et scrute les opinions de certains de mes amis qui protestent contre le PAM, contestent le PJD, manifestent une inquiétude face à la (grande) méforme de l’Istiqlal et de l’USFP, et pestent contre la Fédération de la Gauche démocratique (ou « parti de la gauche radicale » selon l’inénarrable Moncef Belkhayat)… Fort bien, mais alors quelle alternative proposent ces personnes ? Quelle serait la solution qui leur siérait dans cette phase politique que traverse actuellement le Maroc ?
Le discours consistant à affirmer « tous les mêmes, des corrompus » n’est pas plus réaliste que logique, et encore moins une alternative tangible pour un changement réel. Et puis, il faut le dire, la façon de penser de ces gens traduit une forte dose de mauvaise foi car il ne faut pas confondre le boycott d’un scrutin, un acte politique que je ne partage pas mais que je respecte (il a été défendu et présenté comme un droit par le CNDH et par la députée PAM Kahdija Rouissi), et le non-vote, par indifférence ou nonchalance.
Cette problématique pourrait être solutionnée par la comptabilisation du vote blanc comme expression politique et non plus, comme c’est le cas encore aujourd’hui, comme bulletin nul. En effet, glisser un bulletin blanc – c’est-à-dire n’exprimant aucun choix – est l’action d’un individu qui, un matin, se lève, sort de chez lui, prend de son temps pour aller à un bureau de vote, en connaissance de cause, puis fait (éventuellement) la queue, et enfin ne vote pour personne, indiquant ainsi qu’il n’a été convaincu par aucun(e) des candidat(e)s de sa circonscription et par aucun des programmes des partis en lice. Cet individu est absolument différent de celui qui ne part pas voter, tout simplement… Parce qu’il se moque de toute l’opération électorale et n’a cure de ce qui pourrait se passer dans sa ville, sa région ou son pays.
Mais revenons à ces personnes sceptiques qui ressassent à l’envi l’antienne de « de toutes les façons, cela ne sert à rien… ». Ces gens sont en général les mêmes qui réclament une monarchie parlementaire où le roi règne mais ne gouverne pas. Alors donc, chers vous, vous souhaitez un roi qui ne soit pas exécutif mais, dans le même temps, vous refusez de participer à l’élaboration de politiques publiques alternatives et à l’émergence d’élites qui prendraient les rênes du pays avec de larges attributions ? Quelle est donc cette monarchie parlementaire avec tous ces partis que vous rejetez en bloc, dans le fonds et dans la forme, que vous refusez de soutenir ou de sanctionner en vue d’un changement que vous souhaiteriez ?
On peut en conclure que, finalement, vous jetez le bébé avec l’eau du bain, comme dit le fameux dicton. Dans ces conditions, il vaut mieux alors parler d’autre chose qui
mérite que l’on s’y arrête…
Nous sommes, aujourd’hui encore, plusieurs jours après le scrutin du 4 septembre, en train de lire et de décortiquer les résultats obtenus par les partis et leurs candidats et, je dois le dire, comme un grand nombre de personnes, je suis globalement satisfaite des résultats de cette consultation : un taux de participation fort encourageant dépassant les 53%, conférant à l’opération une véritable crédibilité et aux élus une réelle légitimité ; et puis, notons aussi que le scrutin a été transparent et honnête, et que ses résultats ont été rapidement donnés. Cela fait l’unanimité, tant des perdants que des gagnants, sauf les irréductibles et irascibles mauvais perdants qui ont tôt fait d’imputer leur revers, et leur impopularité, à d’improbables irrégularités.
Le Maroc, aujourd’hui, vit au rythme d’un changement politique et électoral reflété par cette dernière élection. Elle aura permis de faire émerger deux grands partis, quelles que soient nos positions à l’égard de l’un et de l’autre : le PJD qui a remporté les élections régionales et le PAM qui a été le premier dans les communales, avec 50% des voix qui ont été réparties sur les trois premiers partis.
Les deux formations gagnantes ont leurs électeurs, qui ont voté par conviction pour eux et aussi pour sanctionner les autres. Le PAM et le PJD ont donc gagné une légitimité politique et électorale certaine que tous devraient leur reconnaître, nonobstant nos préférences et nos divergences pour tel ou tel autre de ces deux partis.
Depuis vendredi dernier, le pays dispose de deux grands pôles politiques, chacun ayant son projet sociétal et son discours politique pour le servir, ce qui ne saurait être une mauvaise chose, bien au contraire… L’un de ces partis dispose d’un véritable leader politique (et pas seulement sur le plan du discours), alors que l’autre n’en a pas. En effet, force est de reconnaître que, en toute objectivité, Mustapha Bakkoury ne réunit pas les capacités politiques requises de la part d’un dirigeant politique, du chef d’une force politique devenue incontournable sur la scène politique nationale ; cela ne réduit en rien ses capacités managériales et ses compétences professionnelles, mais faire de la politique, et la faire bien, nécessite bien des qualités que, fort malheureusement, Mustapha Bakkoury ne réunit pas.
Et, enfin, n’oublions pas la belle chavauchée de ces deux jeunes amis que sont Omar Balafrej (Fédération de la Gauche démocratique) et Mehdi Mezraoui (USFP) qui ont connu leur première expérience électorale, le second ayant déjà été candidat dans le passé, mais pas en tête de liste. Leur campagne fut réellement belle, résolument innovatrice et parfaitement élégante. Les deux jeunes hommes ont su et pu prendre le meilleur sur des machines électorales bien rôdées, montrant ainsi qu’une alternative aussi crédible que rayonnante est toujours possible.
Et c’est dans cela que réside l’espoir.
Al Ahdath al Maghribiya